15e Festival DécOUVRIR (2017) – Art Mengo (© Claude Fèvre)

15e Fes­ti­val DécOU­VRIR (2017) – Art Men­go  (© Claude Fèvre)

16 août 2017 – 15e Fes­ti­val DécOUVRIR

Concerts du duo Archi­mède – Lec­ture poé­tique de Mat­thias Vincenot
Concerts de Joëlle Saint-Pierre – Art Mengo

Avec, par ordre de passage :

Archi­mède (gui­tare, voix), Mat­thias Vin­ce­not (lec­ture) et l’ensemble DécOU­VRIRJoëlle Saint-Pierre (vibra­phone, pia­no, gui­tare, voix) – Art Men­go (pia­no, gui­tare, voix) avec Julie Oz (petites per­cus­sions, chœurs)

L’ensemble DécOU­VRIR Étienne Cham­pol­lion (pia­no, accor­déon, gui­tare, uku­lé­lé, arran­ge­ments), Louis Thé­ve­niau (cla­ri­nette), Vincent Imbert (pre­mier vio­lon), Ben­ja­min Clou­tour (second vio­lon), Flo­rian Texier (alto), Astrid Bâty (vio­lon­celle)


Salle du Foyer rural – Concèze (Cor­rèze)

Le charme des concerts de la veille a lais­sé son empreinte et rend par avance dif­fi­cile l’approche de ceux d’aujourd’hui. On res­sent comme le besoin de faire de la place pour de nou­veaux uni­vers. Un artiste invi­té pour ses « Goguettes » le der­nier jour du fes­ti­val – Patrice Mer­cier pour ne pas le nom­mer – nous offre juste ce qu’il nous faut pour aller d’une soi­rée à l’autre, pour que le cœur s’ouvre : le cadeau de quelques mor­ceaux choi­sis de gui­tare clas­sique en fin d’après-midi, dans l’écrin de la petite église Saint-Julien-de-Brioude, à quelques mètres du foyer rural… Impromp­tu, ce moment avec la musique de Vil­la-Lobos, J.-S. Bach, Fer­nan­do Sor, Fran­cis­co Tar­re­ga ou Roland Dyens, a quelque chose d’irréel. Ce fes­ti­val offre déci­dé­ment bien des sur­prises ! L’occasion aus­si de renon­cer défi­ni­ti­ve­ment à enfer­mer les artistes dans des boîtes her­mé­tiques dont ils ne pour­raient plus s’échapper.

Venons-en donc à cette nou­velle soi­rée où se mélangent plus encore les genres. Soi­rée mul­ti­co­lore en diable ! Elle com­mence avec le duo Archi­mède, deux frères qui ont gagné une cer­taine renom­mée à ce que l’on observe dans le public. Si la pre­mière chan­son pou­vait faire pen­ser à Gau­vain Sers, dans la mou­vance de Renaud qui déci­dé­ment n’en finit pas d’inspirer les jeunes artistes, on a pu appré­cier que le duo s’en écarte sen­si­ble­ment et sur­tout qu’il garde une auto­dé­ri­sion, une dis­tance bien­ve­nues. Il égra­tigne bien enten­du le monde où l’on vit, s’en prend avec humour à ceux qui chantent en anglais par exemple, à l’amour qui par­fois assène ses coups de mas­sue à répé­ti­tion, à nos espoirs déçus mais sur­tout invite au bon­heur, à la joie sans exclure la ten­dresse, comme celle pour leur père, un ano­nyme bien enten­du. Il nous invite à lais­ser nos portes grandes ouvertes, à regar­der le monde en bas de chez nous et nous avons aimé ces mots-là. Le tout dans un cli­mat sonore assez vin­tage qui peut ral­lier et relier les géné­ra­tions. Un indé­niable atout ! Concert à écou­ter plu­tôt debout car l’envie de dan­ser vous pren­dra, c’est certain !

