Frédéric Bobin, Cadalen, 2017 (© Claude Fèvre)

Fré­dé­ric Bobin, Cada­len, 2017 (© Claude Fèvre)

15 janvier 2017 ‑Ouverture saison 2017 de Chantons sous les toits

Concert de Frédéric Bobin en solo

avec Fré­dé­ric Bobin (gui­tare folk & gui­tare électrique)

Ferme Arti­cole – Cada­len (Tarn) 

Pour ce troi­sième concert de l’ouverture de sai­son de Chan­tons sous les toits, Fré­dé­ric Bobin a pri­vi­lé­gié la spon­ta­néi­té, l’authenticité, la proxi­mi­té pour ins­tal­ler peu à peu un dia­logue, un par­tage sans manières, sans emphase. A plu­sieurs reprises il vient au plus près de nous, en acoustique.

Bien que très pudique, il raconte des petits bouts de lui, de son his­toire. Il com­mence par saluer ce grand frère, Phi­lippe qui vit à Nevers (Phi­lippe de Nevers, un nom de héros, non ?). De 6 ans son aîné, c’est avec lui, à quatre mains donc, que naissent les chan­sons. Certes il en est le com­po­si­teur mais c’est à deux que le texte se peau­fine. Au fond ce n’est que le pro­lon­ge­ment de leurs jeux d’enfance… Quand beau­coup d’entre nous à l’âge adulte perdent ce goût de l’imaginaire par­ta­gé avec frères et sœurs, eux ont su ne jamais inter­rompre leur com­pli­ci­té. Des « Lego », ils sont pas­sés aux mots qu’ils ont depuis tou­jours assem­blés de concert. C’est sûre­ment ce qui donne cette touche sin­gu­lière, ce ton, ce style musi­cal aus­si qui s’est nour­ri des musiques folk qu’écoutait le petit frère. Quant aux thèmes des chan­sons ils font un va-et-vient entre l’extérieur et l’intérieur.

D’abord le dehors. Ce monde qui nous entoure et dont ils dési­gnent – Fred et Phi­lippe donc – les injus­tices, les tra­vers : notre inca­pa­ci­té à recon­naître qu’on a trop de tout, « Le secret des ser­rures » que l’on devine quand défilent les mai­sons aux vitres des trains, la cohorte des lais­sés pour compte, Joe de Géor­gie, vieux GI, échoué sans bous­sole dans sa ville natale, l’émouvante fille d’Ukraine, Tatia­na sur le périf – deux chan­sons por­traits qui laissent en nous à jamais leur empreinte – « les tor­rents de bière » qui ne vien­dront jamais à bout des pau­pières trop lourdes, la suf­fi­sance pitoyable des rois d’aujourd’hui, « cou­ronne à l’envers », la fer­me­ture des usines, les délo­ca­li­sa­tions qui broient les hommes et mettent nos villes natales en jachère. C’est là que s’opère le lien avec leurs pay­sages inté­rieurs, avec les nôtres aussi.

Phi­lippe et Fré­dé­ric sont nés au Creu­sot et ce pay­sage ori­gi­nel n’est pas pour rien dans leur créa­tion. Alors, on les suit dans leurs espaces d’évasion… Leur his­toire défile comme un drôle de film en super huit, dit une chan­son. Les écrans de la Guerre des Etoiles et l’envie d’être guer­rier au grand cœur, « hor­lo­ger d’un monde sans failles ». La mai­son de grand-père où l’on revient bien plus tard, avec en soi ses bles­sures qui ne se refer­me­ront pas. La gui­tare qui sauve des com­plexes de l’adolescence, les amours que l’on n’a pas su vivre… Mais « Faut pas regret­ter, quoi qu’il arrive, la vie que l’on aurait pu vivre ». Et bien enten­du Phi­lippe et Fré­dé­ric savent nous par­ler d’amour mais en trou­vant un angle ori­gi­nal, comme dans Ce siècle avait deux ans, où la petite his­toire indi­vi­duelle de « deux cœurs qui planent » rejoint la grande Histoire.

Pour conclure, vous repren­drez bien un peu de Fred Bobin ?

Oui, on le confesse volon­tiers, cet artiste est de ceux vers les­quels on revient sans se las­ser. Il est de ceux qui conjuguent élé­gance du pro­pos, géné­ro­si­té en scène, atten­tion à tous ceux qu’ils croisent. Huma­ni­té en un mot… Il est de ceux qui en chan­tant « lancent des bal­lons d’hélium /​Pour faire mon­ter les hommes /​Au‑d’sus d’la pluie dans l’solarium »… Chan­ter c’est lan­cer des balles, n’est ce pas ? Alors pour­quoi se pri­ve­rait-on de sai­sir celles que Fré­dé­ric Bobin lancent haut ? Pour­quoi ces­se­rait-on de le revoir, de fre­don­ner avec lui ses chan­sons qui nous sont deve­nues fami­lières ? Et même – pour ce qui nous concerne- de par­ta­ger un petit bout de scène. Sou­ve­nir d’une « Insur­rec­tion poé­tique » du Prin­temps des Poètes 2015. L’Espérance en l’homme de Claude Nou­ga­ro, texte lu sui­vi de sa chan­son Tant qu’il y aura des hommes… Les réac­tions du public à la sor­tie nous disent qu’il ne faut pas ces­ser de répandre cette espé­rance là. D’en faire une source à laquelle pui­ser, comme cette goutte d’eau que l’on vient en bout de course goû­ter, « Reve­nu de guerre /​Reve­nu de tout /​Quand on a bu la mer /​Volé l’or du Pérou ».