Barjac, Rencontres de 11h11(© Droits Réservés)

Bar­jac, Ren­contres de 11h11 (© Droits Réservés)

31 juillet au 4 août 2016 – Barjac m’en Chante, Rencontres de 11h11

Salle Regain – Barjac (Gard)

Venir chaque matin aux joli­ment nom­mées  Ren­contres de 11h11 est en soi un défi… Sur­tout quand on assiste éga­le­ment aux scènes ouvertes d’après minuit… Et que dire du chro­ni­queur – jour­na­liste qui se doit d’ex­pé­dier son pre­mier article du jour avant de s’en reve­nir au centre de Bar­jac, salle Regain ? On ne dira rien des yeux cer­nés de cer­tains, de leurs teints brouillés, voire de leur absence.

Voi­ci le programme :

Dimanche 31 Juillet Pierre Grosz – Auteur et paro­lier – Jonasz, Reg­gia­ni, Fer­rat, Pol­na­reff …entre autres, Fran­çois Der­quenne - Auteur de l’exposition Jean des Encres, Jean des sources, Direc­teur de l’Imaginaire – Dou­chy-les-mines (Nord) -Michèle Ber­nard - Michel Kem­per Auteur – Jour­na­liste à Cho­rus jusqu’en 2009 – Fon­da­teur du blog Nos enchan­teurs Lun­di 01 Août Mat­thias Vin­ce­not – Poète – Créa­teur du Prix Georges Mous­ta­ki – Chloé Lacan – Michel Kem­per - Mar­di 02 Août Cécile Pré­vost-Tho­mas – Socio­logue- Musi­co­logue – Maitre de confé­rence à la Sor­bonne – Romain DidierIsa­belle Far­doux-Jouve – Jour­na­liste culture à la Mar­seillaise de 1998 à 2015, auteure et aujourd’hui Conseillère Dépar­te­men­tale Mer­cre­di 03 Août Jacques Dau comé­dien et humo­riste. Forme avec Jean-Marc Catel­la le duo Dau et Catel­la. Nom­breux spec­tacles et pré­sence assi­due dans le Fou du Roi de Sté­phane Bern sur France-Inter - Wal­ly Vincent Roca – Michel Kem­per Jeu­di 04 Août Hélène Hazé­ra Jour­na­liste chan­son à Libé­ra­tion jusqu’en 1999. Pro­duc­trice, réa­li­sa­trice à France-Culture – Roxane Joseph, Direc­trice du Centre de la chan­son et du Fes­ti­val Ta Parole – Michel Kemper

C’était un cadeau de plus de ce fes­ti­val. Des moments de res­pi­ra­tion, de pause pour regar­der l’état de la chan­son. Fort heu­reu­se­ment on a peu enten­du – un petit peu quand même – les sem­pi­ter­nelles jéré­miades sur le désa­mour pour la Chan­son. C’est aujourd’hui avec Hélène Haze­ra que les pen­dules ont été remises à l’heure, si tou­te­fois elles avaient vrai­ment besoin de l’être. Quelques savou­reuses anec­dotes jubi­la­toires démontrent assez faci­le­ment que l’univers de la chan­son est peu recom­man­dable, voire mor­ti­fère au sens strict du mot – depuis belle lurette… Chan­son, ton uni­vers impi­toyable ! Et Hélène Haze­ra de conclure qu’elle a beau­coup d’admiration pour ceux qui cherchent à en vivre, ce qui lui vaut des applau­dis­se­ments. Par contre per­sonne ne relè­ve­ra qu’elle pour­suit en expri­mant sa pré­di­lec­tion pour les ama­teurs, regret­tant qu’il n’y en ait pas davantage.

Il est déjà 11h 10… plus le temps d’en débattre. Dom­mage, non ? Comme on aurait aimé pour­suivre l’échange sur cette ques­tion du sta­tut de chanteur.

