Florent Richard & Roland Romanelli– Le Grand Blond et l’accordéoniste 2019 (© Droits Réservés)

Florent Richard & Roland Roma­nel­li– Le Grand Blond et l’accordéoniste 2019 (© Droits Réservés)

29 juin 2019, 4ème album de Florent Richard – sor­tie offi­cielle le 17 mai 2019

Le Grand Blond et l’Accordéoniste

Avec

Florent Richard (pia­no, chant) & Roland Roma­nel­li (accor­déon)

Musiques : Florent Richard sauf titre 5 Florent Richard/​Phil Greiss

Paroles : Florent Richard sauf titre 2 Florent Richard/​Ayme­ric

Mazau­dier, titre 5 Pierre Marie/​Phil Greiss, titres 8, 9, 10 Pierre Chazal, titre 11 Pierre Cha­zal/​Florent Richard


Il a donc fal­lu trois pré­cé­dents albums et quelques semaines encore depuis la paru­tion de ce der­nier pour que le nom de Florent Richard, sa belle voix grave par­viennent jusqu’à nous. On avoue volon­tiers que le titre en forme de clin d’œil à un autre Grand Blond res­té dans nos mémoires n’est pas étran­ger à notre inté­rêt sou­dain, sans par­ler du nom même de Roland Roma­nel­li. Mais plus encore, le gra­phisme de la pochette et de la cou­ver­ture du livret sont une invi­ta­tion à une décou­verte artis­tique, humaine et ins­tru­men­tale : Florent et Roland, pia­no et accor­déon assem­blés. L’un répon­dant à l’autre, pro­lon­geant l’autre… Une fusion instrumentale.

Et c’est exac­te­ment ce que l’écoute de cet album nous offre. Dès le pre­mier titre, c’est un pia­no sau­tillant qui vous cueille et très vite l’accordéon l’entoure de ses vrilles ver­ti­gi­neuses. Et même si le texte pour­rait avoir quelque chose du règle­ment de compte, du regard acide sur une amou­reuse soup­çon­née de vaga­bon­dage « Je le décou­vri­rai un jour /​A qui tu donnes ta bouche /​Tes bai­sers un peu trop courts /​Ont un goût assez louche… », on se laisse volon­tiers empor­ter par la valse. Le second titre et ses inter­ro­ga­tions phi­lo­so­phiques ne com­pro­mettent en rien cette envie de croire à l’énergie vitale qui se dégage de la musique. C’est un lan­gage clair : le tour­billon de la vie aura rai­son de ces ques­tions d’un « pen­seur de comp­toir ». L’auteur use volon­tiers de l’indispensable auto­dé­ri­sion, même si l’on sait par ailleurs qu’il avoue être un rêveur, un contem­pla­tif, peu adap­té à notre époque.

Quand il aborde des thèmes un tant soit peu empreints de solen­ni­té ou de gra­vi­té, l’écriture marque une dis­tance, un recul… C’est là la marque d’un vrai tra­vail d’artisan, d’artiste… Ain­si l’humour affleure pour s’adresser à l’enfant qui ne veut pas dor­mir – on ne croit pas une seconde aux menaces ter­ri­fiantes – ou pour faire le récit d’une ren­contre vénale qui tourne court « J’ai fini la nuit seul, dans ma chambre en bor­del /J’ai ran­gé la vais­selle et j’ai mis Bee­tho­ven… C’était une pros­ti­pute /​Pros­ti­pa­té­ti­pute »… Pour dénon­cer les « requins blancs » qui dépouillent « les néces­si­teux » il emprunte au fan­tas­tique et le pia­no se fait sou­dain sombre et mena­çant … La chan­son ose même un clin d’œil à Bar­ba­ra « Dis l’oiseau /​/​Ho dis, emmène moi /​Retournons /​Aux règles d’autrefois /​Loin de Jekyll Island… » Quant à cette divi­ni­té qui de là-haut régi­rait, paraît-il, nos vies, il n’hésite pas à l’apostropher « Toi là-haut dans le ciel /​Notre père l’éternel /​Yen a qui disent en bas que tu n’es plus le boss » avec pour accom­pa­gne­ment une ritour­nelle presqu’enfantine qui trouve son déve­lop­pe­ment dans un titre ins­tru­men­tal Gran­deur et déca­dence. Il appelle à juste titre les bra­vos enthou­siastes du public. C’est dire si le dis­cours est sans ambigüi­té. Car la musique et la joie de jouer l’emporte inévi­ta­ble­ment chez cet ins­tru­men­tiste qui n’a pas man­qué d’expériences, de scènes, avant de vivre ce duo d’exception… La chan­son Place à l’art en offre un savou­reux conden­sé sur des arran­ge­ments très swing où l’on ima­gi­ne­rait volon­tiers voir dan­ser les gar­çonnes des années vingt.

On retien­dra dans cet album le texte de Pierre Cha­zal, titre superbe accor­dé à Arthur Rim­baud et le lyrisme ins­tru­men­tal qui pro­longe ces mots adres­sés au poète : « Sau­ras-tu nous dire en quelques mots ce qu’illumine /​Ton âme fra­gile et tes bles­sures orphe­lines /​Et sau­ras-tu gué­rir de tous ces maux que tu rumines /​Âme fra­gile ce sont tes mots qui t’assassinent. » On ne croit pas un seul ins­tant que, sur le che­min de la vie, Florent Richard fini­ra un jour par reve­nir aux réa­li­tés, par s’habituer à la « concré­ti­tude », qu’il ces­se­ra de « décro­cher ». On reste confiant, il sera comme le petit Romain de sa chan­son, cet enfant de la ville capable de voir flot­ter des îles, de prendre la mer… Et sur­tout de ne plus avoir peur de se noyer !