C’est la poé­sie de Mat­thias Vin­ce­not, accom­pa­gnée par l’ensemble DécOU­VRIR qui leur fait suite. Ima­gi­nez seule­ment le déca­lage ! DécOU­VRIR, Déca­lages… Mais très vite on se laisse prendre aux mots, à leurs images éva­nes­centes… Ima­gi­nez juste quelques secondes le voyage : « Les oli­viers pal­pitent et pal­pitent encore car ils ne sont pas n’importe qui ». Le temps passe, la vie va et Mat­thias ne cesse d’observer et de dire ses pal­pi­ta­tions, ses bat­te­ments d’ailes de coli­bri. Dans le sillage des poètes avant lui, d’un Jules Super­vielle, par exemple, « C’est beau d’avoir élu /​domi­cile vivant /​Et de loger le temps /​Dans un cœur conti­nu… » Mat­thias ne cesse de rendre lui aus­si un hom­mage vibrant à la vie…

Joëlle Saint-Pierre arri­vée tout droit de Mont­réal hier, a la grâce de sa jeune beau­té pour nous aban­don­ner au sillage tra­cé par Mat­thias Vin­ce­not. Sa voix, accom­pa­gnée par son vibra­phone où ses mains pro­lon­gées de baguettes offrent un bal­let inso­lite, nous offre son écrin de dou­ceur… On a la sen­sa­tion sou­daine que le public – tou­jours si res­pec­tueux, atten­tif – sus­pend son souffle. On avoue­ra pour­tant avoir eu du mal à se lais­ser convaincre par les textes, – tou­jours ces inter­mi­nables déam­bu­la­tions amou­reuses – par l’ensemble du concert mal­gré l’indéniable talent d’une musi­cienne aguer­rie, sa joyeuse pré­sence, son accent qué­bé­cois pas­se­port infaillible de bon­ho­mie. On pré­fé­re­ra rete­nir l’évocation de ses enga­ge­ments dans son pays pour la défense des « autoch­tones », les oubliés, les exclus de cette vaste terre colonisée.

Vient enfin celui dont la voix, quelques chan­sons aus­si, sont de notre vie, de notre his­toire : Art Men­go. D’ailleurs il rap­pel­le­ra à notre mémoire – il invi­te­ra le public, qui se laisse gen­ti­ment prier, à chan­ter avec lui – Baga­telles, Par­lez d’amour, cette chan­son pour Ute Lam­per… L’occasion pour nous de nous offrir une paren­thèse : revoir « Melo­dy 90 » pré­sen­tée par Thier­ry Cadet et le clip de cette chan­son dif­fu­sée en 2013 sur Télé Melo­dy en indi­quant que Thier­ry est là, à Concèze, avec sa camé­ra et sa gen­tillesse, son amour de la Chan­son par­tout offerts. Le concert se ter­mi­ne­ra sur Les par­fums de sa vie dont il conti­nue à faire une inter­pré­ta­tion sen­suelle, lan­gou­reuse avec celle qui l’accompagne, Julie Oz… Nous avons déjà évo­qué, il y a un peu plus d’un an, leur tendre pas de deux… « Moi je l’ai tant aimée /​Tant aimée, tant aimée /​Que mon corps est pétri /​Des par­fums de sa vie… »

Art Men­go c’est aus­si l’élégance en scène, sa façon de s’incliner devant le public, son sou­rire, sa fidé­li­té à son his­toire, sa ville Tou­louse, l’histoire de ses parents, leur pas­sage des Pyré­nées, étrange « ran­don­née en famille » en des temps sombres d’exil où « il n’y avait pas trente-six che­mins »… Les petits récits simples que lui ins­pire cette vie, la sienne. Quel beau cadeau que cette carte pos­tale, toute en rimes bien sûr, de son ami Claude Nou­ga­ro avant de chan­ter la chan­son qu’il dédie à celui qui « nou­ga­ronne » tou­jours entre canal et Garonne… On retien­dra aus­si les Lettres à Mile­na, cette his­toire d’amour impos­sible, épis­to­laire seule­ment, celle de Franz Kaf­ka et de sa tra­duc­trice, Mile­na Jesens­ka. Et c’est enfin avec La nou­velle arche que l’on choi­sit de par­tir dans cette nuit d’août sin­gu­liè­re­ment étoi­lée… « Quand il n’y aura plus de neiges éter­nelles… Il fau­drait que je sache… » Un nou­veau Noé sau­ve­ra-t-il ce monde ?