4 mars 2016 – Sélection sud-ouest du Mégaphone Tour
Par ordre de passage en scène : Délinquante, Guillo, Jules Nectar, Chouf, Mary*, Pierre Lebelage
Café associatif « Chez ta mère » (Toulouse)
Petite présentation du concept mené de main de maître par Caroline Guaine (encore une qui est tombée dans la potion magique de la Chanson et que rien n’arrête) : « Le MEGAPHONE TOUR est une opération concrète d’aide à l’émergence, de soutien, d’accompagnement et de développement par la scène des talents de demain. Chaque année, 12 auteurs – compositeurs – interprètes, préalablement sélectionnés, partent sur 4 tournées dans 4 grandes Régions de France (Sud Ouest, Sud Est, Nord Est, Nord Ouest), proposant ainsi un plateau découverte de 3 artistes en bas de chez vous … »
D’abord surprise de la sélection, on s’informe. On apprend qu’il s’agit d’accompagner des artistes qui ont déjà un environnement professionnel, qui sont aguerris par des concerts dans des salles de référence, des festivals, qui ont un ou plusieurs albums. Bref, c’est l’étape où apparaissent les mots anglais (évidemment, dès que l’on devient un peu sérieux sur le marché !!) de management, booking… mais on se dit que se doit être plutôt difficile de s’entendre sur l’emplacement du curseur en matière d’évolution de carrière.
Évidemment à titre très personnel, on se réjouit de retrouver ceux qui sont inscrits à notre tableau d’honneur depuis pas mal de temps. Mais une seule place dans la course ! On serait bien ennuyé de faire un choix, là, maintenant avant même de les entendre sur la petite scène de « Chez ta mère ». Mais on est décidé à être honnête, très honnête… à juger seulement ces vingt minutes en solo. Même si on ne s’est pas donné voix au chapitre (on a refusé de faire partie du jury pour des raisons déjà évoquées), on essaiera de jouer le jeu, comme chaque spectateur d’ailleurs.
Erwan Pinard, hors sélection, ouvre la soirée avec trois chansons. Histoire de faire venir le public pour lui le lendemain. Comme on vient d’arriver direct de Paris, que la tête est un peu ailleurs, que Toulouse nous cueille avec des trombes d’eau, on reste un peu refroidie… Erwan Pinard hurle, tempête un peu, puis nous assène une sorte de blues qui nous prend aux entrailles… on entend Brel, Bashung… Bref, on se dit qu’il faudra aller voir de plus près cet artiste dès qu’on le pourra.
La compétition s’ouvre avec Délinquante. Quelle bonne surprise de les entendre dans leurs nouvelles chansons ! Décidément, on n’est pas décidée à renoncer à notre goût pour elles. Elles commencent avec le duo de deux filles en cavale, Telma et Louise revenues… Franchement c’est très émouvant cette prière : « Promets-moi de me relever si un jour je tombe ». Et l’on rit aussi bien sûr des clowneries de Claire (c’est la petite !) qui vous fait l’insecte en rut à merveille – si, si ! – et puis on aime Céline (c’est la grande !) quand elle chante l’amour « du rouge, de l’audace, du brûlant » avec son ukulélé électrique. Bref, on serait prête à voter pour elle. Vient ensuite Guillo, très, très chic ce soir dans un camaïeu de bruns du meilleur effet… Sa prestation est folk, tout à fait dans la lignée de Cabrel, dont on croit même entendre la voix parfois. Les textes sont ceux d’un homme d’aujourd’hui qui regarde ce monde et ses habitants avec une pointe de douleur au cœur. On aime ce chien de la fille du boulevard des Maréchaux, et puis aussi sa vision d’apocalypse (Des hommes et des Fleurs). Mais on aimerait parfois un peu plus d’aspérités. C’est au tour de Jules Nectar, qui s’en vient en acoustique dans la salle. Il aime le rapprochement avec le public. Il nous l’a démontré souvent et c’est un atout pour cette compétition. Bien sûr, c’est peut-être un peu dommage de l’avoir placé juste après Guillo. Ils se ressemblent ces deux-là, dans le style, l’accompagnement. On attend Chouf en solo, lui que l’on a tant apprécié avec son groupe, à la sortie de son album. Franchement, le jouer solitaire (et très chic aussi !) lui va bien. La version de sa chanson offerte à sa grand-mère gagne encore en émotion. Je note la sobriété de ses interventions entre les chansons. Un bon point.
Mary* qui lui succède fait souffler un vent de folie avec son sampler, ses démonstrations sonores (trop à notre goût), sa silhouette androgyne, ses dreadlocks… et son immense sourire. Elle fait le show et le fait avec un goût de la scène et de l’échange avec le public évident. On avouera ne pas avoir pu/su suivre le texte… C’est hélas, trop souvent le cas dans cette forme de « flow ». Alors quand arrive Pierre Lebelâge dont on sait l’art de tisser les mots, c’est un retour à une forme évidente de classicisme. Il a bien fait d’abandonner son tabouret, son pied sur la chaise, pas vraiment sa scansion à la Brassens qui le caractérise… On le sent nettement mieux en scène. Ce garçon pose un regard satirique sur nos contemporains dont il fait des portraits savoureux, mais sans aucune méchanceté. On comprend qu’il plaise tant. C’est mérité.
Alors, alors, qui élire ?
Le jury a opté pour Mary* à la surprise générale… Son show, ses recherches sonores, son sourire ont eu gain de cause. Promis, on s’engage à revenir l’écouter pour comprendre ce qu’elle veut nous dire.