Véronique Pestel (© René Pagès)

Véro­nique Pes­tel (© René Pagès)

8 décembre 2016 – Concert Faire autrement

création à l’occasion de la sortie de l’album CD + DVD anniversaire des 25 ans de compagnonnage avec Jean-Claude Barens, producteur

Véro­nique Pes­tel (textes, musiques, pia­no), Clé­ment Wurn (arran­ge­ments MAO, vio­lon) et Nadi­ra Annan (réa­li­sa­trice)

Espace Croix Baragnon- Salle bleue (Toulouse)

Com­men­çons par la pochette de l’album que nous avons là dans les mains quelques jours seule­ment après le concert qui nous a lais­sé à l’âme une grâce et une beau­té rare­ment atteintes à ce degré.

On découvre sur un fond de ciel tour­men­té le visage pen­ché, yeux clos, de Véro­nique Pes­tel, recon­nais­sable entre toutes à son ample che­ve­lure auburn qui lui fait une gra­cieuse et folle toi­son de femme libre. Le vent y joue sa par­ti­tion. Véro­nique sou­rit. Pai­sible. On trouve le texte qui pour­rait accom­pa­gner l’image figée dans ces mots : « Je vis comme un vent coulis/​Balayeur de suie/​Bala­deur de cendres (Vents divers)

Sur la qua­trième de cou­ver­ture des mots décli­nés devant les titres des chan­sons nous délivrent ce texte : Tout est illu­sion /​mais la nature /​donne/​crée/​tue. /​Je est une illu­sion /​mais l’autre /​m’accompagne /​m’apprend /​me trans­forme. /​Dans le noir/​un éclair /​me réveille.

Ce texte est pro­messe de voyage inté­rieur, ouvre des espaces où peuvent se glis­ser nos sen­ti­ments, nos pen­sées les plus intimes. Il est ques­tion de ren­contre, d’ouverture à l’autre. En concert, assise au pia­no, Véro­nique Pes­tel accorde au public son buste tour­né vers lui, son sou­rire, sa voix lim­pide, sa dic­tion par­faite. Sa tenue légère et simple, pan­ta­lon de toile blanche, tunique de la cou­leur de ses che­veux ou peu s’en faut, ses pieds nus nous disent le renon­ce­ment à tout arti­fice super­flu pour aller vers les autres, leur tendre un miroir. « Chan­ter pour les gens », atteindre l’autre dans sa part la plus uni­ver­selle… La mort, la nais­sance, la vieillesse mais « il fait beau, vieillis­sons /​Pour n’pas mou­rir /​Y a pas d’autre façon ». La vie, « tout un mélange /​Entre l’ange et le loup », « A cha­cun son han­di­cap, à cha­cun c’dont il est cap /​A cha­cun ce qu’il donne ». Fina­le­ment Aller le pas de l’éléphant, dou­ce­ment, len­te­ment, sou­ple­ment, pru­dem­ment sur­tout… Sans se dépar­tir jamais de cette vigi­lance, sem­blable à celle du ros­si­gnol des Vrilles de la vigne de Colette qui jamais ne dort tant que la vigne pousse.

C’est en écou­tant les pre­mières notes séra­phiques du disque, la voix qui dit « Croire ou ne pas croire /​La belle his­toire », l’atmosphère irréelle créée par Clé­ment Wurm, rejointe par le pia­no, que l’on se sai­sit de son fil d’Ariane. Faire autre­ment, s’accorder le com­men­ce­ment, les pré­mices d’autre chose, comme cet album qui signe un renou­veau dans son œuvre. Point d’orgue d’un long che­mi­ne­ment qui l’a menée en tour­nées par­tout. En France comme en Irlande, en Ecosse, au japon, en Amé­rique du Sud, au Qué­bec. Loin des cir­cuits éco­no­miques tapa­geurs. Sous la pro­tec­tion de Jean-Claude Barens, « un frère ». Tou­jours là quand il le faut.

Véro­nique Pes­tel s’accorde dans cet album des sons nou­veaux. Elle ima­gine plus de sons – la Musique Assis­tée par Ordi­na­teur offre des pers­pec­tives infi­nies – moins de mots, des espaces, des res­pi­ra­tions pour aller vers demain.

En scène on a hâte vrai­ment de vivre son concert avec l’accompagnement de Clé­ment Wurm au vio­lon comme on l’entend dans le film, dans sa tour­née anni­ver­saire de l’automne. « Un dan­seur » dit-elle. Alors, oui, on a hâte d’assister à leur pas de deux.

C’est avec Ara­gon, avec un extrait de Ce que dit Elsa, qu’elle donne un sens à sa longue route de chan­teuse « Que ton poème soit dans les lieux sans amour/​Où l’on trime où l’on saigne où l’on crève de froid »… Que l’on aurait aimé que cette poé­sie sal­va­trice pût atteindre Camille Clau­del dans son asile, « au fond de son pla­card », lui appor­ter « cet air mur­mu­ré qui rend les pieds moins lourds »… Superbe texte de Phi­lippe Noi­reaut par lequel Véro­nique Pes­tel rend hom­mage à cette femme et cette artiste bri­sée qu’un frère, pour­tant poète, aban­don­na. Car s’il reste un com­bat à mener c’est bien celui du fémi­nin que le mas­cu­lin tarde tant à intégrer.

On quitte un concert de Véro­nique Pes­tel, son disque, avec une sen­sa­tion de bien être. Nous sommes ras­su­rés nous aus­si par ce grand-père qui « don­nait confiance /​En tous ces anges gardiens/​Qui pro­tègent en silence /​Nos che­mins ». On se dit qu’il n’y a pas à s’inquiéter, à se deman­der « qui vien­dra quand on s’ra morts /​Soi­gner nos roses et nos remords. »

Comme elles sentent bon les roses blanches du père Séchaud !