Nicolas Jules – Le Yéti – 2021 (©Thibaut Derien)

Nico­las Jules – Le Yéti – 2021 (©Thi­baut Derien)

12 août 2021, Nou­vel album de Nico­las Jules

Le Yéti

Avec

Nico­las Jules (voix, cla­viers, uku­lé­lé, gui­tares, basse), Roland Bour­bon (bat­te­rie, per­cus­sions), Fré­dé­ric Jou­han­net (vio­lons) Nico­las Moro (dobro in 13) Dani Bouillard (gui­tare in 2, 12, 14, 16) Julie Ley­der (voix in 14, 16)


Aver­tis­se­ment : Ce texte ne sau­rait pas­ser pour une chro­nique. C’est une pure fic­tion, un jeu d’écriture où se trouvent insé­rés en carac­tères gras les 17 titres de l’album de Nico­las Jules et quelques mots ou expres­sions, emprun­tés ici ou là aux textes.

1.Mort aux pho­to­co­pieuses 2. Records 3. Per­du 4. Radio yéti 5. Ne pas comp­ter 6. Le yéti voyage 7. Inco­gni­to 8. Le tram­way jaune 9. Mort et résur­rec­tion du yéti 10. Tutu 11. lavo­ma­tic 12. La fian­cée du yéti 13. fuir14. Pays de cendre 15. Scalp de yéti 16. Ta colère 17. Le yéti de la sier­ra madre

Si tu veux de l’aventure

Il ne sau­ra jamais com­ment ni pour­quoi lui est venue un jour l’idée de des­si­ner ce per­son­nage qui allait l’envoyer en l’air. Oui, en l’air. Bien au- delà de tout ce qui est seule­ment ima­gi­nable à l’échelle d’une vie de ter­rien dans un pays de cendre.

Par contre il se sou­vient clai­re­ment de l’instant où l’idée fit irrup­tion. Il se trou­vait au lavo­ma­tic où ses idées tour­naient avec les che­mises, les chaus­settes et le savon. Il avait sor­ti de sa poche, par ennui, ce car­net usé où atter­ris­saient des idées sans suite, des sen­sa­tions, des listes de mots… « Filer à cent à l’heure /​filer à l’anglaise /​go on baby go on… Ton cor­sage /​Tes sou­liers /​Ta colère… » Sou­dain il avait grif­fon­né avec un crayon noir la neige et puis ce bon­homme hir­sute était appa­ru. Il avait écrit des­sous : « Le yéti de la sier­ra madre », ça son­nait bien.

Et voi­là, c’est aus­si simple que ça. De retour chez lui, il s’était mis à des­si­ner sans plus regar­der les heures. Cet ins­tant déci­dait du reste de sa vie. Il ne le savait pas.

On lui avait tou­jours dit : « Si tu veux de l’aventure, com­mence par ouvrir ta porte, reste pas à l’abri. »

Cette fois, il avait pris son cou­rage à deux mains, lui, l’invisible, le per­du, le pauvre type remi­sé au pla­card du ser­vice comp­table, qui rêvait de bran­dir un jour une pan­carte : « Mort aux pho­to­co­pieuses ! » Une petite voix inté­rieure lui souf­flait : Ne pas comp­ter sur la chance, viser haut, viser le soleil !

Il osa enfin. Plus de mur !

Le pre­mier volume de la série Le Yéti parut sous un pseu­do­nyme. C’était comme dans un rêve. Il bat­tit aus­si­tôt des records de vente.

Quand il pre­nait le tram­way jaune 51 qui le menait au quo­ti­dien d’un sans grade, il voyait défi­ler par la fenêtre toute ses envies de dis­pa­raître. Il se disait : « J’ai de l’imagination à revendre, mais je ne tiens pas à m’enrichir. »

C’est qu’il ne lui vint jamais l’aspiration de fuir, même quand le suc­cès des autres volumes aurait pu l’inviter à tout dévoi­ler. Radio yéti, Le yéti voyage inco­gni­to – il était par­ti­cu­liè­re­ment heu­reux de ce titre là – Mort et résur­rec­tion du yéti – il avait été ten­té d’en finir avec ce per­son­nage encom­brant – Scalp de yéti – et puis, et puis… La fian­cée du yéti … Ce volume là, il aurait pu le sous-titrer, Tu tues /​ Tutu car il y avait trans­cen­dé un amour qui n’en finis­sait pas de mou­rir. Belle, elle était belle comme un oiseau. Il lui aurait fal­lu ses yeux pour voir comme elle était belle…

L’auteur chan­ceux de la série Le Yéti n’apparut jamais en pho­to, encore moins sur les écrans. Il n’accepta aucune récom­pense. Il aurait été capable de se cacher der­rière un tronc d’arbre, un poteau élec­trique plu­tôt de se mon­trer tel qu’il était.

Il aura tou­jours pré­fé­ré sa vie de chien mouillé à une gloire chimérique.