3ème Comme ça nous chante, Erwan Pinard 2016 (© Laurent Bugnet)

3ème Comme ça nous chante, Erwan Pinard 2016  (©Laurent Bugnet)

10 décembre 2016 – 3ème Comme ça nous chante – concert solo Erwan Pinard

avec Erwan Pinard (gui­tare, chant)

Le café Plùm – Lautrec (Tarn)

On ne dira jamais assez le bon­heur d’un fes­ti­val qui per­met ain­si le dépay­se­ment total d’un spec­tacle à l’autre. Certes, on se sent cha­hu­té, bous­cu­lé, voire éner­vé… Certes on fatigue par­fois, confron­té à trop d’émotions, trop de bruits inté­rieurs, trop de sombre, trop de noir souvent…Car il faut bien le recon­naître la jeune géné­ra­tion (qui par­fois n’est plus si jeune qu’on le dit) écrit à l’ombre por­tée d’un monde qui nous déchire et se lamente… D’un monde qui cherche sa renaissance.

Ce deuxième jour à Lau­trec n’a pas man­qué de rap­pe­ler les dou­leurs et les doutes. On évo­que­ra pudi­que­ment la lec­ture des Mémoires inache­vés de Bar­ba­ra dont le public a vécu la secousse…Beaucoup de fris­sons sur scène et dans la salle. Beau­coup d’émotions. Vint ensuite la déli­cieuse Camille Har­douin et ses chan­sons de bal­le­rine sur les pointes ou de funam­bule sur son fil. Enfin vint le tour d’Erwan Pinard seul avec sa gui­tare et ses « chan­sons désen­chan­tées ». C’est ce qu’il en dit mais très vite humant l’atmosphère, il nous offre un temps de lâcher prise, un temps d’humour, un temps de vrai et salu­taire fou rire.

Pour­tant Erwan Pinard ne manque pas de rap­pe­ler qu’il a « l’amour mal fichu… l’amour mori­bond qui vou­drait se réin­car­ner ». Mais au final c’est de « l’amour qui conti­nue quand même. » Cet amour c’est une par­tie de colin maillard ou de cache tam­pon, c’est selon. On s’y cherche, on s’y guette, on s’y manque. » Je t’écrirai encore des Je t’aime en vers et en vain /​Com­ment écrit-on je t’aime ? » Peut-être suf­fi­rait-il de s’étonner au quo­ti­dien… D’ailleurs Erwan Pinard se chante plu­tôt « comme un tou­riste avec le mau­vais plan » et ses chan­sons sont celles d’un homme qui se débat dans son imbro­glio sen­ti­men­tal, un vrai bazar.

Mais on com­prend très vite qu’il ne se contente pas de cette archéo­lo­gie très per­son­nelle au fin fond de ses entrailles ain­si que pour­rait le lais­ser croire la cou­ver­ture de son album, figure emprun­tée à de gra­vures du XVIIème siècle. Il regarde aus­si le monde qui l’entoure avec un humour revigorant.

Par­fois, ce monde est tout près de lui, touche sa deuxième vie, celle de pro­fes­seur de musique en col­lège. C’est alors une chan­son autour des appré­cia­tions tri­mes­trielles que tout ensei­gnant s’échine à for­mu­ler dans un lan­gage châ­tié… « Est-ce que mon tra­vail est sérieux ? » Jubi­la­toire ! Eupho­ri­sant ! Mais ne nous y trom­pons pas c’est aus­si une réflexion sur cette langue qui est nôtre et dont il serait bon de prendre soin : « Assez men­ti la séman­tique ! » Erwan Pinard observe aus­si la ville, l’évolution de son décor ce qui nous vaut une autre chan­son faus­se­ment déso­pi­lante tout comme celle qui se rit de ces voix pro­gram­mées qui nous assaillent : « J’entends des voix /​Sau­vez Orléans /​Sau­vez les meubles /​Sau­vez les appa­rences… » Il s’en prend à nos colères qui se trompent de cible : « Ne va pas te trom­per de colère /​Contente –toi de mar­cher seul comme dans une chan­son de Gold­man », il s’en prend à nos égoïsmes pro­fonds, à nos petits décomptes qui oublient toutes ces injus­tices qu’on laisse en l’état, comme ces mil­liers d’enfants morts dans le monde … Et tu comptes lais­ser faire ça ? Adresse-t-il aux spec­ta­teurs en braillant comme un beau diable.

C’est avec le der­nier texte de son album Obso­les­cence pro­gram­mée que nous vou­drions ter­mi­ner. Un petit mor­ceau de ten­dresse et d’espoir inti­tu­lé Eau de vie : 

Par delà les murs et les couvertures

Par delà les silences

Il y a des arbres à refleurir

Il y a des gorges à déployer

Par delà les murs et les couvertures

Par delà l’absence

Il y a ta joie qui éclabousse

Il y a nos voix qui bruissent encore

Par delà les murs et les couvertures