Ces ren­contres ont fait un détour par la chan­son d’hier. Comme c’était bon d’écouter le paro­lier Fran­çois Der­quenne, d’apprendre com­ment s’est tis­sé autour de lui tout un réseau de chan­teurs pour les­quels il a écrit, sou­li­gnant par là qu’il n’est pas néces­saire d’être auteur- com­po­si­teur- inter­prète pour chan­ter. A lui seul il repré­sente tout un pan de notre patri­moine. Avec Mat­thias Vin­ce­not on s’est attar­dé évi­dem­ment sur cette réa­li­té bien fran­çaise qui tisse des liens étroits entre poé­sie et chan­son. Aujourd’hui Hélène Haze­ra en parle aus­si abon­dam­ment et en sou­hai­te­rait bien davan­tage encore. Cécile Pré­vost-Tho­mas a témoi­gné de l’intérêt d’étudier la por­tée socio­lo­gique de la Chan­son. Elle nous apprend que des uni­ver­si­taires s’y penchent et regardent bien de ses aspects : Mythes, His­toire, Ter­ri­toire fran­co­phone… C’est l’occasion d’évoquer les dif­fé­rences de pra­tiques entre le vieux conti­nent et le Qué­bec par exemple. Oublie­rait-on en France de chan­ter ? Aurions –nous défi­ni­ti­ve­ment per­du ce que Bar­ba­ra décrit avec nos­tal­gie dans ses Mémoires, évo­quant les années 30 – 40 : « En ce temps là on chan­tait par­tout, tout le temps » ? On se met alors à échan­ger sur tous les petits lieux, ces lieux de proxi­mi­té qui se créent par­tout. Les lieux ins­ti­tu­tion­nels ne veulent plus ou ne peuvent plus pro­gram­mer de chan­sons ? Hé bien, qu’à cela ne tienne, inven­tons des ren­dez-vous, au plus près du public. C’est ce que dit Wal­ly qui témoigne de cette ten­dance d’aujourd’hui. Avec enthou­siasme, pas­sion il évoque son expé­rience en Avey­ron. D’autres témoi­gnages, tout aus­si inté­res­sants sui­vront. Des regrets aus­si au moment de sou­li­gner le rôle des poli­tiques cultu­relles, l’importance des élus locaux.

Citons à nou­veau Hélène Haze­ra qui affirme que la chan­son c’est impor­tant, très impor­tant. D’ailleurs c’est à elle qu’on s’en prend, dit-elle, quand on veut bâillon­ner la pen­sée. Elle-même reçut des consignes d’autocensure de Jean-Louis Foul­quier au moment de la guerre du Golf. Lorsque l’on se bat pour la chan­son, on ne se bat pas pour rien. Et de citer Pré­vert « Les véri­tables chan­sons contre la guerre, ce sont les chan­sons d’amour. »

Ces ren­dez-vous per­mettent aus­si de se poser la ques­tion du « genre », des caté­go­ries, notam­ment autour du spec­tacle pro­po­sé par Wal­ly & Vincent Roca et plus tard dans le fes­ti­val, autour du concert de Med­hi Krü­ger. Chan­son ? Pas chan­son ? Il semble y avoir un consen­sus pour dire qu’il fau­drait se défaire des éti­quettes, sur­tout lorsqu’elles écartent le public d’un spec­tacle qui l’aurait peut-être enchan­té. Bien enten­du on en pro­fite pour par­ler d’indispensable ouver­ture vers les expres­sions mino­ri­taires, de mixi­té, de métis­sage. Jean-Claude Barens confirme que c’est bien là son inten­tion. Bar­jac se doit de tendre des pas­se­relles entre hier et demain.

Bar­jac 2016, ce n’est certes pas une révo­lu­tion mais ce sont d’indéniables avan­cées vers la Chan­son d’aujourd’hui et de demain, dans sa diver­si­té, sa richesse. Les ren­contres de 11h11 ont été des temps forts pour en prendre la mesure.