Flo Zink–Café Plùm (© Claude Fèvre)
26 février 2017 – Flo Zink en concert
Avec Flo Zink (Chant) et Thomas David (guitare – choeurs)
Le Café Plùm – Lautrec (Tarn)
Plantons d’abord le décor de ce concert dominical car Le café Plùm s’est paré d’une décoration qui mérite qu’on s’y attarde. Aux murs, on a tout mélangé dans des petites boîtes fichées au mur, n’importe comment… Elles nous parlent d’un inventaire digne de Prévert. Voyons un peu…
Une Sophie, la girafe
et une autre Sophie la girafe,
un petit Nicolas sans sa Pimprenelle
en pyjama bleu
une poire à lavement,
une pendule,
deux pendules aux aiguilles arrêtées
un entonnoir et une cafetière de fer blanc
une boîte à œufs avec des petits canards en plastique jaune dedans
un bus et des petites voitures très vieilles
Et toujours pas de raton laveur ! …
Pour cacher la régie, une palissade de chantier et des volets peints en vert. Des ardoises où l’on a écrit des choses comme « Qui vole un livre ne sait pas vivre », « Chanter provoque le concert » (tiens, j’ai déjà lu ça quelque part…), « café restaurant de village » et au-dessus de la cuisinière rutilante, « Silence, on touille ! »
Autant vous dire que ce lieu, ce « café – librairie – salle de concert » est un poème à lui seul et qu’il faut avoir des ailes au dos quand on y entre. Et l’on ne vous parle pas de l’environnement, de la beauté du village, de cette terre fière de la culture de l’ail rose…
Flo Zink celle qui est descendue de la capitale, de son quartier qu’elle aime, entre Belleville et Ménilmontant, s’apprête à vivre un instant singulier. Les lieux vont lui faire un tremplin soyons-en sûr. Les murs et les gens qui l’habitent vont faire écho à sa joie, à son talent de comédienne, de danseuse. Son petit numéro de claquettes fera mouche, à tous les coups ! Nous n’en doutons pas mais c’est un premier concert avec un nouvel accompagnateur à la guitare et aux chœurs, Thomas David qui succède à Martial Bort retenu par l’ascension de Gauvain Sers. Comme toute première fois, c’est un peu fragile, et la connivence juste naissante… On se cherche, on se guette… Mais tout est là pour faire de ce duo un moment de fantaisie et de tendresse.
Dans un coin de la scène, trône le parapluie aux couleurs arc-en-ciel dont Flo Zink a raison d’être fière. Une petite merveille technologique qui lui permet d’inviter des passants sous son parapluie pour leur chanter une chanson de leur choix. C’est sous ce parapluie, avec la chanson titre de son album, Les veilleurs de lune, que s’achève tendrement le concert.
Tout comme les petits casiers de bois sur le mur du café Plùm, les chansons de Flo Zink qu’ont mises en musique surtout Frédéric Bobin, mais aussi Une femme mariée et Mikaël Larrieu-Plantey, s’en vont faire halte partout où l’être humain se hasarde. Entre ombre et lumière, sans se complaire longtemps dans ce qui pourrait être désespérant. C’est comme la vie qui nous chahute, parfois un peu fort, nous fait traverser des moments de doutes, des peurs surtout. Pas facile de s’arracher aux liens qui nous retiennent, de gagner sa liberté. Flo Zink s’amuse aussi de nos vies de couple, des stéréotypes masculin-féminin, des écrans qui nous aveuglent avec nos mille huit cents amis, de notre vie en nucléaire, et du penchant pour le bio… ce qui donne lieu à une tentative d’accompagnement à la guitare avec une voix d’enfant ! Elle opte résolument pour la fantaisie, comme dans ce temps de lecture où elle grappille quelques aphorismes de Pierre Etaix. Elle se veut légère même quand elle revendique le droit des femmes, celles d’ailleurs, précise-t-elle prudemment : « Nous on veut des étoiles mais pas sous le voile ! »
Parfois le ton se fait plus lourd, le temps de deux chansons et pas des moindres : Les Timides de Jacques Brel et La bête immonde de Claude Lemesle, chanson écrite avec Michel Fugain. On ne saurait regretter d’entendre ces mots là : « Qui va lui planter un pieu dans le cœur /Qui va l’amputer du goût de l’horreur ? ».
Oui, qui ?
Très vite, Flo Zink s’en retourne à la dérision, à l’humour et tord le cou à cet égoïsme qui nous enferme bien trop souvent, a fortiori quand on est artiste… Elle offre en rappel un joli numéro de starlette incapable de laisser la moindre place à l’homme qu’elle rencontre et qu’elle voudrait séduire. Et voilà un final que l’on pourrait peut-être prendre au sérieux un instant, comme une métaphore de la tentation de repli sur nos frontières – surtout mentales – qui nous menace tous.
Flo Zink est repartie dans son immeuble, au cinquième étage sans ascenseur, sur les hauteurs de Belleville. De là-haut,nous le savons, ses pensées s’en iront parfois dans le Sud où se sont amarrées quelques « premières fois ». De temps à autre, elle ira se poser au café Plùm où les heures prennent des airs d’éternité… La preuve, les pendules affichent toujours la même heure !