Garance–Bleu– 2021 (©David Desreumaux)
05 septembre 2021, En écho au nouvel l’album live de Garance, sorti le 3 septembre 2021
Bleu
Avec
Garance Bauhain (textes et musiques, guitare acoustique, voix), Daniel Jea (guitare électrique, chœurs), Gabriel Le Masne (batterie, claviers, chœurs)
Avertissement : Ce texte ne saurait passer pour une chronique. C’est une pure fiction, un jeu d’écriture où se trouvent insérés en caractères gras les 21 titres de l’album et quelques mots, expressions, empruntés ici ou là aux chansons.
- Bleu 2. Debout dans sa cuisine 3. J’te l’dis tout d’suite 4. Prends-moi 5. La mer 6. Aller vivre dans un bois 7. Prends les coups 8. J’hiberne 9. Zagreb 10. C’est fou 11.Digue nord 12. Pas d’accord 13. Comme on parle aux fontaines 14. Jour de poisse 15. Solitude 16. Lettre d’amour 1. Ta tasse de thé 18. Costume 19. Des montagnes 20. Toi tu es Bleu 21. Sœurs
Laissez-moi juste ce prélude
On dira qu’elle s’appelle Margaux, ou bien Lily, Clémence ou Zoé, qu’elle a l’envie de vivre et d’aimer à fleur de cœur et de peau. Une frangine, tout de bon.
On dira qu’elle est plutôt jolie, enfin, surtout quand ses jours veulent bien virer au bleu, le bleu de la mer, le bleu du ciel. Celui qu’elle coloriait toute petite au dessus d’une maison au toit rouge avec sa cheminée qui fume. Elle y plantait un gros soleil jaune, lui mettait plein de rayons et tendait alors fièrement son chef d’œuvre à sa mère debout dans la cuisine, les mains dans la farine ou sur le fer à repasser.
Très tôt elle avait compris. Pas d’accord, oh ça non, pas d’accord pour suivre cette route là ! Une petite voix lui chuchotait : « J’te l’dis tout d’suite, j’te l’dis maintenant, j’ai le cœur qui explose ! » Et ce cœur d’enfant avait de la suite dans les idées. Alors elle s’est habituée au cortège sur ses talons, des mots qui la suivaient comme son ombre : indisciplinée, têtue, insoumise, rebelle. Avec deux ailes !
Le temps des amours, inévitablement, se pointa. Elle se croyait solidement armée, protégée, surtout du pire ! Plutôt la solitude, plutôt aller vivre dans un bois, se cacher dans les grands arbres, tutoyer les abeilles et les papillons, que de subir la loi d’un homme ! Quand il débarqua sans crier gare, lui, le grand blond aux yeux bleus d’acier, l’évadé, le guerrier de l’Est, quand elle s’égara dans ses mots, même maladroits, elle vit surgir sa ville natale, ses rues, ses églises : Zagreb, la ville haute, la ville basse… En un mot comme en cent, elle l’aima. Patiemment elle se mit à lui coudre un costume à la mesure de ses rêves.
C’est fou !
Ce qui devait arriver, arriva. Les beaux principes, les grands discours, tout vola en éclats : digue Nord, digue Sud. Tout ! Elle s’entendit dire « Prends –moi », l’écrivit même dans une lettre d’amour. Elle déversa : « Toi, tu es Bleu, du bleu de la mer, du bleu du ciel… »
Le prince charmant était en toc. Le cheval une vieille rosse. L’épée en fer blanc…
Un jour de poisse, un soir funeste, un soir de verres de trop, les coups ont plu sur elle. « Prends les coups ». Elle s’est recroquevillée, toute petite, sur le plancher. Elle s’imaginait cracher de l’encre noire pour disparaître. La petite voix disait : « Avant je voyais le bleu, Maman… »
Maintenant c’est aux petites sœurs, aux frangines pour de bon de l’arracher à son enfer, de l’aider à déplacer des montagnes de honte et de peur, à retrouver des soirées bien en vie. Elle les entendra dire : « Tu verras, tu verseras dans ta tasse de thé tout ce que tu gardes en toi de sucré ».
On la verra bientôt se tenir droite sous le bleu du ciel. Elle nous dira : « Je m’adresse à vous comme on parle aux fontaines.
Accordez-moi cette accalmie.
J’hiberne.
C’est que l’automne a été rude.
Laissez-moi juste ce prélude. »