Le Grand Maul, St-Paul-lès-Dax, 2ème édition, Marie-Pascale Lerda, 2022 (©Claude Fèvre)
22 mai 2022, 2ème édition du Grand Maul, Jour 3
Le rugby, la belle vie…
Avec
Ovalie rime avec poésie (Terres d’Encrages éditions) recueil de poèmes dans le cadre de L’émoi des mots avec les enfants de l’école de rugby de Peyrehorade (40) – Installation sonore « Vestiaires » – Rencontre avec Pierre Berbizier animée par Richard Escot – Femmes peintres en ovalie : déambulation commentée dans l’exposition sous la conduite de Richard Escot puis rencontre avec les trois artistes peintres : Lucie Llong, Babeth Puech et Marie-Pascale Lerda. Rugby au choeur, chœur d’hommes du pays d’Orthe, Lous Gaouyous, Albert Lavignasse, chef de chœur.
Espace Felix Arnaudin, St-Paul-lès-Dax (Landes)
Dans notre stade, il y a
Des poteaux en bois,
Des foules, des rois,
Des couleurs, des douleurs
Et le rugby !
Le rugby, la belle vie
Ça donne envie…
Raphaël, Pablo (école de rugby de Peyrehorade)
Raphaël et Pablo, les auteurs de ces vers sont des enfants de l’école de rugby de Peyrehorade. Avec une soixantaine de leurs copains de 8 à 14 ans, ils ont été invités à participer à des séances d’atelier d’écriture- une demi-heure avant leur entraînement du mardi ! – encadrées par Didier Lacaule, coresponsable des rugbymen en herbe à Peyrehorade et enseignant à Port-de-Lanne, ainsi que par les éducateurs du club. Ces rendez-vous que l’on imagine singulièrement perturbés par un dénommé Covid, ont abouti à la rédaction et à la publication de quinze poèmes sur le thème du « Courage » dans le cadre du Printemps des Poètes 2020, et au choix de quinze autres dans deux recueils qui leur étaient proposés (Les enfants en poésie, Gallimard jeunesse et Mille ans de poésie, Editions Milan). C’est le 17 mars dernier que ce recueil, L’Ovalie rime avec poésie, a pu enfin être remis aux 140 enfants du club et voici qu’aujourd’hui Jean-Claude Barens, initiateur de ce projet avec l’association L’atelier du mot, nous glisse discrètement ce cadeau dans les mains… On connaît bien le gourmand de rencontres, l’insatiable organisateur, mais on ne saurait oublier l’amoureux fou des mots qui s’est lancé tout récemment dans l’édition. Gageons qu’il va encore nous surprendre avec ses Terres d’encrages !
Comme il a surpris sans doute il y a huit ans en imaginant, avec son ami et complice Jean-Pierre Bertomère, une installation sonore à laquelle il nous invite cette année encore… En une vingtaine de minutes, dans un espace réduit où l’on vous invite à vous assoir sur des bancs – quelques maillots suspendus, des crampons maculés de boue au sol vous mettent dans l’ambiance – vous êtes plongés dans les vestiaires d’avant match avec pour fil conducteur la chanson de Clarika, Les garçons dans les vestiaires… Vous entendez des bribes d’autres chansons, d’interviews, d’enregistrements de voix d’entraineurs, de capitaines, de Daniel Herrero « chantre du rugby », d’Omar Hasan dans un air de Puccini, du commentateur Roger Couderc, des All-Blacks dans leur terrifiant et célèbre haka… Voilà de quoi réveiller des souvenirs, ou bien, enfin, lever l’interdit, le tabou sur un espace protégé des importuns…
Une dernière fois nous aurons aussi entendu Pierre Berbizier, prestigieux demi de mêlée aux 56 sélections internationales, entraîneur, sélectionneur de renom qui porte un regard libre et acéré sur ce sport ici honoré. En retraçant son parcours, ancré dans un territoire, puissamment relié à ses affections premières, en avouant ses déceptions dans le rugby de haut niveau, il affirme avoir compris qu’il apprendrait par lui-même, tout en rendant hommage à ceux qui lui ont transmis quelques valeurs fondamentales. Il ne cesse d’insister sur la simplicité – qualité dont il fait preuve constamment dans ces rencontres – sur le respect des bases… Aucun secret, martèle – t‑il, le travail… ! On l’entendra regretter clairement la place des agents auprès des joueurs professionnels, ce qui rappelle évidemment un autre univers, celui du spectacle vivant. Continuera-t-on à renforcer les individualités aux dépens de l’équipe ? On l’entendra souhaiter que revienne le soutien au rugby des petites et moyennes villes, véritable vivier… On l’aura compris, dans le sport, dans le rugby, se posent les mêmes questions que partout ailleurs sur une société sérieusement malmenée…
Avant que tout ne s’achève en chœur, celui des hommes du pays d’Orthe, en écho à ceux que nous avons entendus au long de cet événement et qui rappellent les grands moments de communion et de partage, nous sommes invités à visiter l’exposition de peinture et à écouter les trois artistes peintres, inspirées par le rugby.
Lucie LLong s’attache au choc des couleurs des équipes, met en avant le geste, comme elle le fait pour d’autres sports que, souvent, elle a elle-même pratiqués. Elle épure, dessine le contour d’un trait noir et sûr, en effaçant les traits du visage. Elle se définit comme peintre du mouvement. Passionnée par l’œuvre de Léonard de Vinci, elle demeure fascinée par le corps humain qu’elle a étudié en scientifique.
Babeth Puech aime les grands formats, se dit fascinée par les corps, par leur puissance, leur force. C’est pourquoi elle cherche, par un travail sur les ombres, à rendre leur texture jusque dans le circuit des veines. Elle s’arrête aussi à des détails, un bras agrippant le maillot d’un adversaire ou enlaçant le ballon. Le rugby est sport de contact, sensuel même, dira-t-elle. Le joueur est aussi celui qui souffre, qui tombe à genoux sous la violence du choc, ou bien qui vit des instants de profond retour sur lui-même, comme ce joueur qui s’en va seul dans un décor aux couleurs de son maillot, son buste se découpant sur un ciel de fin de jour…
Marie-Pascale Lerda, dont l’une des toiles illustre cet article, peint au bord des stades, in situ, en quatre vingt minutes donc, s’interrompant même pendant la mi-temps. Ses tableaux ont donc cette fougue de l’action collective, la puissance de l’engagement : couleurs fauves, du rouge, du vert et du jaune qui auréole les joueurs. A rebours, ses aquarelles, des petits formats dans des tons plus doux, ont quelque chose de japonisant.
On a regretté que ces trois femmes n’aient pu converser avec le photographe Antoine Dominique. Il y a fort à parier qu’elles auraient eu beaucoup à dire de ses portraits de « Femmes de rugby », de leur regard acéré, de leur visage et de leur maillot portant trace du combat rugueux, de ce défi qui nous est lancé.
Dans notre stade
on aperçoit
Des enfants
des joueurs
Un ovale dans
le cœur
C’est le rugby
La belle vie
Allez‑y, allez‑y !
Ovalie rime avec poésie, Dans notre stade (extrait) de Mathis, Paul, Théo