Olivier Eyt en trio, La Grande Famille, juin 2022 (©Claude Fèvre)

Oli­vier Eyt en trio, La Grande Famille, juin 2022 (©Claude Fèvre)

10 juin 2022, concert de  Oli­vier Eyt en trio 

L’homme qui marche 

Avec

Oli­vier Eyt (textes, musique, pia­no, voix),  Bas­tien Lucas (arran­ge­ments, cla­vier, gui­tare, choeurs), Fran­çois Puyal­to (basse, chœurs) – Mise en scène de Xavier Lacou­ture


Café cultu­rel La Grande Famille - Pin­sa­guel (Haute Garonne)

Oli­vier Eyt, lui qui avait un album court titré Tout seul tout nu, lui qui pro­mène sou­vent son pia­no sur son dos pour se rendre dans les Ehpad de la Seine-Saint-Denis, a vou­lu pour son der­nier album connaître le par­tage… Et quel par­tage ! Une dou­zaine de musi­ciens pour por­ter haut son pro­jet. Vous voyez l’homme à droite sur la pho­to, c’est l’arrangeur… Aus­si humble que talen­tueux Bas­tien Lucas a mis des étoiles dans le ciel d’Olivier qui, pen­dant des mois, a peau­fi­né ses nou­velles chan­sons et réuni une troupe autour de lui. Une troupe de musi­ciens, des hommes, des femmes, des humains « Une mala­die conta­gieuse »…

Dans ce concert en trio, dans ce petit lieu intime et si cha­leu­reux qu’est le café cultu­rel La Grande Famille, il est venu au devant du public. S’éloignant de ce pia­no auquel il est si sou­vent amar­ré, pri­vé alors de liber­té de mou­ve­ment, il s’est mêlé à nous, micro en main, pour mieux nous prendre à témoin. Com­plices, nous avons par­ta­gé ses pen­sées, ses émo­tions d’homme qui marche jusqu’à plus soif, sur­tout « sans avoir peur d’être moche », et jusqu’à ce qu’on vienne le cher­cher pour le glis­ser dans la boîte. Car il n’occulte rien, Oli­vier, sur­tout pas la mort dont il fait même un ins­tant de dou­ceur… – superbe chan­son d’amour qui trouve un écho dans l’évocation de la grand-mère, celle qui s’asseyait seule­ment quand le grand-père fai­sait la sieste, celle qui, le jour de la mort de Mike Brant, s’était excla­mée : « J’aurais pré­fé­ré que ce soit Michel Sar­dou ! ». Cette grand-mère là fait, refait ses bagages pour aller au Ciel…

Oli­vier n’occulte ni les échecs, ni les erreurs « J’ai bu cent fois la tasse », ni les démons par­fois dégui­sés en prin­cesses… Là, dan­ger… ! La chan­son s’achève alors en hur­le­ments de loup, en gro­gne­ments des trois musi­ciens… Car il est temps de dire que Bas­tien Lucas au cla­vier ou à la gui­tare et Fran­çois Puyal­to à la basse assurent un habillage sonore élec­trique puis­sam­ment évo­ca­teur… On aime que leurs ins­tru­ments puissent ain­si être le pro­lon­ge­ment, l’amplification de l’onde de choc des mots. Alors on fait d’autant mieux face aux dési­rs inavoués… « Se retrou­ver nu avec les autres… juste pour voir » ? Aux fai­blesses, à la vieillesse sans pitié… Toi si frin­gant jadis, « T’as plus qu’à t’garer sur le côté », aux ascen­dances troubles aus­si… « Et toi, ça s’est pas­sé com­ment avec ton père… ? » Inter­pelle Olivier.

Le pire serait de n’avoir plus de cœur, « C’est un très grand mal­heur », alors pro­té­geons ce refuge qu’est l’amour, celui des corps qui s’assemblent, effacent la ville… Refuge aus­si que celui de l’enfant qui danse, montre la piste, la voie à l’homme qui marche « C’est son style, c’est sa loi », chan­son de ten­dresse avec laquelle le concert s’est ache­vé, comme s’achève l’album…

Pen­sons aus­si et encore à cette leçon de l’enfance, à ces « jour­nées entières dans les arbres, les pieds contre l’écorce », à l’abri des cris en bas, à l’abri de la cha­maille… « Les nuages dans le ciel des­sinent des para­dis per­du, pas encore trou­vés… » Sou­ve­nons –nous de cette place accor­dée aux rêves, à l’imagination ain­si que nous l’accorde le temps d’un spec­tacle vivant, « à regar­der en bas, per­ché »…