Éric Frasiak – Sous mon chapeau (© Éric Frasiak)
15 novembre 2016 – sortie du 7e album d’Éric Frasiak
avec Eric Frasiak, paroles, musiques, arrangements – quinze musiciens et choristes,
avec la participation de Jérémie Bossone
Si l’on peut regretter parfois que la chanson d’aujourd’hui tourne en rond autour du nombril de son auteur, on peut dare dare écouter le tout nouvel album d’Éric Frasiak. En voilà un qui garde grand ouverts ses yeux sur le monde, sur les autres quitte à en souffrir souvent. Car avant tout il est humain. Il nous le chante dans la douzième chanson de ce nouvel opus, une chanson de combat et d’espérance dédiée aux victimes de la barbarie à laquelle on refuse de s’habituer : « Je suis enfant, sans armure /L’eau, le feu, la terre et le vent /J’ai mal à celui qu’on torture /Je suis humain simplement ».
C’est sans illusions, certes, car nul n’ignore que l’on appartient à une drôle d’espèce, « un mammifère au sommet de l’évolution… une espèce un peu à part » qu’il dézingue avec l’aide de son ami Jérémie Bossone au chant. Voilà, le décor est posé. C’est sans ambiguïté, sans concession, en droite ligne de son maître François Béranger qu’il salue, une fois encore, dans la chanson de circonstances qui clôt l’album : Cuisine politique. Tout est dit dans le titre. C’est aussi cette espèce-là, celle qui « génocide, vocifère, apartheid, croisade, colonise et… Djihad »… qui pendant une semaine réduit sa vie aux dépenses de loupiotes, de foie gras et de jouets à vous en donner la nausée. Et pendant ce temps-là, le migrant n’a plus d’hier, juste des rêves à Lampedusa et la Russie de Poutine réduit des hommes à pas grand-chose dans des trous à rats (Colonie 6).
Mais surtout cet album est celui d’un homme de l’Est, un lorrain, dur à la tâche. Dans les villes de ce coin-là de France, « le boulot ça ne court plus les rues », mais « ça tient bon » contre vents et marées même si pour l’iode et les embruns faut repasser… On connaît sa ville de Bar-le-Duc, qui lui a fait un cœur tendre et une volonté sans failles. Il y a son studio, sa maison qui produit tout ce qu’il crée. Le crocodile c’est lui… animal aux forces obscures et primitives mais créateur du monde selon les mythes Égyptiens. Il en est fier. C’est un homme debout qui chante. Homme à tout faire tout seul… Enfin, non, car l’amitié pour lui n’est pas un vain mot. Il a invité une quinzaine de participants, musiciens et choristes sur son album. Ils font à ses chansons de savoureux habillages… Chaque chanson a ainsi sa couleur : bugle et violon pour l’amour fétichiste, accordéon pour l’amour tout court, piano et accordéon pour la nostalgie, clarinette pour la satire, trompette pour la reprise de La solitude de Léo Ferré…
Cette fois Éric Frasiak choisit de décliner l’image du chapeau dont il se sépare si rarement. Comme un fétiche, comme un symbole de ce qu’il protège, enserre : pensées, rêves et émotions, surtout « tous ces vers qui prennent leur pied ».
Au fond ‚cet album on l’écoute comme on feuilletterait des pages où viendraient se glisser des pans entiers de vies réduites au silence. En choisissant l’énonciation à la personne, Éric Frasiak rend à ces vies-là un peu de chair et de sang. Bien entendu, on est ému aux larmes en écoutant Le jardin de papa, celui qui manquera toujours à son fils mais qui bien au-delà représente tous ceux qui traversent « la vie sans qu’ça se voit ». C’est sans doute à lui aussi que s’adresse la tendresse de 44 tonnes, chanson en écho à l’Air Bleu : « Souvent la nuit dans les pleins phares /J’vois comme des fantômes qui se déhanchent… ».
Enfin on ne saurait rendre compte de cet album sans saluer les chansons intimistes, Hôtel Richelieu qui retrace une histoire de potes, un amour de jeunesse, T’as c’qu’il faut, superbe d’érotisme délicat, qui offre un hommage aux atouts féminins, De l’amour, des fétiches, hommage aux atours, aux parures, à faire grincer des dents les « chiennes de garde »… dans le droit fil des Fleurs du Mal de Baudelaire, fétichiste en diable parfois.
C’est avec Je t’écris que l’on voudrait terminer, déclaration d’amour aux teintes folk données par l’harmonica, une déclaration qui fait usage du langage du corps : « Je t’écris d’un autre alphabet /Amour en braille, en mots muets /Sans clavier, sans crayon, sans page /Je laisse à mes mains le langage ».
C’est alors que l’on s’arrête à la photographie dans la pochette : c’est le printemps, le chapeau s’est accroché aux branches fleuries. Promesses de fruits et d’aubes nouvelles.
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