Hier, jeudi 4 mai, à Toulouse. La place du Capitole bondée réclame le changement, maintenant… Dans le métro vers 20h30, je croise quelques manifestants avec leur badge, plutôt éteints, les manifestants… d’autres les regardent amusés. Je suis entre deux tours moi aussi, entre deux concerts plus exactement. Je quitte le théâtre du Grand-Rond où j’ai entendu un groupe de cinq musiciens, Les Vents Malins, en apéro concert. Je retiens surtout les arrangements entre jazz et java, teintés de joyeuses ambiances manouches, les envolées de la clarinette (souvent je n’entends plus qu’elle ; saluons le jeune musicien : Clément Salles) la présence du compositeur et chanteur, Ronan Le Guennec, à la voix profonde et grave et au visage de marin, si, si… Le public était ravi, il s‘est même montré très, très chaleureux à la fin. A‑t-il pour autant été généreux en déposant sa « participation libre » dans les tirelires ? J’en étais à de sombres considérations financières, je l’avoue, me demandant comment un groupe méconnu de cinq musiciens pouvaient aujourd’hui trouver sa place, quand j’arrivais une demi-heure plus tard au Bijou où jouait Yéti, née en Hollande (tiens, tiens !). Et là, c’est un désert ! Je n’avais jamais vu le bar avec si peu de monde et au moment du concert, il a bien fallu admettre que l’artiste allait jouer devant une salle quasi-vide. J’en avais la boule au ventre pour elle. Les quelques spectateurs présents et les techniciens ont redoublé d’efforts pour soutenir Yéti, née Jetty Swart. Je l’avais connue en 2006 un poisson sur l’épaule (!) sur notre scène, seule avec son accordéon, puis revue en trio. Notre quotidien local disait d’elle : « Yéti est plus qu’une chanteuse, c’est une artiste complète qui flirte avec le théâtre, le mime, le clown, sans retenue ni complexe. Elle est drôle, parce qu’elle est nature. Elle vous livre les divagations de son imaginaire en délire sans ambages » (La Dépêche, Ariège, 17/11/2006). Bien sûr, le journaliste modérateur de ce blog avait depuis longtemps posé sur cette étonnante artiste l’élégance de ses mots, deux ans plus tôt : « Ses chromos si beaux, ses tranches de vie virées sépia, ses décors de bord de canal et de logements petits : elle fera de la scène un vrai film populaire, un classique qu’on applaudira sans réserves. Et d’elle une star » Michel Kemper (Le Progrès 08/11/04)
Yéti nous a donné dans cet écrin de la salle du Bijou, un nouvel aperçu de ses constantes recherches musicales et vocales, avec la même envie d’en découdre que si la salle avait été pleine. Elle s’est souvent offert de chanter sans micro. Elle n’a peur de rien, décidément ; elle ose. Inclassable Yéti, il faut l’avoir entendue avec cette voix qui se perche haut parfois dans les aigus, pour mieux revenir aux accents rauques de sa langue maternelle, à des murmures, des bruits, des cris… Elle use des boucles du sampler, de la flute traversière, d’un piano toy rouge, d’un moulin musical, sans pour autant laisser son fidèle accordéon . Et dans sa jupette, rouge elle aussi, et ses bottines, Yéti garde l’allure et surtout le goût de l’imaginaire et du bricolage de l’enfance. Le temps ne paraît pas avoir prise sur elle, sauf peut-être sur son côté garce, et ses élans de rockeuse nettement assagie. Elle a testé hier quelques chansons nouvelles qu’elle appelle des « dragons cachés sous le lit », s’amusant de son univers : « Je fais des chansons bizarres ».
Quand j’apprends plus tard, au cours de notre échange, qu’elle vit souvent aux USA où la retient son amour (qui lui reprochera ?) je me prends à craindre que son répertoire anglophone (déjà très présent) ne prenne définitivement le pas sur le français. Mais elle ne nous a pas encore quittés, Yéti, elle sera bientôt, le 16 mai, au festival Alors Chante à Montauban puis le 30 Juillet à Barjac avec cinq autres (Evelyne Gallet, Roland Bourbon, Dimoné, Imbert Imbert, Presque Oui) pour revisiter le répertoire de Boby Lapointe. Encore une preuve que Yéti vaut le détour !