Natasha Bezriche – Sébastien Jaudon – Dames Brunes – 2021 (©Sébastien Jaudon)
19 juillet 2021, Nouvel album de Natasha Bezriche, 16 chansons de Barbara accompagnées au piano par Sébastien Jaudon
Dames Brunes, Chansons de Barbara
Avec
Natasha Bezriche (chant), Sébastien Jaudon (piano, arrangements)
N’en déplaise aux jeteurs d’anathèmes dès qu’il s’agit de reprises de Barbara, cet album là est un cadeau que nous fait Natasha Bezriche dans cet été naissant. Rappelons, s’il est besoin, que la grande dame brune, avant de devenir l’auteure et la compositrice d’exception, chanta les autres avec passion et n’y renonça jamais.
Nous avons choisi de titrer Il était un piano noir empruntant au titre des Mémoires interrompus de Barbara, édités chez Fayart. Bien entendu la couverture de l’album nous y incite : un superbe piano demi-queue s’offre grand ouvert et c’est tout un symbole pour cette artiste qui se désignait elle-même « femme-piano », confiant toute son existence à ce bateau auquel elle se sentait amarrée depuis toujours et à jamais. Ici, dans cet album, c’est Sébastien Jaudon qui y est arrimé.
Avant même que d’évoquer l’interprétation de Natasha Bezriche, il faut saluer le talent d’arrangeur et de pianiste de celui qui l’accompagne. On peut dire qu’il y a création, re-création et qu’il pourrait rivaliser avec Alexandre Tharaud, s’offrir de jouer seul au piano Barbara… Car son accompagnement offre son langage en contrepoint du texte. Enivrant, il nous enveloppe, rendant aussi, par là même, un vibrant hommage à la compositrice.
Seize chansons donc pour évoquer Barbara à laquelle Natasha consacre un texte superbe en quatrième de couverture du livret. « Séduction », « fascination », les mots sont posés avec justesse… Disons-le, le choix des chansons ne manque ni d’audace – elle reprend quelques chansons devenues mythiques – ni d’à propos… Restituer en seize titres l’indocile, la difficile et puis la docile, la si fragile, pour plagier les mots du titre A peine … Car Barbara ce sont les extrêmes, les inconciliables, l’absolu, la force de ses mots tant de fois dits, écrits, chantés : « Avoir peur mais avancer toujours ».
Natasha Bezriche est une comédienne, chanter pour elle, c’est se nourrir des mots et les restituer dans toute leur chair vivante. C’est précisément ce que nous offre cet album. Elle s’est emparée des mots, les a malaxés, déglutis, engloutis, pour les restituer avec sa voix, son corps, son souffle, aurait dit Barbara. Alors écouter ainsi les chansons interprétées avec cette authenticité, cette vérité, c’est à coup sûr, les redécouvrir. On se délecte à écouter ces chansons-récits auxquels le rythme, le souffle de Natasha impriment à chaque étape une teinte différente, soulignant les séquences de ces courts métrages. Citons Drouot, Joyeux Noël, mais aussi Cet enfant-là – chanson ô combien bouleversante – ou la vertigineuse Gare de Lyon et son sentiment d’urgence. Bien sûr on reste très attachée à l’évocation des amours déçus, mortes, enfuis… On notera que Natasha ne prononce pas le mot « Solitude » à la fin de la chanson éponyme, comme s’il valait mieux tenter de mettre fin au sortilège de la « renifleuse des amours mortes, la garce avec sa gueule de carême »… Et à rebours de cette menace, on trouve l’incroyable force d’aimer avec cette chanson que Barbara a conservée dans son panthéon jusqu’à la dernière compilation de 1997 : « S’aimer et mentir d’amour… A chaque fois ! »
Enfin on se dira particulièrement émue par les deux chansons interprétées en suivant : Quand ceux qui vont et Nantes… Un thème essentiel, cher à Barbara, le souhait, – la prière peut-on dire – d’accompagner ceux qui quittent la « lumière blonde », de leur accorder notre sourire, notre pardon si nécessaire… Ce qu’il ne lui pas été possible à Nantes pour son père.
La dernière chanson, A peine, est un hymne à l’amour, infiniment doux, sensuel, confiant et l’on remercie Natasha d’avoir fini sur des mots tout juste murmurés, dans un souffle : « Bonsoir, bonne nuit mon amour… »