Toulouse, Comme un enchantement, Grand Rond (© droits réservés)

Tou­louse, Comme un enchan­te­ment, Grand Rond (© droits réservés)

7 au 10 novembre 2016 – Concerts de Camu, Émilie Marsh, Éric Lareine

avec Camu en trio – Coren­tin Grel­lier (gui­tare, chant), Fabien Valle (accor­déon) et Yous­sef Ghaz­zal (contre­basse) – dans le cadre du fes­ti­val Des Théâtres près de chez vous – Émi­lie Marsh en solo (gui­tare élec­trique, voix) et Gwe­naël B. invi­té Éric Lareine, mélo­dies fran­çaises revi­si­tées en duo avec Denis Badault (pia­no).

Théâtre du Grand Rond, Le Bijou et Salle du Sénéchal (Toulouse)

Pour qui pré­tend entrer dans la ronde des mélo­dies et des mots à la façon d’Alain Sou­chon — lan­ceur de balles enchan­tées s’il en est — habi­ter Tou­louse, c’est une chance. Mais la chance existe-t-elle vraiment ?

Y aurait-il ici, sur cette terre occi­tane, on ne sait quel pou­voir, quel « charme », quel envoû­te­ment ? Ten­ter de « com­prendre les sor­ti­lèges de la capi­tale de la Chan­son », disait fin juillet, Ber­trand Dicale sur les ondes de France Info… Nous ne pré­ten­drons pas dans cette chro­nique appor­ter une réponse, ni même s’engager sur la voie d’une quel­conque supré­ma­tie. Mais il est cer­tain que c’est ici qu’eut lieu en 1323 la pre­mière aca­dé­mie des Jeux Flo­raux, pla­çant la ville sous les bons aus­pices de la poé­sie. C’est bien Tou­louse qui don­na à la chan­son Claude Nou­ga­ro, Juliette, Art Men­go, Zeb­da, Les Fabu­lous Tro­ba­dors, pour ne citer qu’eux, et qui nous offre aujourd’hui une éclo­sion éclec­tique qui ne semble pas prête à se tarir si l’on en croit nos récentes découvertes.

Consi­dé­rant nos trois ren­dez-vous de la semaine avec des artistes dont nous vous avons déjà par­lé – plu­sieurs fois !… Quand on aime, n’est ce pas ? — nous avons eu envie de vous emme­ner sim­ple­ment dans notre déam­bu­la­tion tou­lou­saine. Car si Tou­louse se montre une terre par­ti­cu­liè­re­ment fer­tile, il faut néces­sai­re­ment qu’il y ait quelques jar­di­niers pour prendre soin des jeunes pousses. Il faut qu’il y ait des lieux, des ren­dez-vous pour que se ren­contrent créa­teurs et spec­ta­teurs. Les sai­sons cultu­relles se répandent aux quatre coins de la Ville, et ce n’est pas dans les salles les plus en vue, les mieux sub­ven­tion­nées, que la Chan­son s’insinue, obs­ti­né­ment. Elle s’en va dans bien des petits lieux, des bars cultu­rels, des cafés asso­cia­tifs, des petits théâtres aux noms qui nous vau­draient un joli cor­tège car­na­va­lesque : Cherche Ardeur, Folles sai­sons, Chez ta mère (réou­ver­ture pro­chaine !), Mai­son Blanche, Le Dahu, Ôbo­hême, Théâtre du Fil à Plomb, de la Vio­lette, du Chien Blanc, du Grand Rond, La Cave Poé­sie, Le Bijou… Liste non exhaustive !

Alors voi­là, nous vous emme­nons avec nous d’abord sur les petites chaises – on se croi­rait reve­nus à la mater­nelle ! – du bar du théâtre du grand Rond. Nous sommes mar­di soir. Il est 19h, et le trio Camu revient là pour cinq jours nous don­ner un aper­çu de son évo­lu­tion. Une chance car Coren­tin Grel­lier nous offre le fruit de son tra­vail de la voix qui se fait net­te­ment plus nuan­cée. Il avance le jeune – si jeune ! – Coren­tin avec ses textes fine­ment cise­lés où l’on aime à gar­der mémoire de quelques vers pris à la volée. Il chante l’amitié « J’ai ramas­sé tes plumes quand tu te brû­lais les ailes », évoque une pas­sante, por­tant son vio­lon « Elle peint ce bal joué en elle… Encore une étin­celle, encore le bleu du ciel », invite à l’amour « Dans les bras d’un accor­déon se fini­rait cette chan­son », évoque le sou­ve­nir char­nel, l’odeur de la mer « Mate­lot croit mou­rir quand s’embarque la reine », quand la vie se résume à l’histoire d’un bateau frêle « Les sirènes ont la peau douce et un cœur d’artichaut » ou que la sépa­ra­tion de la mère se fait sur un quai où elle appa­raît au loin « comme un i sans son point »…. Chan­son dont on ne se las­se­ra pas. Et – sur­prise ! — il dévoile une nou­velle chan­son écrite dit-il « pour un sexiste et Jean-Sébas­tien Bach ! ». Chan­son explo­sive, qui ne s’en va pas par quatre che­mins pour dénon­cer le sort de la femme objet sexuel ! Bra­vo l’artiste et merci !

