Détours de Chant 21e – 2022 (© Delphine Fabro)
Du 25 au 27 janvier 2022 – Mes Détours de Chant, 1er chapitre
Journal de bord du 21e Festival Détours de Chant
Avec
Erdöwsky, Muriel Erdödy (guitare, chant) & Alexis Kowalczewski (batterie, clarinette)
Le cirque des mirages, Yanowski (chant) & Fred Parker (piano)
En première partie : Nawel Dombrowsky (chant) & Jessica Rock (piano)
Gérald Genty (guitare, chant) & Julien Carton (piano, moog, chœurs)
La Fabrique (Université Toulouse Jean Jaurès), Théâtre des Mazades, Le Bijou (Toulouse)
La veille du 1er jour : Toulouse s’habille de chansons !
21e Détours de Chant… Départ demain pour 15 jours de fête à la Chanson. Partout dans Toulouse et périphérie… 24 salles, 59 concerts, 41 groupes d’artistes et des bénévoles bien sûr à chaque rendez-vous dans les salles partenaires… Faut tout prévoir, les transports, les repas, les hébergements… et l’accueil des spectateurs ! Tout ça pour eux… Pourvu qu’ils soient fidèles à l’incomparable vibration du spectacle vivant.
Roulement de tambour !!
Je serai à quelques rendez-vous si le virus qui fait notre quotidien veut bien m’épargner… Évidemment je ne serai pas partout – chaque jour cinq, six concerts, voire davantage ! – Mais promis, je vous emmène avec moi. Je vous raconte mes tours, mes contours… mes détours de chant.
Alors rendez-vous demain !
1er jour : Voilà, c’est parti ! Ce matin le ciel est immensément bleu sur Toulouse, plus belle que jamais dans cette lumière. Quand je débarque du métro sur le campus de l’Université Toulouse Jean Jaurès, j’ai un petit pincement au cœur. Bon sang, je ferai bien un grand bond en arrière pour profiter de telles offres culturelles tout autour. Je pense à Barbara (oui, encore elle… Décidément elle est partout avec moi ! ) venue en 1969 soutenir les étudiants de Bordeaux qui luttaient pour que leur campus, éloigné de la ville, ne soit pas un désert en dehors des heures de cours. Vois-tu cette salle, Barbara, ce magnifique espace de concert nommé « La Fabrique » ? C’est ici qu’a lieu le premier à 12 h 45 !! Et quel concert… !!
C’est peu dire que nous voyageons avec Muriel Erdödy et Alexis Kowalczewski autrement dit le duo Erdöwsky… C’est une rencontre, un rendez-vous avec nos émotions les plus profondes. Il s’apparente à une invitation orphique, chamanique. Je ferme les yeux pour mieux laisser entrer les sons en moi quand Muriel se fait tendre et douce, quand Alexis s’en vient habiller les chansons de sa clarinette ou de la kalimba. « Te souviens-tu du monde dans tes yeux d’enfant ? » Oui, je m’en souviens, et c’est bien pour cette raison que je suis là, attrapant au passage des mots qui font des bulles au-dessous de ma tête : « fleur de lotus, étoiles, parfum tendre et boisé… La vie est un songe… » Mais gare à nous quand Muriel se lève, s’empare de sa guitare électrique, car elle se mue alors en rockeuse décidée à réveiller notre torpeur, nous montrant « les yeux des innocents ébahis face à la violence » ou quand elle voudrait t’agripper, te secouer « toi, la tête pleine de terre [qui] calcules » ! Moi, je danse alors sur ma chaise… Et Alexis ? Alexis, lui, le batteur, est un magicien ; à lui seul, il est un spectacle dans le spectacle, avec tout ce qu’il va chercher pour faire résonner à nos tympans les sons… Son accompagnement est celui d’un poète auquel n’échappent aucune sensation, aucune nuance. Je l’admire et je comprends qu’il soit sollicité dans de nombreuses créations, comme celle que j’ai vue récemment, La Trace du papillon, des poèmes arabes de Mahmoud Darwich et Nadia Tueni dits par Camille Sabathier.
Je prends quelques photos pour vous, les absents ! Et je pense surtout qu’il serait trop injuste que vous ne connaissiez pas le duo Erdöwsky.
Ce soir, c’est au nord de Toulouse, au Théâtre des Mazades que je vous emmène. Vous me suivez ?
1ère soirée avec le géant, l’immense (dans tout le sens du mot) Yanowski et son complice Fred Parker au piano, dans le Cirque des mirages. Une irruption dans un théâtre chanté d’une autre époque, où l’on ne redoute aucun effet du corps et de la voix. Dès le début, devant cette haute silhouette noire et menaçante, devant ses longs bras et ses mains aux doigts crochus, devant cette apostrophe « Qu’est-ce que vous foutez là ? Allez vous en pendant qu’il en est encore temps… Vous êtes inconscients ou alors vous êtes malsains… », je pense à Nosferatu, le vampire du film muet de F.W. Murnau. « Regarde toutes les vies qui vont défiler devant toi, mais attention, si tu croises le patron, n’oublie pas de lui faire le baise main… » Pas moyen de fuir ! Surtout que tout est déjà écrit dans ce petit livre qu’il sort de sa poche de temps en temps.
