Le Bijou - Florent Marchet, 2022 (© Claude Fèvre)
6 & 7 janvier 2022 – La vérité nue des chansons
Pour ouvrir la nouvelle année, le Bijou nous offre…
Avec
Florent Marchet (piano, chant)
Le Bijou (Toulouse)
Florent Marchet, celui qui caracole des Vieilles Charrues, aux Francos de La Rochelle, en passant par le Printemps de Bourges et le Paléo festival de Nyon, celui-là même est à deux mètres devant nous sur la petite scène intimiste du Bijou, seul au piano, son « premier animal de compagnie » avait-il dit en 2014 à Laurent Ruquier qui le recevait dans son émission du samedi soir. Qu’allait-il donc faire dans cette galère ?… Mais ça, c’est une autre histoire…
On sait qu’il a confié que, dans les grandes salles, on perd l’essentiel de ce que la chanson exprime, on est dans « l’habillage »… Alors, comme le souligne un article de La Dépêche du midi consacré à sa venue, la salle du Bijou et son auditoire restreint et attentif, révèleront ses chansons dans leur vérité nue… Pour un instant, on oubliera donc ses musiques de film, ses collaborations prestigieuses, Clarika, Miossec, Philippe Katerine, Axelle Red, Bénabar ou Calogero…
Mais on n’oubliera sûrement pas son roman, Le monde du vivant, paru chez Stock en 2020. On a pu voir sa lecture musicale enregistrée à la Maison de la Poésie, sans public bien sûr, en décembre de cette même année. Accompagnée par Elliot Royer au dessin et aux encres, en direct, elle nous emporte dans l’histoire de la jeune Solène, de ses parents Jérôme et Marion qui ont fait le choix du retour à la terre, et de son frère Gabin… Nous sommes plongés tour à tour dans la vie intérieure de chacun de ces êtres, nous partageons les grandes questions d’aujourd’hui, à la fois intimes et universelles, que cette histoire soulève… Et de cette histoire, ancrée dans son Berry originel, on retrouve incontestablement l’esprit et la lettre dans ses chansons. Car l’écriture est là, incisive, précise souvent, une écriture qui nous parle sans détours, nous interpelle, nous questionne et met en exergue nos urgences de terrien, mais aussi nos bobos, nos tracas, nos doutes, nos ratages… et notre manque de courage aussi.
Au fil des chansons et des portraits qu’elles esquissent, se profile une vie qui, peu ou prou, pourrait être la nôtre : des origines rurales, dans un coin de France –« c’est con y a pas la mer, la montagne, pas de grande ville » – d’où l’on regarde, envieux, l’autre, celui qui part en vacances à l’île de Ré en été et l’hiver à Courchevel… Mais « On ne savait pas que dans ce pré carré, le cœur n’y était pas… » On découvre des amours adolescentes, où « rien n’est sublime ». Un jour on se retrouve – des années plus tard – et c’est bizarre comme on a du mal à se comprendre… On aurait tant voulu rester beaux …
Les chansons de Florent Marchet et ses interventions pleines de dérision nous emmènent où nous sommes tous allés, enfants, adolescents auprès de copains perdus de vue, mais dont on n’a rien oublié – Ah, celui que l’on surnommait « John », « Beatnik » dont la mère était fan de Freddie Mercury ! – plus tard avec nos mômes, « comment ça dérape, comment ça éclate », en famille, avec cette autre famille, celle des amis… Mais il sait aussi faire halte auprès de ceux ou celles que la vie entraîne où il n’aurait jamais fallu aller. Parfois même ceux-là, on les voit au JT de France 3 et « ça fait un mal de chien ». On a soudain le cœur à l’envers quand il transcrit un dialogue, presque mot pour mot… des « colères [qui] entrent dans [la] chair comme un couteau »… quand il nous emmène dans la vieille Logane avec Cindy, matricule 2807, au moment précis où elle sort « de la nuit, juste un peu vieillie ». Voilà, ce concert, ces chansons nous bousculent incontestablement, car elles touchent à l’intime, à notre vérité mise à nue, comme les chansons le sont, habillées seulement du piano qui en épouse toutes les nuances. De la tendresse, de la douceur à la colère, à la révolte…
Après Florent Marchet, vient pour quatre soirées – à guichet fermé ! – Alexis HK, celui dont le dernier album, Comme un ours, nous avait fait écrire : « Cet album propose une immersion dans un monde intérieur, une pensée mise en mots simples – ceux des âmes humbles – une pensée qui se heurte au pire et atteint le sublime. » C’est dire l’impatience et la curiosité qui nous habitent au moment de découvrir ses nouvelles chansons, dans une version toute neuve préparée auprès de Voix du Sud… des soirées « expérimentales » en somme. Dans un rendez-vous maintenant familier, Corentin Grellier soutenu par le Bijou, viendra en préambule, chanter quatre chansons.
Voilà, incontestablement le Bijou continue de jouer son rôle d’accompagnateur de la création, de créateur de souvenirs. Il continue de nous enchanter.