Wallace (© Pierre Wetzel)
6 janvier 2017 – concert de Wallace
avec R1 Wallace /Erwan Naour (guitare, chant) Bertille Fraisse (violon, synthé, chant), Nicolas Grosso (guitare manouche et électrique)
Le Bijou (Toulouse)
Quand on a parcouru la terre entière – ou presque- pendant vingt ans avec Les Hurlements d’Léo, quand on a vécu tant et tant de rencontres et de partages où Un air, deux familles et Hardcore Trobadors ne sont pas des moindres, quand on a repris avec le groupe l’œuvre de Mano Solo, quand on porte encore au cœur, au corps toute cette histoire comme une déchirure, et que l’on se met à croire à un projet solo, comment se nomme-t-on ? Pas simple… Le nom choisi pour ce qui est aujourd’hui un trio, Wallace, mérite bien qu’on s’y arrête un instant comme le fait Erwan dans l’interview accordé à La Dépêche.
Herman Wallace, ex-Black Panther, confiné à l’isolement au pénitencier d’Angola en Louisiane pendant plus de quarante ans pour le meurtre d’un gardien de prison blanc qu’il a toujours nié, décède en octobre 2013, trois jours après sa libération. Ce nom c’est évidemment tout un symbole. L’enfermement… La mort absurde… ce qui fait que l’on garde la rage « et ce n’est pas rien, dit le texte de Ma part d’Ange, quand j’enfonce mon poing. » C’est avec cette chanson – on peut l’entendre comme l’autoportrait de son auteur – que s’ouvre le concert, comme s’ouvre l’album sorti en octobre dernier. Tout y est dit, le doute, l’oubli, le rêve, les mensonges, la peur, l’embrouille… et puis, au bout du bout, l’amour. Une « douce idylle » qui rend « la vie moins amère ». Hymne à la femme aimée « mon âme sœur, ma flamme ». La dernière chanson de l’album, en contrepoint, l’une des dernières du concert, dit cette espérance dans un anglais assez sommaire, Over my window … « Just Love is necessary /Until I die… » Et la mort s’envisage alors dans la sérénité, « La mort est une illusion ». On pourra dire : « Il est temps je crois d’arrêter le combat /la vie est ainsi faite, une victoire, 1000 défaites « (La lame)
C’est donc au Bijou ce soir une rencontre avec un homme qui, sans déposer les armes, sans renoncer au combat qu’impose l’existence – il « s’apprête sans gants à prendre des coups rudes/Dans la foi ou dans les dents » comme chacun de nous – chante pour que nous partagions un peu de son monde intérieur où convergent des flots d’émotions. On pense à C’était toi, que l’on entend comme un texte qui nous est à tous destiné, avec sa longue et superbe énumération, comme des flashs, ceux de toute une vie, des images que l’on voit défiler sur notre écran de télé quand s’achève toute une année. Toute une vie ?
« Les dessins de Charlie, les lunettes de Gandhi /Un tir de Platini, la folie de Dali /Le fusil de Massoud, la voiture de Batman /L’un dans l’autre de Kebous, les lyrics de Kalam… »
Le sang des baleines est aussi, sans aucun doute, un titre que l’on fait nôtre et son refrain nous reste en mémoire : « Amis nous chanterons /Pour que l’on se souvienne /Du chant des partisans /De celui des Baleines /Nous partirons /Avec dans les veine s/Le sang des partisans et celui des baleines. » On s’attache enfin à ce texte signé Marc Estève, 7 ou 8 en milliards, qui offre un bel hommage à la différence, « juste envie de sortir de la foule », à la liberté, la fraternité, la chanson : « Et nous et nous, nous, ça noue des liens /On est plus fort quand rien ne vaut rien /Et nous et nous nous rien n’nous retient /On chante encore amplis lumières éteints. »
Très vite, il faut dire que de ces textes on a perdu parfois le fil ou le sens dans l’intensité – la beauté – de l’environnement musical. En scène, Nicolas Grosso à jardin, nous transporte en effet dans des envolées électriques aussi bien que manouches, avec un brio qui nous capture, qui peut nous arracher au sens des mots chantés…. A cour, c’est Bertille Fraisse au doux prénom qui fleure bon le printemps, les fruits rouges… Sa silhouette fine, collant noir et petite tunique à pois, sa gestuelle aussi, ses ponctuations au synthé, sa grâce au violon, son partage souriant avec les deux garçons, apportent une touche féminine dont on savoure pleinement l’effet quand elle chante. On reste un moment sous le charme du duo délicatement sensuel d’Erwan et Bertille : « Parce que rien ne me dérange une fois nue entre tes bras /Et que sous tes mots je danse, parle m’en encore une fois… » Incontestablement la présence de Nicolas Grosso et de Bertille Fraisse aux côtés d’Erwan Naour constitue une signature originale pour ce trio Wallace. On en prend toute la mesure dans les reprises, reprise de Mano Solo, des HDL bien entendu … Mais on s’arrêtera à celle, bouleversante, de Francis Cabrel Saïd Et Mohammed, que Erwan écoutait aussi au temps des Pixies et des Clash, puis, en rappel, à la détonante version rock de La mauvaise herbe de Georges Brassens.
Wallace s’en retourne à Sète, entre Canal du Midi, port, étang… terre originelle de noms aussi célèbres que Paul Valéry ou Georges Brassens. C’est dire que l’on peut s’y ressourcer quand on veut écrire et chanter, regarder en soi, « Lassé d’avoir couru après tant de chimères » (Vivre vieux)