B. comme Fontaine, un quartet vertigineux (© Hervé Suhubiette)

Nuits de Cham­pagne – Le Grand Cho­ral 2019 avec Marc Lavoine (©Claude Fèvre)

26 Octobre 2019, 32èmes Nuits de Cham­pagne 2019 

Love qui peut

Avec

Véro­nique San­son, Marc Lavoine, Lome­pal, Zazie, Cathe­rine Rin­ger chante les Rita Mit­sou­ko, Grand Corps Malade, Maxime Le Fores­tier, Les Inno­cents, Diane Reeves, Radio Elvis, Alex Beau­painCamé­lia Jor­da­na empê­chée par son actua­li­té cinématographique 

Artiste par­rain Marc Lavoine, invi­té avec Les Inno­cents (J.P Nataf &J.C Urbain) aux côtés des 850 cho­ristes du Grand Cho­ral, de La Troupe, le groupe vocal de Troyes. Pro­jet por­té par Chan­son Contemporaine. 

L’Aube à l’Unisson avec les 700 col­lé­giens du Chœur de l’Aube

Maud Gali­chet, Fabrice Per­ei­ra, Julie Rous­seau et Sté­pha­nie Sto­zi­cky (Direc­tion du Grand Chœur) Brice Baillon (Direc­tion musi­cale et artistique)

Bulles de Far­det : Créa­tion jeune public en hom­mage à Gérard Far­det

Les Afters (4 décou­vertes Chan­son pop) – l’Off Off Off avec l’association Dix­so­nance (rap, pop, rock, élec­tro) dans les bars du centre ville (concerts gra­tuits) – Lau­réats du Trem­plin musi­cal aubois Upper­cut en 1ère par­tie de Radio Elvis

Et bien d’autres ren­dez-vous encore autour du chant choral…


Le Cube – Espace Argence – Cha­pelle Argence – Théâtre de Cham­pagne – Troyes (Aube)

Être native de l’Aube, de Troyes, avoir vu sa famille ouvrière y vivre, puis dis­pa­raître au fil des ans, être tom­bé en amour pour la Chan­son et n’avoir jamais assis­té aux Nuits de Cham­pagne, était une dis­so­nance… Voi­là qui est répa­ré avec ces quelques heures d’immersion dans cet évé­ne­ment gran­diose. Côté cou­lisses, côté salle, côté spon­sors… Oui, c’est impres­sion­nant. L’affiche cette année se résu­mait dans les mots Love qui peut et du rose inon­dait l’Espace Argence, véri­table ruche où s’activaient quan­ti­té d’acteurs indis­pen­sables … La scé­no­gra­phie vous plon­geait dans le roman­tisme. Ma foi, quand tout, autour de vous, impose du gris, celui du doute, des peurs, des pro­phé­ties de fin du monde, on s’accorde volon­tiers cette échap­pée. Comme une res­pi­ra­tion. Il sera tou­jours temps de reve­nir à la désespérance.

Ce qui frappe d’emblée c’est la pro­gram­ma­tion que la com­mu­ni­ca­tion du fes­ti­val nous résume dans ces mots : « La ban­nière d’une chan­son pop sen­ti­men­tale de belle tour­nure, contem­po­raine et enga­gée. » Les noms sont éclec­tiques et pres­ti­gieux – jugez-en – de Véro­nique San­son (invi­tée d’honneur en 2007 déjà) à Zazie en pas­sant par Cathe­rine Rin­ger et même Diane Reeves avec sa voix soul et jazz … La jeune Camé­lia Jor­da­na s’est vu pri­vée de sa par­ti­ci­pa­tion au Grand Cho­ral, suite aux inon­da­tions du Sud qui ont modi­fié le plan­ning du film qu’elle tourne… Une façon de rap­pe­ler que le spec­tacle vivant reste fra­gile, quelle que soit sa dimen­sion. Côté chan­teurs, c’est Marc Lavoine et Les Inno­cents invi­tés d’honneur. On trouve à leurs côtés sur l’affiche le rap de Lome­pal, le slam de Grand Corps Malade, le rock jeune et mélan­co­lique par­fois de Radio Elvis, la force tran­quille de Maxime Le Fores­tier (presque un habi­tué avec ses invi­ta­tions pas­sées de 1994 et 2002) et Alex Beau­pain qui défend sur scène un sixième album où émergent tou­jours des san­glots longs mais plus uni­ver­sels cette fois. On l’aura donc com­pris la chan­son s’affirme ici dans toute sa varié­té, dans tous ses états.

