Barjac m’en chante 2019 –Frédéric Bobin & Hélène Piris  – Thierry Chazelle & Lili Cros (© Luc Allegier)

Bar­jac m’en chante 2019 –Fré­dé­ric Bobin & Hélène Piris – Thier­ry Cha­zelle & Lili Cros (© Luc Allegier)

31 juillet et 1er août 2019, Jour­nal de bord d’une enchan­tée – Actes 5 & 6

Bar­jac m’en chante 2019

Avec

Acte 5 : Cla­ra San­chezLes décou­vertes du Pra­det : Liz­zieJean-Louis Ber­gère Les Ren­dez-vous de l’espace Jean Fer­rat : Fré­dé­ric Bobin accom­pa­gné par Hélène Piris– Marion Rouxin accom­pa­gnée par Edouard Leys 

Acte 6 : Les décou­vertes du Pra­det : Méla­nie Arnal & Oli­vier Roman Gar­cia Aron’C /​Aron Cohen & Tho­mas Cou­sin – Les souf­fleurs de vers : Lau­rence KeelJona­than Mathis – Les Ren­dez-vous de l’espace Jean Fer­rat : Thier­ry Cha­zelle Lili CrosLes Fou­teurs de joie


Salle du château, Espace Jean Ferrat (cour du château), Salle Trintignant, Chapiteau du Pradet, « Le jardin des papotages » – Barjac (Gard)

Bar­jac m’en chante, jour 5

Pre­mier ren­dez-vous au Jar­din des papo­tages : des retrou­vailles avec Cla­ra San­chez et son accor­déon. Cla­ra, sa sil­houette grêle, son large sou­rire, son béret posé sur ses longs che­veux, et sur­tout sa voix puis­sante de chan­teuse des rues d’un siècle effa­cé. Elle sait me prendre par la main, me mon­trer les rues, les cafés, les sil­houettes d’hommes et de femmes pas vrai­ment gâtés par la vie… A chaque fois je la suis. Je l’écoute me dire son goût de vivre libre, son goût des autres pour les­quels son accor­déon soupire…

Au cha­pi­teau ce sont aus­si des retrou­vailles. Déci­dé­ment j’ai bien de la chance ! Liz­zie, sa gui­tare folk, sa longue robe légère et fleu­rie, sa voix bou­le­ver­sante de chan­teuse de fado. Liz­zie, c’est la grâce et la dou­ceur, le désir de voguer, la soif de voyages, d’escales où se repo­ser du vent et de l’ivresse. Quelle déli­cieuse idée d’assembler la musique d’un fado aux alexan­drins de l’Albatros de Bau­de­laire ! Un moment de grâce dont je sou­haite ne pas trop m’écarter quand vient le quar­tet de Jean-Louis Ber­gère. Hélas, je res­te­rai sur la rive et ne me lais­se­rai pas séduire par les textes, l’interprétation, l’atmosphère musi­cale pla­nante… Tout m’a sem­blé beau­coup trop mono­tone et froid. J’ai cher­ché en vain une pal­pi­ta­tion, un fris­son, de quoi m’arracher à l’ennui…

Au soir, dans la cour du châ­teau, j’aurai enfin mon compte de souffles, de bat­te­ments de cœur, de vie… D’abord le frère, l’ami, Fré­dé­ric Bobin, accom­pa­gné par Hélène Piris au vio­lon­celle. Un constat : après des années à sillon­ner la France, à mar­quer une pause dans le moindre petit lieu où bat le cœur de la Chan­son, Fré­dé­ric a main­te­nant son public, un public qui vient par­ta­ger son huma­ni­té, celle qui affleure dans les textes de son frère Phi­lippe, dans ses gui­tares, dans sa pré­sence simple et cha­leu­reuse. C’est ensuite la superbe décou­verte de Marion Rouxin venue rem­pla­cer Michèle Ber­nard et Monique Brun. D’abord intri­guée, je finis par me lais­ser tota­le­ment trans­por­ter par la scé­no­gra­phie, par les textes, par l’accompagnement ins­tru­men­tal avec la conni­vence d’Edouard Leys (pia­niste, com­po­si­teur, arran­geur), et sur­tout par une pré­sence scé­nique qui mêle tout ce que j’aime : le chant et la danse. Fas­ci­nante Marion Rouxin dont le visage et les che­veux cou­pés très courts m’ont évo­qué à la fois Gabrielle Rus­sier, Annie Girar­dot l’incarnant dans le film d’André Cayatte   et Gri­bouille… Qui se sou­vient encore de ces des­tins de femmes ? C’est vrai que cette res­sem­blance me donne d’emblée envie de la suivre où qu’elle m’entraîne… C’est si bon par­fois de dépo­ser les armes, de s’abandonner au charme.

