Barjac, Ben Mazué (© Droits Réservés)

Bar­jac, Ben Mazué  (© Droits Réservés)

31 juillet 2016 – Barjac m’en Chante, Ben Mazué

avec Ben Mazué voix , Jean-Phi­lippe, cla­viers

Cour du château – Barjac (Gard)

33 ans, c’est du moins ce que dit le titre de son album. En fait aujourd’hui il en a un peu plus… mais qu’importe ! Il affiche une jeu­nesse presque inso­lente sur cette scène du châ­teau à Bar­jac. Son jean au bas retrous­sé, un peu court, sa che­mise bleue, cin­trée sur son buste encore ado­les­cent, ses tâches de rous­seur par­se­mées sur ses joues, ses yeux clairs, ses che­veux cou­leur carotte en font le por­trait. Mais on pour­rait y ajou­ter sa façon de se dépla­cer, d’aller sans cesse de jar­din à cour et de cour à jar­din, sur­tout son débit de paroles, sa façon de prendre le public à témoin de ses élu­cu­bra­tions… Il est comme un môme et dieu que c’est bon tout à coup ! On peine à croire que la vie lui a déjà don­né la res­pon­sa­bi­li­té de deux bam­bins et qu’il était sur la grande scène des Fran­co­fo­lies en 2010.

Un souffle d’air neuf souffle sur ce lieu. Le public sou­dai­ne­ment rajeu­ni nous confirme qu’il se passe quelque chose en ce monde de « bar­ja­co­phi­lie ». C’était un pari osé, sans doute. Mais que le nou­veau direc­teur artis­tique de ce fes­ti­val se ras­sure. On n’a aucun mal à emboî­ter le pas de ce jeune homme, empor­tés que nous sommes par son authen­ti­ci­té. Il chante certes, avec un peu d’anglais même, mais dans un style indé­fi­nis­sable avec d’incessantes rup­tures de rythme, des fluc­tua­tions qui s’inspirent de tout ce qui passe à sa por­tée de cœur et de voix… du slam, du rap, du hip-hop… Il parle, il raconte, il s’invente un monde déca­lé, et nous trans­porte dans sa tête… « Sor­tir de soi, lais­ser entrer l’imprévu »… Nous voi­ci avec lui aux récom­penses des Gran­ny Award – ben voyons ! – puis sur France Inter où il reçoit chez lui Rebec­ca Man­zo­ni pour son émis­sion Eclec­tik. Il chante Les gens qui doutent – plus exac­te­ment tente de chan­ter, sou­dain pris par le trac de savoir Anne Syl­vestre dans la salle – parce qu’il se recon­naît dans cette chanson.

C’est ain­si que nous pour­sui­vons le voyage. Dans la tête et le corps d’une fille de 14 ans qui saute le pas, vit sa « pre­mière fois » – on com­prend alors que les très jeunes écoutent ses chan­sons, s’y recon­naissent – nous vivons une demande en mariage, une soi­rée du côté des dra­gueuses, on s’offrira même pour l’occasion le détour dans les pen­sées d’une fille de trente cinq ans… Nous le sui­vons à scoo­ter, un rap amé­ri­cain dans les oreilles… Dans la logor­rhée télé­pho­nique d’un « ancien » qui fut jeune au temps béni – ou presque – des « trente glorieuses »…

Au final, il serait une frian­dise, un cha­mal­low … « De la dou­ceur, à la caresse, et du coup, j’é­ponge le stress avec mon petit cœur tout mou ». Mais le point d’orgue de ce concert c’est sa chan­son Vivant, « Je ne pal­lie­rai pas l’absence, c’est tout le bien que je me sou­haite… », chan­son offerte à la mère dis­pa­rue dont il lit aupa­ra­vant la lettre envoyée de l’au-delà. Un moment d’une rare beau­té poé­tique. Texte d’amour superbe qui fini­rait de nous séduire.

Belle leçon de vie, de vita­li­té ce Ben Mazué. Doit-on rajou­ter que nous en avons furieu­se­ment besoin ? Tout comme la chan­son a besoin de faire venir à elle la jeune géné­ra­tion qui fera le public de demain.