Prix Georges Moustaki : Hip, hip, hip hourra Eskelina ! (Ⓒ droits réservés)

3 mars 2016, finale du 6Prix Georges Mous­ta­ki (© droits réservés)

3 mars 2016 – Finale et remise du 6e Prix Georges Moustaki

Pour l’artiste indé­pen­dant et/​ou auto­pro­duit avec, par ordre de pas­sage, Anas­ta­sia, Pau­line Drand, Eske­li­na, Hi Cow­boy, Orso Jesens­ka, Fran­çois Puyal­to, Zo

Centre Universitaire Malesherbes, Grand amphithéâtre (Paris 17e)

Eske­li­na, chan­teuse franco-folk

« Des chan­sons sur mesure, souples et sans conces­sion à la fois, qui nous rap­pellent ici et là les belles heures mélo­diques du folk. Quelque part entre Joan Baez, Leo­nard Cohen ver­sion Par­ti­san et Maxime Le Fores­tier, Eske­li­na a trou­vé ses auteurs. Mais c’est bien ses propres malles qu’elle nous dévoile ici, entre les notes de deux gui­tares et d’une contre­basse : on y sai­sit le temps engouf­fré entre ses départs et ses retours. Ses ren­contres for­tuites, artis­tiques, ou d’a­mour. La vie quoi. Celle-là sonne bien. »

Télé­ra­ma à pro­pos d’Eskelina

Cent cin­quante albums pos­tu­lants, dans tous les styles, vingt-deux pré­sé­lec­tion­nés sur écoute, sept rete­nus pour le pas­sage en scène, face au jury et au public. Voi­là pour les chiffres.

Affiche du Prix Georges Moustaki (Ⓒ droits réservés)

Ces sept nous donnent à voir et entendre une chan­son mul­tiple comme on aime. On fera pour­tant quelques réserves pour le der­nier groupe, Zo dont on ne voit guère en quoi paroles et musique ont bien pu le dis­tin­guer pour ce prix pres­ti­gieux, pour le duo Hi Cow­boy aus­si qui lance les sons comme des armes de jet sans nous pro­cu­rer d’émotion. Et que dire du per­son­nage de la chan­teuse cow­girl qui dégaine son micro de sa poche revolver ?

La soi­rée s’ouvre sur Anas­ta­sia, nour­rie à l’écoute des grandes voix du jazz. Elle campe une sil­houette de rockeuse assa­gie, ce que ses textes peuvent démen­tir. Déli­cate, presque fra­gile, Pau­line Drand la suit. Un moment de grâce, tout en rete­nue. On s’attarde plus tard aux accents sub­tils, mur­mures et ara­besques des saxo­phones ténor et sopra­no qui accom­pagnent les textes impres­sion­nistes et la gui­tare d’Orso Jesens­ka. Il rece­vra du jury un cer­tain nombre de dis­tinc­tions très méri­tées. On aime Fran­çois Puyal­to et sa basse, dont on a eu la chance de saluer les pre­mières appa­ri­tions en scène et la sor­tie d’album.

Pour­tant, il n’y a guère à hési­ter bien long­temps au moment d’exprimer son vote, même si le pas­sage avec deux chan­sons seule­ment ne laisse qu’un espace étroit d’expression. Soyons francs, en faut-il beau­coup plus pour lais­ser par­ler son res­sen­ti de spectateur ?

Eske­li­na s’offre le dou­blet, prix du jury ET prix du public. L’occasion de se voir adou­bée par Kent, pré­sident du jury et Olde­laf, par­rain de l’édition. Conve­nons qu’elle a domi­né la soi­rée et cette nou­velle chan­son – une his­toire de femme entre chien[ne] et loup — offerte en clô­ture de la soi­rée ne peut que nous don­ner envie d’opter pour elle et de la revoir vite en scène. Une échap­pée dans la dou­leur, la vio­lence certes, un texte de Florent Vin­tri­gner (La rue Keta­nou) habillé de l’art musi­cal si raf­fi­né du com­po­si­teur Chris­tophe Bas­tien (Debout sur le Zinc). Et c’est là sans doute aus­si la sin­gu­la­ri­té de ce prix qui a récom­pen­sé une inter­prète. Cette dis­tinc­tion aide­ra-t-elle à mettre fin à l’ostracisme affi­ché – sin­gu­liè­re­ment injuste – que pra­tiquent cer­tains puristes à l’encontre de cette caté­go­rie de chanteurs ?

Voi­ci une autre rai­son encore de se réjouir de ce prix : il est accor­dé à une artiste qui n’a pas que sa blon­deur et son teint dia­phane pour sou­li­gner son ori­gine sué­doise. Elle dresse donc une pas­se­relle entre sa langue et la nôtre. Encore une fron­tière abo­lie ! Et dif­fi­cile de résis­ter, avouons, à sa décla­ra­tion d’amour aux accents ara­bi­sants de la gui­tare de Chris­tophe Bas­tien : « Je suis amou­reuse de toi /​Affreu­se­ment amou­reuse de toi. »

Bien que le Prix Georges Mous­ta­ki n’ait pas encore atteint ses sept ans, âge de rai­son, il affiche une authen­tique matu­ri­té. Cette soi­rée démontre, s’il en est besoin, qu’il faut comp­ter avec la Chan­son… Le duo fon­da­teur, Thier­ry Cadet et Mat­thias Vin­ce­not peut être fier ce soir. L’amphithéâtre affiche com­plet et le jury ras­semble une bonne part de ce que la Chan­son compte d’acteurs, dif­fu­sion, coa­ching, presse… et même d’ardents mili­tants. À noter que les sites de NosEn­chan­teurs et Hexa­gone côtoient pour l’occasion France Inter, Télé­ra­ma et Europe 1… pas mal, non ? Et si vous vou­lez tout savoir sur la com­po­si­tion du jury, allez lire cette page.

Inutile de cher­cher le site « Chan­ter C’est Lan­cer Des Balles », vous n’avez aucune chance de l’y trou­ver. Pas plus ici qu’ailleurs, dans d’autres jurys. Que vou­lez-vous, en toute fran­chise, l’exercice nous semble peu com­pa­tible avec une écri­ture franche. Alors quels que soient la sol­li­ci­ta­tion et l’intérêt indé­niable des ren­contres, on pré­fère s’abstenir.

On retien­dra enfin de cette soi­rée la parole éner­gique et per­ti­nente de Gilles Tcher­niak (Forum Léo Fer­ré) qui en appelle à l’action au micro d’Yvan Cujious, dans son rôle de jour­na­liste de Sud – Radio.

Il ne sert à rien de se mor­fondre sur le trai­te­ment injuste fait à la chan­son, de mau­dire les médias. Pour lui, la seule façon de résis­ter, c’est d’agir ! À bon entendeur !