Barjac m’en Chante 2017 – Les Têtes de Linettes (© Claude Fèvre)
31 juillet 2017 – Festival Barjac m’en Chante 2017
2e Chapiteau : Nicolas Bacchus & Les Têtes de Linettes
Avec Nicolas Bacchus (guitare, chant) accompagné par Sylvain Rabourdin (violon, mandoline)
Les têtes de Linettes : Fanette Bonnet, Julie Bottolo et Lia-Marie Farque (clavier, percussions, guitare, voix)
Chapiteau – Barjac (Gard)
Vous n’êtes pas sans savoir que les concerts de 17 heures sous le chapiteau de Barjac nécessitent une bonne dose de passion, voire carrément l’esprit de sacrifice tant la température y grimpe. On n’ose imaginer ce qu’il en est sur la scène…
Aujourd’hui il pourrait bien souffler un vent dont on cherche par avance le qualificatif : contraire ou bienfaisant ? Les avis iront bon train, comme à chaque fois. Car chacun porte en soi sa définition de la Chanson, guidé par son histoire personnelle. Le spectateur assidu, exigeant de ce festival va-t-il se laisser porter, emporter vers des nouveaux rivages ?
C’est Nicolas Bacchus, l’irrévérencieux, l’insolent Bacchus qui arrive d’abord escorté par Sylvain Rabourdin et son violon fantastique… L’hyperbole est de mise en effet. Suffit d’aller voir ce qu’il invente avec deux acolytes dans le trio Zorozora. Ils viennent de faire un tabac avec leur Histoire de la musique, dans le Off du festival d’Avignon. Nicolas Bacchus, de son côté, offrait ses facéties avec trois autres, dans un spectacle désopilant, Virage à droite… Il en offrira aujourd’hui un fleuron en rappel, une chanson de Didier Barbelivien, Tu seras vendéen, mon fils.
Disons tout de go que Nicolas n’a pas tardé à mettre le public dans sa poche. Il le prend immédiatement à témoin de ses réflexions. Sur la vie, la société, la politique – aucune ambigüité sur ses convictions quand il s’en prend à l’historique RPR – Mais c’est avec l’amour, le couple, qu’il donne le meilleur de lui-même… Il entraîne le public dans ce tourbillon bien à lui dont on pourrait surtout dire qu’il y pourfend les conventions de toutes sortes. Une version bien à lui d’agit-prop… Le ton est définitivement donné à la troisième chanson empruntée au répertoire de Patrick Font des années 70, pourfendant les conventions et les interdits de l’époque – encore en vigueur aujourd’hui, à ce que l’on m’a dit, malgré une fameuse loi ? – Il y prône l’homosexualité comme méthode contraceptive… Au fond, ce qu’il faut retenir, comme le dit la chanson, c’est que la seule chose qui soit contre nature, c’est de « nous empêcher d’aimer qui nous plaît »… Il pose souvent un regard bienveillant, attendri sur les êtres à commencer par sa mère, sur Pierrette à Pigalle, sur l’amant- ami qu’il malmène volontiers, parodiant Gainsbourg « Je suis venu te dire que tu t’en vas ». Mais par contre il ne fait aucun cadeau aux défenseurs de l’identité nationale, à cette image du père empruntée elle aussi à Patrick Font … Une histoire familiale qui fait que l’on peut « glisser un jour quelques cailloux dans sa fronde ». On ne saurait pourtant réduire le répertoire de Nicolas Bacchus à l’irrévérence quand on l’entend chanter, Fontaine, l’émouvante chanson de Manu Galure ou un sonnet de Bertold Brecht qu’il a mis en musique.
Il ne manquera pas de remercier pour sa fidélité Jean-Claude Barens qui l’a invité, comme il l’avait fait antérieurement dans d’autres festivals. Il glisse subrepticement cette phrase entre deux chansons « Barjac c’était mieux avant, y avait pas Bacchus » …
Il n’y avait pas Bacchus et peut-être pas non plus Les Têtes de Linettes… En ce qui nous concerne nous nous réjouissons de la multiplicité des univers découverts à Barjac et ailleurs. Les trois Linettes, dont l’une, nous apprendra-t-on, a eu tout juste une dizaine de jours pour s’approprier le répertoire, sont sacrément douées… En tout ou presque… Elles chantent, explorant quantité d’effets de leurs voix assemblées. Elles jouent de leurs instruments, clavier, guitare, percussions, évoquant le jazz, le swing, la bossa, le gospel… Elles dansent, s’adonnent même à quelques acrobaties. Elles font de l’œil au théâtre, à la pantomime, au clown… Et cerise sur le gâteau, elles sont belles…
Que demander de plus ? Juste qu’elles donnent un peu de sens à cette frénésie joyeuse. Qu’elles rognent par ci, par là… Qu’elles définissent leurs personnages, qu’elles nous guident dans la lecture de leur propos, surtout dans leur engagement auprès des femmes. Émotion, humour, dérision ? Pas facile tout ça…
Mais ce qui est sûr, c’est que l’on reviendra écouter ces linettes dont on avait aimé déjà les cinq titres enregistrés et leurs réminiscences de Dobacaracol, duo québécois aujourd’hui disparu. On vous le redit, chacun écoute la Chanson à l’aune de son histoire…