Coko, Un nom d’oiseau, 2022 (© Éric Lucas)
15 septembre 2022 – Un chant dans l’âme à dessiner…
Coko, 3e album de compositions personnelles, 20 titres, Un nom d’oiseau à paraître le 7 octobre 2022 chez EPM musique
Avec
Paroles & musique : Corentin Coko – Arrangements avec Sam Burguière (Les Ogres de Barback), Danito (Les Croquants), Franck Marty (musicien d’Olivia Ruiz…) – Jérémie Champagne (trombone, percussions… ), Franck Marty (piano – mandolinette, harmonica, banjo, scie, glockenspiel…), Danito (banjo, percussions), Mathias Lahiani (violon), Bruno Santou (percussions) Sylvain Rabourdin (violon, chœurs)Hélène Duret (clarinette basse, chœur) Barbara Hammadi (chœur), Alice Burguière (contrebasse, violoncelle), Maixent Collado (washboard), Jacotte Recolin (violon), Nicolas Courdeau (oud), Corentin Coko (voix, accordéon, piano, ukulele, clavietta, xylophone, guzheng, flûte, sax…)
Salle du Foyer rural – Concèze (Corrèze)
Je viens ici comme un amant
Les mains assoiffées de tendresse
Le cœur qui frémit d’être sourd
Un chant dans l’âme à dessiner
La gorge émue de mots d’amour
(Je viens comme un amant)
Dix ans après le précédent album Vivant spectacle ! Corentin Coko s’en vient nous « apprivoiser de poèmes » nous livrant pas moins de vingt compositions inédites d’« humanité, de malice et de frissons lourds ». N’allez surtout pas imaginer que pendant cette décennie, il s’est contenté de se délecter de mots et de « laisser passer, laisser partir » comme il le dit si bien dans le dernier titre… Oh que non ! Nous l’avons souvent croisé, nous avons même partagé une scène dédiée au Printemps des Poètes. Il a créé des festivals, des spectacles, des albums au service des chansons des autres, celles des poilus de 14 – 18, celles des années 30, de La Commune… allant toujours plus avant dans sa passion pour la poésie et la Chanson avec son nom d’oiseau, Coko, et sa plume… Cette plume, elle est en filigrane sur chaque page du livre-disque qu’il a choisi pour écrin de ses chansons. Parlons-en de cet écrin : la couverture blanche rigide et brillante, les photos et leur traitement graphique dans les tons brun-ocre – sur la couverture comme dans les pages intérieures – les photos de scène où le langage des mains, les traits du visage traduisent les émotions jusqu’au hurlement de la page finale en vis‑à vis d’un regard apaisé tourné vers hier… Bref, vous l’aurez compris, Coko a choisi de nous offrir un bel objet à la hauteur de l’aventure collective qu’il a vécue. Car, s’il raconte avoir d’abord pensé à un solo, nourri de quantité de sons additionnels, tous acoustiques dont l’album garde trace (sept titres répondent à ce premier projet), « au fil du travail, la règle s’est assouplie et au final il y a plein de musiciens invités » et même des duos, avec Mèche pour l’amour tendre et Agnès Bihl pour l’amour vache… enfin pas seulement… On vous laisse découvrir !
Pour beaucoup de titres, cet album où l’enregistrement a placé la voix et les mots au tout premier plan, même quand toute une fanfare s’invite, est un hymne tendre dédié aux femmes, comme dans le tout premier Des mots pour te dire belle… Écoutez : « Te voir printemps, te voir entière /Te voir pleurer, belle et puissante /Belle et ravie, vie et lumière /Voilà surtout ce que je chante… » Hymne à la femme aimée, parfois mal aimée, c’est vrai (Je vous présente mes excuses), aimée dans le dialogue avec son enfant (Dis papa, Tu l’aimes comment ?) désirée, convoitée (Ses yeux disaient… et ce charmant duo avec Mèche Comm’ j’aimerais, juste une fois /Comm’j’aimerais dormir chez toi), dans les trois temps d’une valse, femme aimée, au passé – On aurait dit /Qu’tu f’sais rimer /La poésie /et la beauté – comme au présent – Et malgré les plis de ton corps /Malgré ces rid’s qui te décorent /Toi qu’étais belle /Tu veux qu’j’te dise ? /Tu l’es encore – Bien entendu on n’échappe pas à l’évocation de la douleur d’aimer « Il ne faut pas me regarder /je ne suis pas encor guéri ». Que dire enfin des ensorceleuses, des sirènes qui font et défont les héros, les vrais ? « « Heureux qui comme les sirènes /Ont fait pleurer un matelot /A cor, à cri, à feu, à flot /De tant d’amour et tant de peine… » des vers où se glissent subrepticement – vous l’aurez vu bien sûr – des emprunts à quelques gloires passées… Comment pourrait-il en être autrement quand on s’appelle Corentin Coko et que l’on a tant et tant fréquenté les poètes et les chanteurs ?
Bien entendu, dans cet album, on retrouve aussi la plume acérée de Coko, celle qui met à mal un monde tordu, cinglé… Invitant des voix d’enfants, celles des siens d’ailleurs, il dit, dans une presque comptine, la souffrance de la Terre, de la mer et du ciel, ne manquant pas sa cible, « humains parasites, humains de croisière, humains de passage »… Il défend aussi les différences, le poly-amour de celle qui « a un cœur qui galope », comme un écho à Je comme je suis de Jacques Prévert… Il prête voix à la vieille putain de 53 ans et surtout, surtout, dans « un cantique exalté d’une enfant de chœur en béatitude devant les bienfaits du capitalisme » il s’en prend aux « nouveau messies », proposant une solution radicale – et très catholique !- pour nous en délivrer…
Enfin, il nous reste à évoquer l’humour. Cet humour décapant qui pouvait faire grincer des dents le spectateur du temps du Tango des organes et que nous retrouvons dans un style proche de Bénabar, ou de Renaud –à votre convenance ! – le jour de son mariage… Et ça commence ainsi « J’me suis réveillé un matin /J’étais bizarr’, j’étais pas bien… ». Nous sommes transportés au jour des noces avec les tontons, les tatas, les gamins « déguisés » plus que le marié, les copains et leurs bonnes blagues… Bref, ils sont venus, ils sont tous là ! On peut ajouter le duo avec sa complice Agnès Bihl dans T’es grosse… et son dénouement attendrissant, l’autodérision de Sale temps pour la poésie et son coup de griffe aux nouveaux plans de drague qui ne font vraiment pas rêver…
Sachez le bien, cet album est un superbe cadeau fait aux poètes, ceux d’hier, d’aujourd’hui et de demain, comme en attestent les deux titres où, en solo, il dit un texte poétique court… Peut-être est-ce dans ce dépouillement qu’il faut chercher le sens de ce projet ? « Tendresse impertinente… tu reviens m’enrager le cœur… » Avons-nous là les mots clefs ?
Tendresse et impertinence… Avec elles, on a moins peur.