3ème Comme ça nous chante, Facteurs Chevaux 2016 (©René Pagès)

3ème Comme ça nous chante, Fac­teurs Che­vaux 2016 (© René Pagès)

9 décembre 2016 -3ème Comme ça nous chante – concert Facteurs Chevaux

avec Sam­my Decos­ter et Fabien Gui­dol­let (gui­tares, chant)

Le café Plùm – Lautrec (Tarn)

Il était donc une fois Sam­my Decos­ter, reve­nu d’une vie de jeune espoir du rock, brin­que­ba­lé par la socié­té des spec­tacles des Etats-Unis à Paris, las du ron­fle­ment des amplis et de la cha­leur des pro­jec­teurs. Sor­ti de scène pour s’i­so­ler du tour­billon du monde et de l’ad­ver­si­té des sen­ti­ments, il s’é­tait ins­tal­lé dans une cara­vane au cœur de la forêt de la Char­treuse pour écou­ter le mur­mure des feuilles lui chu­cho­ter com­ment sor­tir de ses idées noires. De son côté, Fabien Gui­dol­let, pari­sien fri­pé par la pol­lu­tion sonore des klaxons et des injures quo­ti­diennes était par­ti en quête d’une rési­dence silen­cieuse, sans autre bous­sole que la soif d’air pur et d’au­then­ti­ci­té. C’est ain­si que ses pas le menèrent jus­qu’à un lac auréo­lé d’une riche his­toire remon­tant au néo­li­thique, suf­fi­sam­ment iso­lé des sen­tiers tou­ris­tiques pour qu’il y ren­contre Sam­my, déjà en sym­biose avec la nature envi­ron­nante. Seule la chouette effraie sait com­ment se révé­la l’al­chi­mie entre leurs voix, leurs aspi­ra­tions et leurs lan­gages mais l’é­glise de Domes­sin a su en recueillir le précipité.

His­toire d’une rencontre 

Invi­ta­tion au voyage, à l’envol, à moins que ce ne soit plu­tôt, pieds bien posés au sol, une invi­ta­tion à la ran­don­née, à l’ascension. Fac­teurs Che­vaux une pas­se­relle pour le rêve ou le cau­che­mar par­fois… D’urgence, dégra­fons les cor­sages, oublions le temps, notre temps pour accé­der à l’Ailleurs où plus rien ne res­semble à rien. Humons les par­fums des sous-bois, cares­sons l’écorce des arbres, écou­tons l’eau des sources jaillir… Comme la petite Colette que sa mère récom­pen­sait en lui offrant le lever du jour… Et alors, et alors … « Tout dor­mait dans un bleu ori­gi­nel, humide et confus, et quand je des­cen­dais le che­min de sable, le brouillard rete­nu par mon poids bai­gnait d’a­bord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, attei­gnait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sen­sibles que tout le reste de mon corps… »

Voi­là c’est un peu de ce voyage fait de sou­ve­nirs lit­té­raires, pic­tu­raux que nous offrent Fac­teurs Che­vaux, appe­lés que nous sommes déjà par le nom de ce duo qui fleure la déme­sure d’une créa­tion sans entraves.

Bien enten­du cer­tains enten­dront dans ce duo fait de conni­vence, d’humour fra­ter­nel d’autres duo bien avant eux … On apprend de notre échange, de leur ren­contre sur l’antenne d’R d’Autan qu’ils se réfèrent à des noms pres­ti­gieux d’outre atlan­tique, Simon et Gar­fun­kel et avant eux les Ever­ly Bro­thers.

De leurs gui­tares, de leurs voix, ils font un curieux assem­blage. Ils se cherchent, s’éloignent pour mieux se retrou­ver. Leurs corps des­sinent une cho­ré­gra­phie. Même leur tenue paraît impro­bable avec ce para­doxe entre jean, che­mise, chaus­sures d’homme rus­tique de Sam­my et le cos­tume de Fabien, petit gilet d’un dan­dy… Les voix s’appellent, se cherchent en joute ami­cale, se répondent, pro­fondes, loin­taines comme voix d’outre –tombe. Voix pour les voûtes des églises, voix pour les grottes où ils aiment pro­po­ser leur chant, voix pour les espaces sans limites. Voix d’un autre temps… Temps médié­val, temps légen­daire peu­plé de gnomes, de fées ou de sor­cières. Temps de vil­lages englou­tis, ou d’hommes déser­teurs dont l’ombre danse sur le che­min des Dames de pluie, temps de renards « cruels et per­fides », temps qui nous rap­pelle que cha­cun de nous est insi­gni­fiant, « alba­tros imbi­bé de sa pré­ten­tion de voler »… Du texte de leurs chan­sons, émerge la cer­ti­tude d’un monde où tout n’est qu’illusion, que rêve, où tout est mena­cé d’immersion sous les eaux, d’engloutissement, de disparition…

Dif­fi­cile de reve­nir à soi après un tel voyage au fir­ma­ment de nos rêves. On pense aux sou­ve­nirs lais­sés par le groupe Des four­mis dans les mains dont on disait en sor­tant de concert « On est lit­té­ra­le­ment son­né, grog­gy, étour­di… » Nous étions plu­sieurs à faire le rap­pro­che­ment ce soir. Quand la Chan­son atteint de telles dimen­sions, on peine à com­prendre qu’elle reste si confidentielle.

Mais n’en est-il pas ain­si de tant d’autres créa­tions, danse, musique, théâtre dont on vou­drait offrir le pri­vi­lège à un large public ?