Guilhem Valayé & Valérian Renault – Le Bijou (© René Pagès)

Guil­hem Valayé & Valé­rian Renault – Le Bijou (© René Pagès)

17 novembre 2016 – Concerts de Guilhem Valayé & Valérian Renault

avec Guil­hem Valayé (gui­tare, chant) et Valé­rian Renault (gui­tare élec­trique, chant)

Le Bijou (Toulouse)

« Il pleut /​Sur le jar­din, sur le rivage /​Et si j’ai de l’eau dans les yeux /​C’est qu’il me pleut /​Sur le visage. »

A cha­cun ses repères, ses pay­sages d’âme cha­grine. C’est Anne Van­der­love qui nous rap­pelle ce matin à nos sou­ve­nirs dans ce matin de ciel si bas et de branches qui se dénudent. Guil­hem Valayé et Valé­rian Renault, cha­cun leur tour puis ensemble, ont des­si­né hier soir, ce vague à l’âme, ce blues mélan­co­lique. Ce que d’autres, ailleurs, un peu plus au Sud nom­me­raient duende dans le cante fla­men­co ou sau­dade dans le fado por­tu­gais, pour évo­quer cette part pro­fonde de l’être humain qui se fait musique et chant.

On connais­sait bien ce spleen de Valé­rian Renault, on décou­vrait celui de Guil­hem Valayé dont le visage et la voix superbe nous avaient émue, il n’y a pas si long­temps, dans une émis­sion télé­vi­sée dont il tai­ra même le nom… Cer­tains, plus aver­tis, l’ont vu aus­si avec son groupe Trois minutes sur mer. Autre point com­mun avec Valé­rian Renault qui fut d’abord le chan­teur des Ven­deurs d’enclumes. Cha­cun s’en est allé ain­si en soli­taire, gui­tare en mains, comme pour mieux se confron­ter peut-être à soi-même et au public…

Mais on note­ra que ces par­tages, ces ren­contres comme ce soir ont de quoi nous enchan­ter. Le monde est si rude autour d’eux, autour de nous, que l’on devine comme un besoin de rompre l’exil de la scène en solo. D’ailleurs le concert s’achèvera sur la pro­messe d’un ren­dez-vous du prin­temps – Ô le joli moi de mai en pers­pec­tive ! – où le pro­jet Cinq ver­ra réunis ces deux musi­ciens de ce soir avec Imbert Imbert, Chloé Lacan et Nico­las Jules. Pro­messe d’un grand moment de chansons !

Mais reve­nons à ce concert d’hier soir. Guil­hem Valayé nous offre l’image d’un bel homme blond, élé­gant et racé et s’il ferme les yeux de temps à autre, se met à psal­mo­dier, comme en repli sur ses émo­tions, c’est ensuite pour mieux nous reve­nir sou­riant et pudique. Il avoue n’avoir ni pro­mo­tion, ni disque nou­veau, sim­ple­ment le goût de venir nous voir et de nous offrir, fra­gile, quelques unes de ses nou­velles chan­sons… On retien­dra des accents de gui­tare, une voix, qui nous emmènent auprès de « folk sin­gers » d’outre atlan­tique, ceux qui ont chan­té comme lui leurs « manques à la pelle », leur fatigue de vivre, les pay­sages qui curieu­se­ment se mettent à l’unisson car « Il pleut aus­si dehors… c’est le même son qui ne peut pas sor­tir » les départs « Je suis déjà loin, ne m’en veux pas », ces sen­sa­tions de poids sur le cœur, sur la poi­trine …comme une enclume ( !) et sur­tout la soif inex­tin­guible de chan­ter « Je chan­te­rai dans le noir pour que plus rien nous abîme ». Avant que ne vienne Valé­rian Renault, comme un frère, un double, il nous lance : « Pre­nez soin de vos bous­soles ! Salut ! »

Nous avons sou­vent dit la force téné­breuse, la voix unique et la pré­sence géné­reuse de Valé­rian Renault. Ce soir, contraint par ce co-pla­teau, il a limi­té le temps de parole entre les chan­sons, et c’est plu­tôt bien même s’il s’efforce par là , nous le savons, de nous tendre des pas­se­relles légères. Car bien enten­du ses textes sont déchi­rants et c’est aus­si ce que nous aimons. On retrouve avec émo­tion et un plai­sir tou­jours renou­ve­lés, sa  joueuse et sa réponse « Tu ver­ras qu’ici, cha­cun son prin­temps », l’érotisme déli­cat de T’es belle, la dédi­cace à l’enfance en enfer, – texte majeur – la fan­tai­sie de Petite Val­lée, échap­pée dans le sou­ve­nir d’une scène en Gas­pé­sie, au théâtre de la Vieille forge (clin d’œil du hasard ?).

Avec Valé­rian on sait que « la vie est moche quand on l’approche d’un peu trop près. Oui, mais c’est la vie… » Et la vie c’est aus­si « un peu de bleu et de satin ».

On ter­mi­ne­ra en disant que lorsque ces deux chan­teurs se réunissent en scène, c’est car­ré­ment du bon­heur… On aurait volon­tiers pro­lon­gé ce plai­sir là… On atten­dait La mon­tal­ba­naise de Valé­rian Renault, nous l’avons eue dans un duo effi­cace avant de l’entendre dans une « chan­son sal­va­trice » La ten­dresse de Bourvil.

Un peu de bleu et de satin sur nos joues.