Prince de Saba – Marcia Higelin 2022 (©Marcia Higelin /Ben Baas Sock)
Du 14 au 23 septembre 2022, la rentrée du Bijou et sa programmation au féminin
Charme, chic et choc !
Avec,
Jane For Tea, Séverine Lescure (ukulélé, washboard, chant) et JP Pichon/Savoldelli (batterie, ukulélé, chœurs) – Soleynia, Leïla Zitoni (harpe, guitare, chant) et Barbara Lamothe (violon, piano, flûte traversière et percussions) – Marcia Higelin (voix), Lucas Maminiaina (piano)
Le Bijou – Toulouse (Haute-Garonne)
Il serait grand temps de vous emmener au Bijou pour cette nouvelle saison déjà bien entamée. Qu’il nous soit autorisé à titrer sur la part féminine de cette rentrée, même si, souvent, nous nous rangeons derrière Annie Ernaux pour dire que l’on n’écrit pas avec son utérus… Soit, mais, en scène, difficile de passer outre ce que les femmes d’aujourd’hui nous donnent à voir et entendre… Charme (attention ! au sens étymologique, d’envoûtement…) chic et choc !
Commençons par Jane for tea, autrement dit Séverine Lescure au chant anglo-français… Ce soir de septembre elle nous apparaît en combinaison noire agrémentée d’une large ceinture, en bottines et petit béret blancs… Même si elle swingue dès le début en nous disant qu’elle laisse passer le temps, qu’elle n’a pas trop envie de bouger, nous n’en croyons rien… Car cette femme est une boule d’énergie et sa voix une tempête ! On n’évitera pas la comparaison avec Catherine Ringer. Difficile de lui résister. Très vite nous la suivons dans l’évocation de ses souvenirs d’enfance, de jeunesse sur son cyclo, son Solex ; le duo s’amuse alors et nous avec lui. On nous annonce un nouvel album à paraître en octobre. Chansons fraîches donc – on aime venir au Bijou vivre ses premières émotions – un single où pointe la terrible question de l’abandon « Dis-moi pourquoi ?… Je ne te suffis pas, tu tournes comme une girouette… » On savoure aussi les anecdotes qui ponctuent le concert, particulièrement celle du sauna inuit en Finlande, suivi d’un plongeon dans l’eau très noire d’un lac qui nous vaut une chanson, Black lake… ou bien celle de la découverte de l’accrobranche, de la brachiation des singes arboricoles – beaucoup moins loin cette fois, dans le Gers ! – et l’engagement pris de soutenir, dans un clip, la sauvegarde du gibbon… En rappel nous reviendrons à la grande question des filles et des garçons avec la reprise de la chanson de Patrick Coutin (1979) et ce retournement de situation … « Non, non j’aime pas regarder les filles… moi, je préfère les garçons qui font tout comme les filles… ». Et c’est sur Ainsi va la vie, une chanson émouvante, dédiée aux disparus que le duo laisse un public particulièrement enthousiaste.
Une semaine plus tard, changement d’atmosphère avec le duo féminin Soleynia qui ouvre instrumentalement le concert. Violon et guitare se répondent pour saluer joies et peines de la vie. Immédiatement, s’installe une parfaite connivence entre Leïla et Barbara qui se tournent l’une vers l’autre et se sourient à la fin du morceau. Ces deux chanteuses ont la particularité d’être poly instrumentistes et d’habiller spécifiquement chaque chanson pour qu’elle soit un appel à la paix et à la confiance en soi. Il émane de leur complicité une indéniable douceur, une recherche d’harmonie vocale et instrumentale qui fait de ce moment comme une cérémonie, une commémoration de la beauté de la vie.
Voyages au tambour, à la harpe, au violon, au piano, à la flûte traversière … Il s’agit, comme dans le chamanisme de tradition amérindienne, de retrouver son lien au reste du vivant, de poser un regard confiant sur le monde et sur soi-même. Par leur voix, leur tenue de scène, leurs musiques, il nous semble être revenu au temps du mouvement Peace and freedom californien dont les effets bercèrent nos rêves d’adolescents… On retiendra particulièrement cette chanson née d’un atelier avec de jeunes migrants, enveloppée du son mêlé de la guitare et du violon : « Ce n’est pas moi qui suis parti, c’est mon pays qui s’est enfui… »
Quelques jours plus tard nous faisions la connaissance de Marcia Higelin. Nous avions aimé son clip Prince de Saba, coréalisé au Sénégal, extrait de son premier EP dont nous disions qu’il n’est qu’un cri. « Que l’on en juge par les titres empruntant à un bestiaire sauvage, carnassier, Dragon, Tigre ou loup, ou bien Crocodile… Il s’agit bien de tordre le cou à une épreuve, une souffrance. Il s’agit d’un acte de délivrance. »
Lucas, pianiste, s’installe dans l’ombre où se détache son abondante chevelure afro ; elle chantonne et apparaît peu à peu, longue silhouette habillée de noir et de ses longs cheveux blonds… Ce début de concert nous familiarise avec sa présence, sa voix et son phrasé singulier. C’est une longue lamentation qui pourrait avoir quelques accents d’une héroïne racinienne prisonnière de sa passion amoureuse. Peu à peu ses chansons sont celles d’un être sur le chemin de la délivrance qu’elle danse aux accents du piano, « Je ne te pleurerai plus que dans mes rêves… », d’une femme face aux questionnements « Mais qu’est ce que j’ai fait… ? Accoucher d’un enfant dans ce monde si violent… » et aux émerveillements de la maternité, « C’est ton chant qui résonne dans le mien », face à la délivrance d’un nouvel amour auquel elle offre une chanson titrée Nzolani, en lingala, dont elle dit « Je trouve les sonorités de cette langue très tendres, particulièrement rondes, ses expressions très poétiques et c’est surtout une des langues de mon fiancé, l’une de mes enfants à venir. Une langue, c’est un outil et c’est aussi le symbole d’une identité… J’ai tenu à utiliser l’outil pour symboliquement, rendre hommage à l’identité. » (Africa Vivre, le Mag). On l’aura compris, Marcia Higelin est en allée, particulièrement attachée aux harmonies, aux sons, aux chœurs dont elle a pu approfondir l’expérience en tournée avec son père, Arthur H, en 2016, en cours de chorale lyrique.