B. comme Fontaine, un quartet vertigineux (© Hervé Suhubiette)

Jesers, Café Plùm  (© Claude Fèvre)

9 juillet 2016 – Concert de Jesers

avec Serge Moniz (alias Jesers) textes et voix, Marc Ges­chickt, gui­tare, voix

Le café Plùm- Lautrec (Tarn)

Nous quit­tons Albi. Vingt cinq minutes de route pour arri­ver au vil­lage de Lau­trec, cité médié­vale, au cœur du Pays de Cocagne. Là-bas un café bat la mesure tout l’été avec ses concerts dans la cour, petites tables dres­sées sous un véné­rable tilleul. Le café Plùm, café librai­rie, avec une vraie scène quand vient le temps de se replier à l’intérieur. Un lieu unique où se sont alliés gen­tillesse, bonne table, bons livres et bonnes musiques sans fron­tières. Une des­ti­na­tion de vacances. Rete­nez l’adresse !

Ce soir, en par­te­na­riat avec l’association qui pré­side au des­tin de Pause gui­tare, Arpèges et Tré­mo­los, c’est le concert de Jesers. Prix Décou­verte au fes­ti­val 2014, après son prix du public au Pic d’or 2013, il semble qu’être lau­réat lui aille plu­tôt bien puis­qu’il rem­porte cette année le deuxième prix au trem­plin Spo­ken word au fes­ti­val Le Mans cité Chan­son.

Jesers c’est un duo, au sens plein du mot. On ne sau­rait par­ler des textes et de la voix de Serge Moniz sans évo­quer son par­te­naire, ami, com­plice à la gui­tare clas­sique. Une gui­tare dont il tire tous les effets sen­sibles. Il nous entraîne aus­si bien sur les rives du clas­sique que sur celles de la bos­sa-nova, de la valse ou du reg­gae. Par­fois, à elle seule elle offre le dépay­se­ment, l’émotion vive. On se prend à la suivre, presque à quit­ter le texte qui conti­nue de se dérou­ler comme un long fleuve. L’homme est réser­vé, il ne s’éloigne pas de sa place der­rière son micro, comme s’il vou­lait lais­ser toute la dimen­sion à Serge qui chante, dit ses textes, et les porte de tout son corps… Nous aurions par­fois envie que les deux artistes se rap­prochent, se ras­semblent davan­tage pour une expres­sion cor­po­relle, quelques pas de danse.

Le concert s’ouvre sur le bal des cou­leurs… comme un clin d’œil à leur duo blanc-black. Au fond, c’est le pre­mier texte qui dit l’essentiel. Un appel à s’emparer d’un « arc-en-ciel dans la valise » du poète qui veut bien la dépo­ser à nos pieds. Il ne paraît pas néces­saire alors de trop en rajou­ter en insis­tant auprès des spec­ta­teurs par des sol­li­ci­ta­tions appuyées : « Faites du bruit ! » Et si l’émotion avait besoin de silence ?

Jesers a quelque chose d’Oxmo Puc­ci­no (il lui emprunte un texte sur l’enfant écar­te­lé entre deux week-end) et Abd al Malik dans la voix. Il est dans cette mou­vance là où les mots retrouvent toute leur ampli­tude. Ce flot de mots, ce « flow » est un retour à la voca­tion pre­mière du poète, de l’aède. On ne peut que se réjouir de cette dimen­sion du texte et de la musique en appui. On peut faci­le­ment se lais­ser por­ter par la musique des mots, leurs asso­nances dis­tinc­te­ment pro­non­cées, comme impro­vi­sées, au fil de la pen­sée, de l’émotion, de la sen­sa­tion. Les mots bon­dissent, rebon­dissent. Chan­ter c’est lan­cer des balles.

Jesers épouse volon­tiers les thèmes ou les aspi­ra­tions à une réflexion huma­niste. De son expé­rience, de leur expé­rience, celle de Serge et de Marc en Pales­tine par exemple, on accède ensuite à l’universalité. Bien enten­du il est beau­coup ques­tion de l’amour, « source de la vie, roi de l’univers », celui auquel on aspire mais celui qui déchire aus­si, comme un « manège » qui fait mal au ventre mais sur lequel on ne cesse de vou­loir mon­ter. Il est ques­tion du des­tin, du temps, du pas­sé, de l’enfance – un père, une mère…et voi­là qu’on le devient à son tour… « Une sacrée manche » ! Il est sur­tout ques­tion de par­tage, comme le dit le titre de leur album J’aimerais qu’on sème, d’un temps de pause salu­taire qui nous est offert. D’ailleurs le public, à l’heure de l’apéritif pour­tant, ne s’y est pas trom­pé. Il a offert au duo Jesers une belle qua­li­té d’écoute et une joie.

On a lais­sé les doutes et les cha­grins dans la petite rue der­rière. La vie est si douce sou­dain sous le tilleul de la cour pavée du café Plùm.