En dehors du pres­tige de ces noms for­te­ment média­ti­sés, on note avec satis­fac­tion la volon­té de s’ouvrir au jeune public (une créa­tion rend hom­mage à Gérard Far­det, co-créa­teur du fes­ti­val) aux décou­vertes, avec la pro­gram­ma­tion des 16 concerts gra­tuits du Off, off, off, dans les bars du centre ville, pla­cée sous la res­pon­sa­bi­li­té d’une autre struc­ture, l’association Dix­so­nance. Bien sûr, on devi­ne­ra que nous lui avons accor­dé toute notre atten­tion… On s’aperçoit que les sono­ri­tés élec­tro-pop- (on y recon­naît Dani Ter­reur) et rock tou­jours, sont aux pre­mières lignes. Certes, rien de bien sur­pre­nant mais qui laisse de côté tout un sec­teur de la jeune Chan­son, où pré­do­minent les ins­tru­ments acous­tiques, sans exclure d’ailleurs l’ajout de sons nouveaux…

Tou­te­fois ce n’est ni dans le off, ni dans l’affiche pres­ti­gieuse que s’affirme l’identité forte de ce fes­ti­val. Ce qui en fait la signa­ture, l’originalité c’est le tra­vail de Chan­son contem­po­raine, la struc­ture qui embrasse la dimen­sion cho­rale de l’évènement. Tout au long de l’année elle mène des actions pour pro­mou­voir auprès des cho­rales de la fran­co­pho­nie la chan­son cho­rale. Et c’est incon­tes­ta­ble­ment ce qui fait vibrer la ville, lui donne une pul­sa­tion inha­bi­tuelle, très per­cep­tible dans ses rues. La pré­sence de 850 cho­ristes, venus de par­tout pour se for­mer, tra­vailler le réper­toire des artistes invi­tés (cette année Marc Lavoine, Les Inno­cents et Camé­lia Jor­da­na) et par­ta­ger des moments d’exception en scène est à coup sûr la grande réus­site de ces Nuits de Cham­pagne. Car le moment est venu de sou­li­gner que le prix des places ne per­met pas de créer une dyna­mique fes­ti­va­lière… On vient pour une soi­rée, peut-être deux, mais le tarif est rédhi­bi­toire. Pas de for­mule « Pass » qui per­met­trait de vivre les six jours. C’est d’ailleurs ce qui nous a jusqu’ici rete­nue (cette ques­tion de l’accessibilité des concerts nous semble pri­mor­diale) et nous a empê­chée d’assister à l’ouverture du fes­ti­val L’Aube à l’Unisson qui nous séduit d’emblée avec ses 700 col­lé­giens du Chœur de l’Aube, pro­jet exem­plaire où s’engagent 28 col­lèges du département.

Cette année, le direc­teur artis­tique et musi­cal, Brice Baillon, avait un beau défi à rele­ver, avouons : assem­bler des réper­toires aus­si dis­sem­blables que ceux de Marc Lavoine, Les Inno­cents et Camé­lia Jor­da­na. Pas moins de 18 titres au total ! En toute fran­chise, nous n’avons pas bou­dé notre joie d’assister à ce Grand Cho­ral et nous ne man­que­rons pas de regar­der les enre­gis­tre­ments vidéo qui offrent la pos­si­bi­li­té de par­ta­ger le tra­vail de direc­tion (leur enga­ge­ment, leur ges­tuelle sont une part du spec­tacle quand on peut les voir de face) et de mieux appré­hen­der ce que signi­fie l’effort affi­ché de « trans­for­mer les cho­ristes en artistes »… Il se dégage de cette scène une foi – osons le mot ! – une éner­gie mise au ser­vice de l’acte de chan­ter en chœur, mise au ser­vice des chan­sons. Cer­tains moments font naître une émo­tion sin­gu­lière… comme ceux où l’interprétation est confiée à un chœur sélec­tion­né. Cette année il s’agissait de La Troupe, un ensemble vocal troyen inter­pré­tant Paris, Le par­king des Anges, Je reviens à toi de Marc Lavoine. Et bien enten­du on s’accorde à pen­ser que le moment où le chan­teur lui-même par­tage cette scène avec les 850 cho­ristes ne manque pas de panache.

On ter­mine en ajou­tant que le goût de la poly­pho­nie vocale ne s’arrête pas à cette dimen­sion spec­ta­cu­laire. Au cours du fes­ti­val, on peut aller don­ner de la voix en quan­ti­té d’occasions : à domi­cile, sur réser­va­tion, on peut s’offrir « une chan­son comme une fleur » avec des chan­teurs-livreurs, assis­ter à des apé­ros ou des Afters chan­tants (chaque soi­rée a son pro­gramme de chan­teurs du fes­ti­val) à un apé­ro-concert spé­cial Qué­bec avec Fuso, à un ate­lier chan­tant pour les enfants le mer­cre­di. On peut assis­ter au hap­pe­ning chan­tant du grand chœur en ville… On peut même l’entendre dans les bus urbains…

Alors, on devi­ne­ra sans aucun doute que l’ampleur de cet évé­ne­ment néces­site que s’accordent toutes les forces vives de ce ter­ri­toire, réseau asso­cia­tif, col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, Sacem, médias par­te­naires (L’est Eclair /​Libé­ra­tion, RTL, France 3 Grand Est) et bien enten­du acteurs éco­no­miques. Aucun évè­ne­ment ne sau­rait aujourd’hui se pas­ser de ses mécènes… Et c’est pour chaque orga­ni­sa­teur une recherche d’équilibre dont le spec­ta­teur devrait sor­tir gagnant.