11 et 14 janvier 2015 – Guillaume Barraband, Le réveil des pantoufles
Scène à domicile & concert
Artigat (Ariège) & Le Bijou (Toulouse)
Dimanche, Paris sous le choc. Paris marche encore quand Guillaume Barraband se met à chanter dans un salon où s’affichent, en guirlande dans un coin, des dessins évoquant l’arrivée dans l’au-delà des chenapans de Charlie Hebdo… Étrange contexte pour se mettre à chanter en défendant plus que jamais son libre arbitre, son refus des convenances, du penser mou.
Guillaume Barraband est de ces artistes citoyens qui, non contents de s’engager sur le terrain comme récemment contre le barrage de Sivens, écrivent le plus souvent sur ce qu’il nomme, lui, une « fin de règne », titre de la dernière chanson de son album L’épopée Rustre. Alors, oui, il ne s’en laissera pas conter, pas même ce jour-là. Il chante sans ciller qu’il n’a pas le sens du sacré, qu’il n’a d’espérance qu’en l’homme et qu’il pourrait bien aller à contre-courant et se faire musulman.
Il reste homme et chanteur debout, dans l’énergie que lui donne encore le souvenir des années rock avec Spook and the Guay, dans la révolte salutaire d’un romantisme affirmé. Dimanche il est accompagné par le contrebassiste et complice Jean-Marc Serpin (Pulcinella) que la guitare électrique d’Aladin Chaboche (L’Herbe Folle) vient rejoindre au Bijou trois jours plus tard pour ce concert tout neuf nommé Le réveil des pantoufles, peaufiné sur la scène lyonnaise d’A Thou Bout d’Chant. Rappelons que ce concert au Bijou comme cette résidence de création sont le dénouement du prix obtenu à Vive la Reprise 2013 qui aura eu la vertu de mettre l’éclairage sur un artiste singulièrement créatif.
Que les thèmes touchent à l’intime comme lorsque, jeune père, il est confronté à ses contradictions, ou lorsqu’il évoque le « Papo », grand-père « qui a toujours gueulé plus fort que tout le monde » réduit à la soumission et aux larmes, ou qu’il s’élève à l’universel comme ces scènes d’ennui à deux dans un été monotone, ou la soirée tranquille qui vire au cauchemar, dans un univers qui se disloque, ou cette Marion qui, dans un duel parricide au tennis, règle son œdipe freudien, ou bien encore l’apprentissage de la sexualité à six ans, Guillaume Barraband opte pour le détour, celui de l’écriture poétique, sans doute davantage encore avec ce trio.
Son concert est un voyage, une échappée dans un univers où certes les êtres humains « se débattent comme des poissons hors de l’eau », où l’amer vous met le cœur à marée basse. Mais c’est avant tout un hommage à la parole, à la langue malgré les détournements suspects que lui font subir les « tortionnaires du vocabulaire » et qu’il dénonce avec force comme ces « gardiens de la paix » devenus « maintien de l’ordre ». Sa chanson superbe, Les villes mortes, rivalise avec certaines reprises : Léo Ferré, Ils ont voté ou Baudelaire, Une charogne.
Dans cet hiver douloureux, grâce à ce concert de Guillaume Barraband, « La vie marque une pause /Ces moments provisoires ont goût d’éternité » (Les villes mortes). Nous en avions tant besoin !