François Buffaud – trio, Magali Michaut ‑Août 2021 (©Claude Fèvre)
18 Août 2021 : 1, 2, albums
Comme des artistes impressionnistes
Avec
Ici le temps n’a qu’une aiguille, sortie le 22 octobre 2021, François Buffaud – Trio, textes et musiques de François Buffaud (sauf Yserons-nous, texte de Frédéric Chignac et Les voyageurs, texte de Rémo Gary) – François Buffaud (guitares, chant), Sébastien Debard (pianos, accordéon, accordina, percussions) Philippe Parant (guitares, basses, batterie & percussions)- avec la participation de Simon Buffaud (contrebasse)
Impressionniste, Magali Michaut, sortie le 27 août 2021, textes & musiques, guitare, chant, chœurs, arrangements (sauf musique de Daniel Östersjö pour Du silence -Patrick Rydman, co-auteur et compositeur de Ma petite chanson parisienne – les paroles & musiques de Jean Ferrat dans La montagne, et celles de Georges Brassens dans Les copains d’abord ) Lars-Emil Riis (piano) Samuel Künstler (violoncelle), Niels Knudsen (basse électrique, contrebasse), Fredrik Rejle (guitares) Ayi Salomon (percussions), Zach Hachter (harpe), Arsen Petrosyan (Duduk), Fredrik Moth (clarinette), Brett Perkins ( chœurs)
« Je peins la vie et les saisons/je chante mes peines, mes frustrations /Par petites touches, comme un artiste /impressionniste de la chanson ».
Une sacrée fille cette Magali qui signe ce refrain et nous a soufflé l’envie de réunir ces deux chanteurs découverts au festival Barjac m’en Chante. On ne dira jamais assez qu’un festival, très au-delà de la programmation, est un espace exceptionnel de rencontres, de partages, de découvertes… François Buffaud était en scène sous le chapiteau du Pradet le 1er août, quant à Magali, elle vivait intensément sa place de jeune chanteuse – émergente s’il en est- se glissant sur la scène ouverte de minuit trente, profitant du marché des potiers pour s’installer guitare en bandoulière, près d’une amie de collège exposante, « retrouvée totalement par hasard », dit-elle, multipliant ici et là les coups de chapeau, de ce chapeau dont elle ne se dépare pas.
Regardez les pochettes de ces deux albums… Etonnant, non ? Les peintures originales de Benoît Souverbie, pour François Buffaud et son trio, pour sa chanson Vaugelas, pour ce vieux clocher de la Drôme qui scande un temps d’amour suspendu… celui d’un enfant à naître… De l’ocre, du gris, du rouge brun… La conception graphique de celui de Magali Michaut proposant de larges coups de pinceau d’un bleu gris, au plus près de la toile, celle où s’inscrit un monde à découvrir fait de sensations et d’émotions « impressionnistes »…
Commençons par François Buffaud, – le privilège de l’âge ! – qui depuis le début des années 2000 a fait place à sa vie de chansonnier, de « facteur de chansons » ainsi que le dit joliment Hervé Lapalud, celui qui a accompagné de son écoute bienveillante ce projet d’un quatrième album. Reconnaissons qu’il eût été dommage que ces chansons là ne parviennent pas jusqu’à nous, jusqu’à vous. Preuve aussi qu’il n’y a pas d’âge pour embrasser cette part intime de création.
Cet album là a de quoi réparer, rassurer dans ces temps obscurs qui nous assaillent. Il arrive à point nommé pour mettre au centre de soi quelques douceurs, habillées de l’accordéon de Sébastien Debard et des guitares de Philippe Parant, des mots qui s’adressent à l’Autre, l’ami, le frangin, l’amie, l’amante, la fille… Ceux et celles dont on pourrait dire pareillement : « La lumière de ton rire vient répondre à mes doutes » (Dis-moi, toi). Ceux et celles à qui l’on répète, « N’écoute pas l’air du temps, /va au-delà de tes peurs /Et même à contre-courant /Va où te mène ton cœur » (Le grand escalier). Ceux et celles qui nous laissent, mêmes disparus, même absents, la sensation d’un sable chaud au creux de la main, si doux à la peau… Ceux et celles, plus lointains, souvent des invisibles qui « ne savent jamais où poser leur voyage… où caser leur malheur… », ces « voyageurs » qui se cognent à nos frontières géographiques et mentales.