Et c’est parti pour une course effrénée, avec le soutien du piano fou « le roi des crapules », une course entre la vie et la mort, avec la mort surtout… On fréquente des lieux et des personnages improbables comme Nestor la marionnette, on découvre la véritable histoire du Christianisme – celle-là je vous la conseille vivement, à condition de ne pas craindre l’excommunication ! – on croise Françoise, dans un vieux caboulot, la seule capable de délivrer le monde d’une pénurie d’eau bénite, on participe activement à une vente aux enchères de tout ce qui peut permettre d’en finir proprement et rapidement avec la vie – un moment d’anthologie ! – on voit même dans un trou de sa tête « tout ce que le monde enfante d’immondices ». Vous l’aurez compris, on pourrait avoir envie de fuir… Mais ce serait sans compter avec l’amour, avec les superbes chansons lyriques qui lui rendent hommage et qui nous sauvent de ce guet-apens… On en sort complètement renversé, bousculé… En un mot, c’est géant !
Et ce n’est pas tout car pour ouvrir la soirée, la belle Nawel Dombrowsky, habillée de rouge et noir, coiffée d’une couronne de fleurs nous attendait. Mais ne vous y trompez pas, avec Jessica Rock au piano, ce sont des textes et des compositions de Yanowski qu’elle interprète… Alors imaginez un peu ce que ce peut être cette collaboration titrée « Les femmes à la cuisine ». Accrochez-vous, messieurs ! Quand elle nous entraîne au bordel, c’est pour nous offrir une galerie croustillante de prétendants à la chose… « Messieurs, jetez vos redingotes que je toise la camelote ! » Mais cette « cuisine » fait des détours vers bien d’autres thèmes, la guerre et ce fleuve de l’Histoire qui emporte tout, l’exil vu par une mère s’adressant à son enfant – Quelle belle image au moment du départ que celle-ci : « Emporte cette branche, tu la respireras pour mieux t’endormir… » – notre époque pécuniaire où il faut bien « entrer dans l’ornière ». Une réjouissante découverte, en somme, qui fait la part belle à l’interprétation !
2e soirée : Un retour au Bijou pour assister au concert de Gérald Gentil. Un moment résolument joyeux, quoi qu’en disent certains textes… Imaginez, le concert commence avec un accident de voiture ! Et l’hôpital, la maladie s’invitent à plusieurs reprises… Mais avec lui pas question de se prendre trop au sérieux… D’une pichenette, d’un bon mot, d’un calembour, il retourne les situations les plus inquiétantes ou douloureuses… Je le soupçonne d’avoir trouvé la recette pour ne jamais devenir adulte. D’ailleurs regardez- le avec sa mèche frivole qu’il s’obstine à vouloir mettre dans le rang, on dirait un grand adolescent, non ? Accompagné par un jeune musicien qui jongle avec le clavier du piano et celui de son synthétiseur Moog, il chante le plus souvent avec sa guitare. Il n’hésite pas devant quelques enfantillages, se rit de sa situation en scène, dialogue avec le public. Dans ce concert il mêle nouvelles chansons et anciennes, nous livrant un long moment de « chansons courtes » où bien entendu, nous retrouvons ce qui fait son identité, les jeux de mots et particulièrement les paronomases. Il évoque une joute avec Wally… J’aurais bien aimé y assister !
Ses chansons sont résolument nourries de sa vie – il invite même la voix de ses deux enfants pour un vrai moment de tendresse, d’émotion « un jour les enfants s’en vont » – de ses questions, notamment sur son métier de chanteur, passablement chahuté, c’est vrai, depuis deux ans… « On parle de la carrière des débutants, mais pas des finissants… » Un constat : devant les contraintes, on a de moins en moins de musiciens sur la scène… Bref, reste à faire des rêves, « des rêves de gosse qu’on embarque ensemble dans l’avion de Roland Garros » ‑clin d’œil au chapitre sportif de sa vie – Reste à s’évader, planant au milieu des nuages, comme sur le visuel de son nouvel album Là-Haut.
Et ce n’est pas tout, Gérald Gentil nous avait réservé une bonne surprise – vrai moment d’émotion – avec une reprise de Philippe Katerine en duo avec Marjolaine Piémont, de passage à Toulouse pour cause de programmation…
« Si tu savais /Où je vais la nuit /Je nage dans tes yeux /Comme en Océanie /Je marche dans tes cheveux /Sans trouver mon chemin /J’escalade tes seins /Avec l’aide des dieux /Si tu savais /Où je vais la nuit… »
Rien de mieux que cette chanson d’amour pour retrouver la nuit, le froid, l’arrêt de bus face au Bijou où s’illuminent les lettres de Gérald – et non Gérard !! – Gentil…
Merci Claude ! C’est toujours bon de se laisser emmener, passager clandestin dans ta poche, à la découverte de tous ces artistes !