Pauline Croze–Après les heures grises – 2021 (©Joann Sfar)

Pau­line Croze Après les heures grises, 2021 (© Joann Sfar)

7 jan­vier 2022 – Tout est vrai après les heures grises

En écho au 6e album 10 titres, Après les heures grises, de Pau­line Croze, sor­ti le 8 octobre 2021

Avec

Pau­line Croze (texte, musique, prise de son, gui­tare, chant, chœurs) « avec l’empreinte sonore, leurs mots leurs souffle » de Char­lie Trim­bur (cla­viers, machines), Marc Gros Can­nel­la (cla­viers, machines, basse),  Nk.F/ Niko­la Feve (machines), Romain Guer­ret (texte, cla­viers, machines, gui­tare, basse), Oli­via Brun et Anne Cla­ve­rie (texte), Fils Cara (réa­li­sa­tion), Mathieu Denis (cla­viers, machines, basse, gui­tare), Pier­rick Devin, Tim Dup, Radiofran6 (pia­no), Voyou (trom­pette), Raphaël Chas­sin (bat­te­rie), Thi­baud Bar­billon (gui­tare), Timo­thée Duper­ray (texte, musique)


Aver­tis­se­ment : Ce texte ne sau­rait pas­ser pour une chro­nique. C’est une pure fic­tion, un jeu d’écriture où se trouvent insé­rés en carac­tères gras les 10 titres de l’album et quelques mots, expres­sions, emprun­tés ici ou là aux chansons.

  1. Je suis un renard – 2. Phobe – 3. Cre­ver l’écran – 4. Nuit d’errance – 5. No derme – 6. Le monde – 7. Kim – 8. La rocade – 9. Solu­tion – 10. Hip­po­drome

Tout est vrai après les heures grises

1er avril 2020

Elle s’accoude à son bal­con comme chaque jour à la même heure. Elle attend.

Après un jour sans fin où l’horizon s’achève au bord de son bal­con, elle attend ce moment étrange de com­mu­nion et d’enthousiasme où le tin­ta­marre des applau­dis­se­ments et des cris sur­git un court ins­tant avant que le silence ne revienne, têtu, obsé­dant. Avant que ne s’installe len­te­ment une nuit d’errance. Elle pense à des murs gris où elle vien­drait gra­ver de la pointe d’un cou­teau l’écoulement des jours. Elle s’avoue vain­cue, ter­ras­sée, comme prise en otage par ces mil­lions d’images qui défilent sur ses écrans. Toutes les nuits, je cavale sur mon che­val de toile, pense-t-elle, l’écran m’a tuée. Il fau­drait en finir, cre­ver l’écran comme on crève d’un coup sec un bal­lon de bau­druche. Qui sait, l’amour, tout cet amour qui jaillit en feu d’artifice de petits cœurs rouges à lon­gueur de mes­sages vir­tuels, se répan­drait peut-être sur le monde.

Elle se sent seule, si seule. Trop pâle, sans méla­nine, plus de duel au soleil. Comme si on avait ajou­té aux mesures d’isolement, cet inter­dit : no derme, no peau, no peau-aime. Quelle solu­tion ? Com­ment s’évader de cette pri­son ? Pas seule­ment celle des murs de son appar­te­ment, pas celle de la ville déserte ni celle de la rocade où elle ne roule plus ses rêves et ses illu­sions. Non, non, pas seule­ment. La pri­son du flot de ses pen­sées où elle ne dis­tingue plus le vrai du faux, les répul­sions des empa­thies, le « phile » du « phobe », l’ombre de la lumière…

Par­fois il lui arrive d’imaginer que tout va s’arranger, comme ça, d’un coup, que le monde va renaître plus beau, plus lumi­neux, plus vrai… Elle rêve des booms et des bangs, des clips, craps, des vlop et des zip, des she­bam, pow, blop, wizz… Les tyrans se mettent à voler sur un fond de ciel bleu… Kim, Donald, Jair sont des hommes volants de Jean-Michel Folon. Dans un par­fum d’ilang-ilang, ils se joignent, ravis, aux élé­gantes d’un hip­po­drome regar­dant concou­rir des che­vaux aux noms étranges. Le Petit Prince leur tend la main, se pré­sente : « Je suis un renard… » On entend un grand éclat de rire : Audrey Hep­burn, échap­pée de My Fair Lady, a tout vu…

Tout est vrai, après les heures grises.