Festival Lève ton vers 2017 (© Le Bijou)
5 avril 2017 – 2ème journée du Festival Lève ton vers
avec David Hebert / Govrache & Quevin Noguès /Archibald
Le Bijou (Toulouse)
Pendant quinze jours, du 4 au 14 avril, le Bijou fête les mots et lance pour eux son premier festival. Depuis le temps – bientôt trente ans ! – que les murs de ce lieu résonnent de chansons, cette fois ce sont les mots que l’on veut mettre à l’honneur. A toutes les sauces, pour tous les âges. On veut de la poésie, du slam, de la joute oratoire. Des mots chocs, des mots murmures, des mots caresses, des mots sans rime ni raison.
Les rendez-vous s’appellent « café slam », « bœuf verbal » – où chacun peut se sentir inviter à dire, déclamer – ateliers d’écriture, brigade d’intervention poétique et même concerts ! On a convoqué du monde tout au long des jours et des soirées, et même une émission de radio « Pas plus haut que le bord », une habituée du Bijou, diffusée sur Radio Campus Toulouse (94,0 FM).
Une atmosphère singulière règne ces jours-ci. Partout, tout le temps. Il ne vous a pas échappé que nous sommes abreuvés, jusqu’à la nausée, de discours, de mots, dans cette période pré-électorale singulièrement dépourvue de souffle, d’élan, d’espérance… Alors, disons-le tout net nous aspirons à nous laisser porter par des mots qui nous arracheraient à cette médiocrité.
Nous connaissons le répertoire de David Hébert /Govrache, de même que celui de Quevin Noguès /Archibald. L’un et l’autre nous ont donné l’occasion de nous réjouir de leur regard satirique sur notre société, de leur capacité à en faire des chansons qui gardent vivante cette verve essentielle à nos vies. L’un comme l’autre savent aussi nous prendre par le cœur, nous émouvoir, nous attendrir. Alors on attend beaucoup de leur rencontre sur cette scène du Bijou. La veille ils ont ainsi osé se surprendre l’un et l’autre car ils ne se connaissaient pas. Et ce fut, nous dit-on, un temps suspendu, un moment unique, un peu magique que d’assister à leur découverte réciproque et modifier au fur et à mesure le choix, ou l’ordre des chansons.
Ce soir, ils se connaissent un peu mieux et peuvent savourer ce duo impromptu. Nous aussi, disons –le, avec une réserve toutefois. Nos deux artistes se sont prêté longuement –trop à notre goût pour les raisons évoquées plus haut- à la dénonciation de toutes les dérives de notre société. Quelquefois d’ailleurs sans la mise à distance d’une forme ou d’un point de vue original, comme la procure par exemple la poésie de L’homme trottoir, de Govrache – on voudrait le remercier particulièrement pour ce slam bouleversant, cruellement actuel comme pouvait l’être en son temps un Victor Hugo – ou T’entends ça l’oiseau d’Archibald… Si belle chanson qui illustre son talent de beat boxer, bruiteur, d’auteur, de musicien et chanteur !
Nous les préférons, c’est vrai, dans un registre plus personnel, où affleurent leurs sentiments, leurs émotions : Govrache et sa quarantaine, sa vision de Dieu qui n’est au fond que « la vie qui se manifeste » ou son amour pour sa « fée »… un peu comme une réplique actuelle à Ma môme de Jean Ferrat. Archibald, son émouvante interpellation du père qui a failli à sa tâche, ses inter-gitans…
C’est pourquoi nous avons tant aimé, en fin de concert, entendre Archibald dans un texte de Jehan Rictus La maison des pauvres : « N’empêch’ si jamais j’ venais riche, /Moi aussi j’ f’rais bâtir eun’ niche /Pour les vaincus… les écrasés, /Les sans-espoir… les sans-baisers… » Ou bien Govrache dans le récit d’une conversation de café où l’on découvre comment « les rêves de réussite discréditent les rêves de gosse »… un passionné d’équitation finit par rêver froidement de pognon… Archibald a posé musique et voix en accompagnement de ce texte nous offrant ainsi une création qui donnerait à elle seule raison à ceux qui les ont programmés un même soir.
On se prend à rêver d’un spectacle qu’ils concevraient ensemble…
Festival Lève ton vers (© Le Bijou)