Toma Roche, Flamarens 2015 (© Claude Fèvre)

Toma Roche, Fla­ma­rens 2015 (© Claude Fèvre)

7 août 2015 – Les Musi­cales de Fla­ma­rens 2015

Pre­mière par­tie, en par­te­na­riat avec La manu­fac­ture Chan­son (Paris) : Toma Roche & The Ladybirds

Avec Toma Roche (textes et voix), Nico­las Fabre (cla­viers), Mat­thieu Sineau (basse) et Son­ny Troupe (bat­te­rie)


Châ­teau de Fla­ma­rens (Gers)

Un son­dage rapide nous avait confir­mé que le groupe atten­du crée­rait néces­sai­re­ment la sur­prise… bonne ou mau­vaise, mais la sur­prise, puisque per­sonne ne le connais­sait hor­mis les auteurs de la pro­gram­ma­tion. De quoi titiller l’ardeur d’un chro­ni­queur de NosEn­chan­teurs.

Pour cette deuxième soi­rée, Les musi­cales de Fla­ma­rens se sont rap­pro­chées de La manu­fac­ture Chan­son. Très per­ti­nent, a prio­ri, sauf que le par­te­na­riat de la pré­cé­dente édi­tion avait déçu, voire aga­cé. Il avait lais­sé le désa­gréable sen­ti­ment que le monde pari­sien de la Chan­son s’était un peu moqué de la Lomagne ! Lomagne ? Vous avez dit Lomagne ?

Le public est sen­si­ble­ment moins nom­breux qu’hier. Ni Toma Roche ni Bru­no Gut qui vient ensuite ne peuvent riva­li­ser avec Jean Fer­rat ! Mais cha­cun ici assume serei­ne­ment la prise de risques. On veut de la Chan­son, toute la chan­son : celle d’hier que l’on est qua­si cer­tain d’aimer réen­tendre, comme celle aujourd’hui. Et pour­quoi pas celle de demain ?

Voi­ci donc Toma Roche, très long, très mince dans un cos­tume noir étri­qué, façon Dutronc ! Il inter­pelle le spec­ta­teur dans une franche bonne humeur pen­dant que s’installent les musi­ciens où n’apparaît pas l’ombre d’une lady. Un trio cla­vier, basse, bat­te­rie qui s’avérera remar­qua­ble­ment effi­cace, réga­le­ra notre goût pour le jazz. En résu­mé, on sera com­blé et le titre annon­cé s’impose donc ; il s’agit bien de deux – voire davan­tage ! – concerts en un : Toma Roche & The Lady­birds !

Toma se jette d’abord en avant-scène dans une impro­vi­sa­tion non sans risque, mais qui lui vaut de faire la démons­tra­tion de son talent de comé­dien, impro­vi­sa­teur, sla­meur, ce qu’il est tout à la fois. Mais quand il rejoint ses cama­rades de jeu c’est pour nous dis­til­ler quelques textes trou­blants où les mots s’entremêlent, s’entrechoquent. Appa­raissent en ombres chi­noises des jambes fines gai­nées de soie, des corps nus. Puis bru­ta­le­ment, il pro­pose de s’offrir, de nous offrir, comme ça, pour rien… une minute d’ennui, qui sera bap­ti­sé par le public « ennui convi­vial ». Ins­tant jubi­la­toire sui­vi d’une chan­son bou­le­ver­sante : un texte aus­si sobre et effi­cace que son accom­pa­gne­ment et qui désigne un auteur de talent. « Ils étaient là quand j’ai gran­di /​Mais où ont-ils dis­pa­ru ?… Main­te­nant la pluie. » Et c’est ensuite Cen­drillon, la vraie his­toire « rouge sang », qui s’achève sur le vœu d’épouser un homme sans his­toire, un fabri­cant de mar­me­lade ! Toma Roche enchaîne ain­si les sur­prises, les « coqs à l’âne » : iro­nie d’une lettre « pour rendre hom­mage au monde de l’entreprise », humour style Dutronc jus­te­ment « Lais­sons les par­ler, bla bla, c’est leur dada… », appel qua­si phi­lo­so­phique à secouer notre apa­thie, « J’espère que je serai tou­jours ten­té… », impro­vi­sa­tion émou­vante offerte à « une lady » dans le public ou bien lec­ture de l’horoscope du jour… Jubi­la­toire, je vous le confirme. Et cette valse triste, celle d’une sépa­ra­tion, façon André Minvielle !

Toma Roche a plus d’un tour dans son sac, sac à malices, sac à trou­vailles, dès qu’il s‘agit du bon­heur d’être en scène et d’en jouer. « Homme-orchestre », il entend jouir de tout ce que la parole mariée aux notes peut s’offrir, et ses Lady­birds l’accompagnent si bien dans cette entre­prise ! On n’est pas sur­pris de décou­vrir sur son site que son deuxième pro­jet musi­cal, c’est pré­ci­sé­ment un groupe de jazz.

Un cadeau cette pre­mière par­tie dont il faut féli­ci­ter Art-Terre 32 et La manu­fac­ture Chan­son. Cadeau pour NosEn­chan­teurs aussi !

Bruno Gut, Flamarens 2015 (© Claude Fèvre)

BRUNO GUT, RECRÉATIONS DANS LA TEMPÊTE

Faut vous dire que le vent s’est levé sur la Lomagne, pla­cée en vigi­lance orange ! Faut vous dire que les tech­ni­ciens et orga­ni­sa­teurs ont les yeux levés vers le ciel ! Voi­ci donc un concert sous la menace.

Une belle for­ma­tion pour­tant et qua­si impro­vi­sée celle-là ! On apprend que Bru­no Gut, gui­ta­riste, pia­niste, chan­teur, venu en ami sur­tout, donne ce soir un concert inédit dont il ne sait lui-même s’il aura des len­de­mains pour chan­ter. Alors on ne peut qu’être indul­gent devant les imper­fec­tions : les yeux sur les textes, les attaques incer­taines, mais brillam­ment sau­vées par un cla­vier efficace.

La for­ma­tion cla­vier (Gérard Sal­mie­ri), basse (Nico­las Chel­ly), bat­te­rie (Jéré­my Novel­la) à laquelle s’ajoute Bru­no lui-même à la gui­tare élec­trique et au pia­no ne manque pas de panache, il faut le sou­li­gner. Du son, on en a ! Et l’on voit même le public se lan­cer pour dan­ser aux rythmes du reg­gae ou du bon vieux rock and roll. Bru­no glis­se­ra – timi­de­ment pour­rait-on dire – quelques créa­tions inti­mistes qui ne pou­vaient vrai­ment prendre leur envol dans la suc­ces­sion de ses reprises. Car de sa voix éton­nante, per­cu­tante, il s’attaque aux plus dif­fi­ciles. Bala­voine, Brel, Pol­na­reff et même John­ny ! Notons qu’il ne pla­gie pas, n’imite pas mais emporte les chan­sons les plus fami­lières dans son uni­vers avec une redou­table efficacité.

On ter­mine cette soi­rée légè­re­ment fri­go­ri­fié – c’est la loi du plein air ! – mais heu­reux que cette soi­rée ait encore sub­ti­le­ment entre­croi­sé décou­vertes et patri­moine de la chanson.

Article initialement publié sur le site Nos Enchanteurs :
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