Bar­jac m’en chante, jour 6 et dernier…

Notre vie se confronte sans cesse à l’éphémère et voi­là que s’achève cette 25ème édi­tion du fes­ti­val de la chan­son à Bar­jac. Voi­là qu’il faut conclure et de belle façon ! Au Jar­din des papo­tages, revient Cla­ra San­chez… J’y retourne pour humer ce bon­heur d’être là sous la fron­dai­son d’un charme superbe à écou­ter la chan­son s’éparpiller au vent, au cœur de spec­ta­teurs visi­ble­ment conquis. Je m’y attarde et c’est sim­ple­ment bon. A cette même heure on conti­nue de confron­ter des vécus, des expé­riences chan­son­nières dans la salle Trintignant.

Au cha­pi­teau, le ren­dez-vous jour­na­lier des « décou­vertes » s’ouvre sur l’un de ces duos dont Jean-Claude Barens a vou­lu que cette édi­tion soit par­ti­cu­liè­re­ment une illus­tra­tion … Des duet­ti en veux-tu, en voi­là… Celui de Méla­nie Arnal et d’Oli­vier Roman Gar­cia, réunit le vio­lon et la gui­tare pour accom­pa­gner l’histoire de la « Fille allu­mette » qui nous confie sa vie de femme. Quand l’auteure s’écarte d’une évo­ca­tion trop atten­due, quand elle ose quelques audaces, quelques aveux, quand elle assai­sonne cette his­toire d’humour de déri­sion, je la suis très volon­tiers… Vient ensuite Aron’C, un autre duo, exclu­si­ve­ment mas­cu­lin cette fois, géné­reux et par­ti­cu­liè­re­ment inven­tif musi­ca­le­ment. Le pas­sage par des sono­ri­tés net­te­ment plus rock fera fuir quelques spec­ta­teurs. C’est dif­fi­cile, c’est vrai, sous ce cha­pi­teau de vivre cet épi­sode là. A Bar­jac, sous ce cha­pi­teau des décou­vertes, le public est bien­veillant, bon enfant le plus sou­vent, il chante dès qu’on le sol­li­cite, applau­dit, se lève pour saluer un artiste qui l’a séduit… Mais il est sans conces­sion… Aron Cohen et Tho­mas Cou­sin sont sacré­ment heu­reux d’être là pour­tant. J’aime cet enga­ge­ment là, le soin appor­té à leur tenue de scène, à leur décor qui nous ramè­ne­rait au temps de la pro­hi­bi­tion dans les années 30. J’admire leur côté « homme orchestre »… Ils sont deux et font du bruit comme cinq ! Et cette envie d’en découdre avec notre « monde usé », de le « pié­ti­ner pour en dis­per­ser les cendres » m’attache à leur réper­toire. Ce sont des par­ta­geurs… La preuve, ils invitent sur un titre Garance, Liz Van Deuq et Franck Hali­mi.

La soi­rée quant à elle, nous a tous lit­té­ra­le­ment enchan­tés. Elle com­mence comme chaque jour avec la poé­sie, avec « l’instant des souf­fleurs de vers ». Cette année ce sont exclu­si­ve­ment des textes de Jean Vas­ca, dis­pa­ru en décembre 2016. Un superbe hom­mage de la comé­dienne Lau­rence Keel accom­pa­gnée par le mul­ti-ins­tru­men­tiste si créa­tif, Jona­than Mathis. Ce soir, à l’ouverture du deuxième concert, c’est un ins­tant de magie qui s’offrira à nous : le duo s’est ins­tal­lé dans une ouver­ture au cœur du grand mur de pierre, et c’est une kora qui accom­pagne déli­ca­te­ment les mots… Magnifique ! 

C’est un franc bon­heur que de revoir Thier­ry Cha­zelle et Lili Cros dans ce réper­toire que je leur connais bien. Des chan­sons qui parlent à cha­cun de nous avec ten­dresse, humour, joie du par­tage sur­tout. La scé­no­gra­phie, les lumières, ces petits trem­plins sonores sur les­quels ils grimpent pour sou­li­gner le rythme, leur conni­vence et, disons-le, leur amour, donnent un spec­tacle dont je ne me las­se­rai pas. Un vrai remède en cas de coups durs ! 

Les concerts 2019 de Bar­jac m’en chante s’achèvent enfin avec la folie théâ­trale et musi­cale des cinq Fou­teurs de joie. 20 ans qu’ils cultivent leur envie de faire rire de notre fou­tu monde ! Chaque titre est l’occasion d’un nou­veau tableau, de nou­velles gri­maces, d’une nou­velle ins­tru­men­ta­tion, de nou­veaux acces­soires… C’est mené à un rythme d’enfer avec une pré­ci­sion de métro­nome. C’est irré­sis­tible ! Un épi­logue qui fera date, j’en suis certaine.