Corentin Grellier – Casse-croûte, 2022 (© 22h04)
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6 octobre 2022 – Ça va la vie, ça vient, ça valse…
De clip en clip #20
Avec
Corentin Grellier, Casse-Croûte (paroles et musique Corentin Grellier) – extrait du nouvel album De Plumes et d’Os à paraître bientôt. Réalisation 22h04
Maud Lübeck, L’éternité (paroles et musique Maud Lübeck) – album, 1988, Chronique d’un adieu, sorti le 11 février 2022. Réalisation et montage Dounia Sichov
Turquoise M /, 15 ans plus tard (paroles et musique Turquoise M) – extrait du premier EP, En préparation, à paraître en 2023. Coréalisation Turquoise M, Maxime Manenc, Jorane Rest
Bancal Chéri / Dimoné, Roland Bourbon, Imbert Imbert et Nicolas Jules, Plein été (paroles musique coécrites par Bancal Chéri) – extrait de l’album Tokoto à paraitre le 18 novembre 2022. Réalisation Justine Thévenin
La vie chavire
Ça boîte ça rime
Ça se défile
Et casse
La vie ça brille
Parfois ça sent-
-iments la vanille
Casse-croûte Corentin Grellier
On ne saurait trop vous conseiller d’aller écouter Corentin Grellier dans son « sept têtes » vertigineux où trompette et clarinette font la fête à la contrebasse, aux guitares et à l’accordéon… Vous y verrez un Corentin valser la vie qui va… A défaut, et en attendant, vous allez pouvoir regarder ce clip Casse-croute, tout juste apparu sur nos écrans, un avant-goût d’un album à venir très bientôt De plumes et d’os. Vous l’aurez deviné, les chansons chantent ce troublant mélange, parfois au goût amer ou doucereux – c’est selon – qu’impose la vie… Pour le mettre en images, toute une joyeuse bande est montée au-dessus de Toulouse un jour de ciel bleu et de petits nuages blancs qui se promènent indifférents et parfois même disparaissent… Jusqu’au ciel qui s’embrase là-haut quand le soleil se couche, jusqu’à la nuit… C’est sur un banc tout rouge que tout se déroule sous les yeux du chanteur… C’est là que ça se passe, que ça défile, avec la ville en bas qui s’en bat l’œil : le solitaire et son bouquet qui ne tardera pas à faner, d’autres solitaires encore. Ça tricote, ça lit, ça grignote, ça ne fait rien du tout. Un père et deux enfants qui virevoltent autour, une danseuse, un accordéoniste, des ados branchés à leur Smartphone, un couple qui attend un enfant, celui qui vit son ixième dispute, celui qui s’embrasse à bouche que veux tu sur fond de cuivres… Voilà, ils sont tous là, et la nuit tombée, sur fond de ciel tout noir, ils danseront… La vie ça vient, ça valse…
La vie casse aussi, la vie ça pleure parfois, et pour toute une éternité… Et c’est ce que nous propose dans son dernier clip, Maud Lübeck qui sera le 17 octobre au Café de la danse. Empruntant à ces mots anglais qui nous deviennent familiers – et notons que ce n’est pas nouveau ! – cette chanson, ce clip, énoncent cette terrible évidence. Certains de nos chagrins, de nos deuils, quoi qu’on fasse, ne passent pas C’est pas que de la déprime /Pas que du spleen, pas du passager /C’est pas du small, pas du slim /Pas qu’un sale moment à passer /C’est son nom effacé… Ce nom, c’est celui de celle qui disparaît un jour de 1988, « c’est mon cœur arraché » et « ça résonne comme une bombe »… pour l’éternité et qui donne à cet album ce ton déchirant très remarqué : 1988, chroniques d’un adieu. Dans ce clip tout se passe dans une cabine de photomaton bizarrement posée contre un mur où grimpe un lierre. La chanteuse s’y installe, appuie sur le bouton rouge. Son image apparaît chantant dans le miroir. Elle prend la pose, sourit, chausse des lunettes noires, fume… La caméra s’attarde un instant sur les baskets blanches qui battent la mesure avant que n’apparaisse une succession de photos du passé… Une main vient alors se poser rassurante sur sa joue… Les photos défilent et ce n’est plus seulement une main qui vient consoler mais une tête, une chevelure, un buste, qui se posent sur l’épaule. L’instant d’après, cette apparition a disparu quand la chanteuse s’en vient chercher à l’extérieur le tirage des photos et que défilent, superposés à nouveau, les fantômes du passé…
