Stef ! – Y en pas 2 (© Ludovic Weyland)

Stef ! – Y en pas 2 (© Ludo­vic Weyland)

16 au 24 décembre 2016 – Y en a pas 2 – One Woman Chant de Stef !

avec Sté­pha­nie Bour­gui­gnon /​Stef ! (textes, chant), accom­pa­gnée par Sophie Maheo (pia­no, chant) – Mise en scène Laurent Stach­nick

Le théâtre de la Violette (Toulouse)

Un aspi­ra­teur vrom­bit dans la petite salle aux fau­teuils vio­lets quand on entre… Une femme de ménage s’active, jetant des regards un peu inquiets vers nous. Elle jauge son public. Elle porte la par­faite pano­plie : le tablier fleu­ri, le tur­ban sur les che­veux, les gants de caou­tchouc. Elle accé­lère le rythme car le spec­tacle va commencer.

C’est Tapiô­ka ! On le sau­ra très vite dans une pré­ci­pi­ta­tion de mots, de phrases à notre inten­tion dans un accent qui ne laisse guère de doute sur son ori­gine. Rou­maine ? Sans doute si l’on porte atten­tion aux cli­chés que l’actrice chan­teuse – la Stef ! dont on a van­té il y a peu les formes pleines (!) dans son album – jette en pluie au public. La rou­maine prête à tout pour quelques sous. La rou­maine men­teuse, voleuse… qui vous pro­pose ses ser­vices, en veux-tu, en voi­là : « Ménaje, répa­saje, gar­dé les enfants »… On rit bien enten­du, quand toutes ces allu­sions bien sûr nous ramènent à des réa­li­tés à nos portes, à nos fenêtres, à nos pieds. A chaque car­re­four ou presque, sur nos trot­toirs nous croi­sons aujourd’hui, à Tou­louse, cette popu­la­tion à la dérive de notre socié­té d’abondance. Ah ! La force du rire qui libère, qui exor­cise… qui dénonce aus­si ! Bref ! Tapiô­ka quitte la scène après ce tour­billon, non sans empor­ter le micro dans son grand sac. Elle a même pous­sé sa chan­son à vous rendre sourd.

Arrive alors la pia­niste, la très belle Sophie Maheo, toute en ron­deurs aus­si dont la peau cou­leur café ajoute au charme. Son chant, son jeu rap­pel­le­ront les grandes chan­teuses de blues, les Nina Simone, Are­tha Frank­lin… Quand déboule Stef ! le visage auréo­lé de sa che­ve­lure brune et bou­clée, dans sa robe mou­lante noire, avec cette sub­tile découpe qui dégage l’échancrure de ses seins, sur ses talons hauts, on sait que la fan­tai­sie l’emportera. Elle chante un réper­toire, très, très fémi­nin, sans micro, de sa superbe voix de chan­teuse de caba­ret. Elle s’avoue d’abord, dans un voca­bu­laire plu­tôt côté ban­caire, dans la « misère côté sen­ti­men­tal ». S’engage alors un jeu de séduc­tion un tan­ti­net vénale avec quelques spec­ta­teurs mas­cu­lins. Ce n’est pas ce soir qu’elle va trou­ver chaus­sure à son pied ! Pen­sez donc avec Richard le bou­lan­ger, Lucas le musi­cien ou le retrai­té de la fonc­tion publique… Mes­sieurs bonsoir !

Elle enchaîne en égra­ti­gnant nos obses­sions très contem­po­raines avec T’es pas bio, puis dézingue Les bonnes copines – intem­po­relles celles-làcelles qui vous assènent inno­cem­ment les pires vache­ries… Rend un hom­mage appuyé à son cul, « A ce com­pa­gnon, ce sol­dat /​Tor­tu­ré au-delà des mots /​Pour une robe ou un maillot ». Elle annonce alors la pause, l’entracte qui laisse réap­pa­raître Tapiô­ka . Elle cherche à vendre Tapiô­ka …tout…des roses, le micro qu’elle avait fait dis­pa­raître, veut vous faire snif­fer la poudre à récu­rer, vous pro­pose des jeunes filles de son pays (et même des mecs !) pour pas cher … Quand elle sort, la pia­niste entonne La vie en rose … Com­prend qui peut, qui veut !

Au retour de Stef ! s’enchaînent quelques chan­sons qui pour­raient nous émou­voir comme celle du Père Noël qui vou­drait que l’on prenne de ses nou­velles le res­tant de l’année, ou cette fille qui bas­cule dans une fré­né­sie pour le foot qu’elle détes­tait l’instant d’avant, quand son fian­cé, un soir de qua­li­fi­ca­tion, la demande en mariage. Elle fête ça avec une bière qu’elle avale cul sec et nous joue ensuite une scène de cuite, « la tête en fin de cuis­son » qui lui fait dire : « Si je res­sus­cite ce sera ma der­nière cuite ». La scène se joue de conni­vence avec Sophie au pia­no… « C’est beau quand tu joues ça, ça me rap­pelle mon chien… Il est mort mon chien… » Cette scène entre comique et déses­poir s’achève avec ces mots : « Sophie embrasse-moi ! » Noir plateau.

C’est le retour de Tapiô­ka qui donne la clef du spec­tacle : « On a tous quelque chose de Tapiô­ka ! » … avec cette envie qui vous prend par­fois de faire quelque chose qui ne se fait pas ! On rit, pour finir, de celle qui passe le per­mis de conduire pour la cin­quième fois… On rit du « Kebab et lula », un pied de nez aux res­tric­tions ali­men­taires. Tapiô­ka s’est défaite de ses ori­peaux de femme de ménage rou­maine et sans papiers. La Stef est là, conqué­rante et plus que jamais amou­reuse de la vie. Coûte que coûte !

Comme Figa­ro, pres­sons nous de rire de tout, de peur d’être obli­gé d’en pleurer !