Le len­de­main mer­cre­di nous sommes au Bijou, où Émi­lie Marsh offre ses chan­sons en solo. C’est une pre­mière pour nous. Le concert com­mence dans un superbe habillage de lumières que lui offre le tech­ni­cien son & lumières, le fidèle et pré­cieux Dorian Blot.

Émi­lie Marsh ne s’en va pas par quatre che­mins non plus. Accro­chée à sa gui­tare élec­trique, elle peau­fine, de concert en concert, la rockeuse qui est en elle, qu’elle a rêvé d’être, « ni fra­gile, ni belle » mais dans le sillage de Pat­ti Smith. Que ce soit dit ! Pour évo­quer la force du pro­pos fémi­nin d’Émilie Marsh, on peut gar­der en tête qu’elle accom­pagne aujourd’hui le retour de la chan­teuse Dani. Nous avons dit com­bien le duo recé­lait de charme et de puis­sance à la fois.

Ce concert en soli­taire, c’est l’occasion pour Émi­lie de nous faire entendre une nou­velle créa­tion Haut le cœur, de com­bler le public qui réclame ses titres fétiches comme Où vas-tu la nuit et d’accueillir un invi­té Gwe­naël B. Deux chan­sons c’est peu pour s’imprégner d’un uni­vers. On sent poin­ter l’influence de Renaud, des ambiances fes­tives connues… Mais sur­tout on sent émer­ger une forte envie d’en découdre avec la vie. Géné­reu­se­ment. Alors, ma foi, c’est à prendre d’urgence ! Pro­fi­tons-en pour dif­fu­ser une infor­ma­tion, un pro­chain ren­dez-vous : le 17 novembre pour la sor­tie de « Che­mins fai­sant », son nou­vel E.P., à La Méca­nique des Fluides. Tiens, encore un bar à musique toulousain !

Pour finir aujourd’hui, nous étions au ren­dez-vous de 12h30, à la salle du Séné­chal, pour la Pause Musi­cale d’Éric Lareine. Depuis 2008, sur l’initiative de Joël Sau­rin, ancien bas­siste du groupe tou­lou­sain Zeb­da, avec le sou­tien de la Mai­rie de Tou­louse, c’est là un moment de concert gratuit.

Aujourd’hui, on peut fer­mer les yeux, se lais­ser por­ter par les musiques de Gabriel Fau­ré, Mau­rice Ravel, Fran­cis Pou­lenc, Arthur Honeg­ger… mais aus­si Bras­sens ou Fer­ré… sub­ti­le­ment inter­pré­tées au pia­no par Denis Badault pour accom­pa­gner les poé­sies que dis­tille Éric Lareine. Le choix des textes nous emporte sur des rivages, des rivières, des eaux dor­mantes où s’écoulent le temps, les rêve­ries, la mélan­co­lie, la quête amou­reuse… Éric Lareine sus­pend le temps avec ces Mélo­dies fran­çaises, il caresse les mots de Sul­ly Prud­homme, Ver­laine, Rim­baud, Bau­de­laire… Il offre quelques ara­besques de ses bras, de ses mains. Pudique, il mur­mure sou­vent… On retien­dra une ver­sion par­ti­cu­liè­re­ment émou­vante de L’eau de la claire fon­taine. Éric se met alors à cha­lou­per quand le pia­no s’évade. C’est sim­ple­ment beau. Comme un enchantement ?

Quelques liens -

Le site de Camu, c’est ici ; celui d’É­mi­lie Marsh, c’est là, et le Mys­pace d’É­ric Lareine est ici.
Le pro­gramme des Pauses musi­cales à Tou­louse est à télé­char­ger ici.