Des paysages affluent, du vent, de la pluie, la nuit, des embruns d’Irlande. On s’y arrête, on aspire le « parfum brulé des champs jaunis », on écoute « les sonnailles d’un troupeau », le décompte des heures, on s’accorde à penser : « On dit « fou d’amour » /Suis-je fou tout court ? » Et surtout l’on garde en soi quelques images, quelques tableaux comme celui de La robe rouge où va notre préférence parce qu’il répond à une consigne d’un atelier d’écriture d’Anne Sylvestre, « Des fleurs dans une boîte aux lettres », un été à Pourchères… Un atelier autour de celle qui échangeait à « vivre ouvert »…
Magali Michaut, de son côté, nous a concocté un premier album entre reprises – hommages sensibles, de Jean Ferrat et Georges Brassens, et créations où elle convoque des atmosphères très diverses. L’album s’ouvre sur une chanson folk, ancrée dans le réalisme du quotidien, dont on reprend très volontiers le refrain : « Je veux du calme /Je veux du silence… » Quand on connaît un tant soit peu de sa vie, on n’est pas surpris qu’ensuite elle chante le besoin de voyage, d’évasion, le refus d’une vie sclérosante, dans un blues où s’invite des cordes langoureuses… On perçoit alors très vite que cette jeune chanteuse a des ressources instrumentales à nous faire partager. On découvre au fil des titres, notamment le son du « duduk », hautbois caucasien, symbole de la musique arménienne, celui de la harpe, du violoncelle, de la clarinette… Autant d’arrangements pour nous transporter dans ses paysages intérieurs, où transparaissent la douleur de la perte, du vide « dans ma tête ça part en vrille /Les peurs enfouies me torpillent » autant que la paix d’un feu qui crépite, la chaleur d’un chocolat chaud … Et la joie d’une balade en bicyclette d’un étranger à Paris : « I’m feeling Frencher by the day, c’est chouette ! »
Il n’est sans doute pas vain de dire quelques mots de son histoire : brillante, elle l’est. Musicalement et scientifiquement. Diplômée de Supélec, violoniste dans des orchestres symphoniques (Paris, Cambridge, Toronto et Amsterdam) c’est encore entre ces deux pôles que se partagent ses jours. Elle débute une carrière solo sur les scènes néerlandaises où elle est très vite remarquée par l’Alliance Française de La Haye, ce qui lui offre de faire entendre ses chansons dans onze pays (Pays-Bas, Californie, Danemark, Suède, Allemagne, Estonie, Italie, France, Irlande, Groenland, Canada). Et c’est à Copenhague où elle réside maintenant, avec des musiciens danois, qu’elle a enregistré ses chansons, avec le soutien de son pays d’accueil. Remercions-la de ne pas s’être laissé totalement emporter par la langue anglaise, d’être cette jeune et joyeuse ambassadrice de la chanson francophone.
Laissons-lui les mots de conclusion, empruntés au bilan qu’elle fait de son séjour à Barjac, sur sa page FaceBook : « Je repars dans mon Danemark pas natal le cœur gonflé à bloc, les oreilles papillonnantes et des étoiles plein les yeux. »
Je suis heureux de suivre votre belle plume qui vole au souffle des passions, des rencontres… et aujourd’hui c’est notre univers qu’elle vient caresser alors je suis fier, je suis heureux !
Merci Claude Juliette !
Surtout j’ose enfin vous remercier de ce que vous faites pour nous tous tout au long de l’année. Je n’étais plus à Barjac quand vous avez exprimé votre amour la chanson mercredi à la bibliothèque, mais je lis cet amour dans vos publications tout au long de l’année.
Nous sommes vivants de beaux humains comme vous, vous qui savez mettre une majuscule à Chanson.
Comment ne pas être émue à la lecture d’un tel commentaire ? Merci, merci, merci !