Avec 15 ans plus tard de Turquoise M., comédienne, danseuse, aujourd’hui lancée dans l’aventure de la chanson accompagnée au piano, on ne s’éloigne guère des rives escarpées du deuil mais cette fois il nourrit l’espérance, l’envie de vivre, de se sentir vivante. C’est à son père disparu qu’elle s’adresse « Depuis que t’es mort tout est deux fois plus fort tout est devenu puissant dans mon corps … » Dans le texte de cette chanson, un hymne à la vie adressé à tous ceux que meurtrissent les épreuves, comme « une urgence dans le sang », il est beaucoup question du corps. Quoi de plus naturel pour une danseuse ? Alors voilà, ce deuil et cette soif de vivre, Turquoise M. les danse… Une longue silhouette de femme en gris-bleu nous apparaît de dos, sur une côte escarpée face à la mer. Le ciel et l’eau semblent se confondre. Sur les premiers mots portés par une voix douce et jeune, lentement la caméra se rapproche jusqu’à révéler les cheveux simplement noués sur la nuque, le dos nu, les bras qui amorcent leur mouvement de danse… Très vite alors viennent s’insérer des images colorées d’une enfance, semblables à celles d’une caméra super 8… La danse se poursuit, aérienne, légère, comme celle de l’enfant dans sa petite robe blanche, entrecoupée de gros plans sur la roche, la végétation, l’eau… Maintenant les cheveux sont lâchés, libres, le regard de la danseuse –chanteuse sont du même bleu que sa robe avant qu’elle n’apparaisse en contre jour, sur un ciel chargé de nuages, avant que la caméra ne suive sa course sur le sable au-devant des flots et que s’imposent des images apaisées où s’incruste le visage du père avec son enfant… « Quinze ans plus tard enfin, je le dis, quand je pense à ton départ je souris… »
Avec le clip de Bancal Chéri, ce quartet qui réunit Dimoné, Roland Bourbon, Imbert Imbert et Nicolas Jules nous sommes certains de ne pas nous prendre trop au sérieux dans cette vie où, comme nous l’avons bien vu, tout et son contraire peuvent advenir… et parfois en même temps… Pour mieux souligner ces invraisemblances, voici les quatre complices dans la neige… en Plein été ! C’est dans le titre de l’album à venir, Tokoto, et les définitions qu’ils nous en proposent que l’on peut en dénicher la justification, par exemple avec celle-ci « Le Tokoto est la communion philosophique de quatre personnes du même sexe portant sur la désinvolture face à l’absurdité du monde et représenté par un infime haussement du coin de la lèvre. » Le Tokoto c’est la neige en plein été quand « à la radio le vieux présentateur vedette /nous dit combien le monde est laid /avant d’envoyer la varièt… » quand « Le ciel est trop bleu /pour me cacher mes idées noires ».
Dans le silence on voit d’abord arriver nos quatre complices au bout d’un chemin dans la neige… Sur fond de guitare, peu à peu on distingue le groupe hétéroclite, leur drôle d’accoutrement. Changement de plan, c’est le bas d’un pantalon bleu, et les pas dans la neige à la queue leu leu… Quand la voix de Nicolas Jules s’élève, les voici dans un plan d’ensemble, chacun posté près d’un bouquet de résineux. A droite devant, c’est Nicolas. Puis chacun nous apparaît en plan rapproché, Imbert Imbert affublé d’une couronne ‑de feuillage ? – Nicolas d’une toque de fourrure, Dimoné de plumes indiennes, et, en guise de monocle, d’une plume de paon – notons la chemise blanche et la cravate d’un chic accompli ! – enfin le zoom sur Roland Bourbon nous révèle un faciès légèrement menaçant surmonté d’une toque de fourrure… Ils sont presque figés là, statufiés dans la neige, à écouter Nicolas leur chanter, sur fond de guitare et de synthés, ses amours mal fichus… « Tu me quittes un moment /et puis tu me quittes à perpèt… De tes baisers je sens encore les dents… » Alors ils chantent avec lui… Ok, ok… et reprennent leur promenade faussement innocente, s’arrêtent auprès d’un arbre mort et chantent, désinvoltes, en chœur… Le clip et la chanson se referment sur le crissement de leurs pas dans la neige, leur marche de dos, face au soleil déclinant…
Peut-être s’en vont-ils nous préparer l’illustration de cette autre définition du Tokoto « le passage initiatique d’un groupe d’hommes d’âge mûr vers un deuxième âge mûr, consistant à remuer les bras frénétiquement en descendant le canal du midi sur une embarcation précaire sans tomber » ? Allez savoir, dans ce monde décidément bancal !