B. comme Fontaine, un quartet vertigineux (© Hervé Suhubiette)

DDC 2016, K !  (© Claude Fèvre)

30 janvier 2016 – Karina Duhamel, Fantastik show (extrait)

avec Kari­na Duha­mel ( Cla­viers, machines, Voix)

Théâtre du Grand Rond (Toulouse)

C’est un mor­ceau seule­ment de son Fan­tas­tik show que Kari­na Duha­mel vient d’offrir à l’Espace Jemmapes/​Scène du canal à Paris. Exer­cice oblige : une heure en apé­ro concert, entrée libre. A la bonne vôtre !

Sou­hai­tons que les tra­di­tion­nelles tire­lires se soient rem­plies au fil des cinq repré­sen­ta­tions où elle s’est pro­duite, dépla­çant un public nom­breux. Ce soir le public rajeu­ni – et c’est si réjouis­sant !- s’est lit­té­ra­le­ment entas­sé dans la salle de théâtre.

Seule en scène der­rière son cla­vier et ses machines, nous l’avions décou­verte à la der­nière édi­tion du Pic d’Or à Tarbes. Inou­bliable déjà ! Aujourd’hui elle appa­raît dans un décor que l’on ne peut pas­ser sous silence. A jar­din, un jar­di­net, clô­tu­ré d’une palis­sade blanche où pous­se­ront par magie de magni­fiques coque­li­cots. A cour, son théâtre de poche, enfin, plus exac­te­ment son ins­tru­ment, son ordi­na­teur, ses cadrans et ses tubu­lures appa­rentes qui donnent à l’ensemble sa touche Alice au pays des Mer­veilles, poé­sie et cruau­té mêlées, le tout habillé de rideaux rouges entrou­verts. Porte d’entrée de ses élu­cu­bra­tions fan­tasques, de ses rêves de cirque oublié, de cau­che­mars aus­si où sons – voix superbe, musiques,boucles et brui­tages – accom­pagnent le voyage en terres irréelles.

C’est dans la pénombre qu’elle entre en scène, sil­houette de presque vieille, de pocharde. Un verre de rouge à la main, elle entonne a capel­la une chan­son réa­liste qu’elle achève dans un mur­mure. Le spec­ta­teur est déjà pris au piège.

Elle rejoint son cla­vier pour évo­quer « le plus laid de ses per­son­nages », « un monstre ridi­cule » éva­dé de la foire du trône. L’homme au cœur de libel­lule lance son cri : Admire-moi pour 1€ ! Cet appel là nous l’entendons comme celui de K ! Elle peuple son uni­vers de ces êtres étranges qu’elle des­sine de ses sons fabri­qués, de ses mots –par­fois en anglais ou en alle­mand dans une atmo­sphère alors très « brech­tienne » – comme elle a pu les des­si­ner en ombres chi­noises, avec ses mains, au mur de sa chambre d’enfant. C’est cette his­toire ima­gi­naire qui se prolonge.

Elle se rap­proche volon­tiers du public, l’interpelle, se joue de lui sur­tout quand elle sol­li­cite sa par­ti­ci­pa­tion. Si elle choi­sit dans la salle un spec­ta­teur – ce soir c’est Jean-Claude… tant pis pour lui ! – c’est pour lui susur­rer : « J’vais te bouf­fer ! ». Sa chan­son qui prône l’adultère nous vaut alors un cor­tège de filles dont elle s’arrange, faut voir com­ment ! Méfiance les filles ! Car si l’amour la traîne aux genoux de son homme – c’est l’occasion de sou­li­gner sa superbe inter­pré­ta­tion de Mon homme, avec la com­pli­ci­té du public – ce n’est pas pour bien longtemps.

K ! a cet indé­niable talent de savoir agré­men­ter son pro­pos, par­fois sau­vage et car­nas­sier, de légè­re­té et de ten­dresse. On aime entendre les voix de Michel Simon et Serge Gains­bourg chan­ter l’Herbe tendre et voir alors pous­ser les coque­li­cots au jar­din. On l’aime quand elle chante C’que j’étais belle ou bien l’entendre avouer « Ce que j’en ai fait du che­min pour voir que mon magi­cien c’est toi ». Tout n’est donc pas per­du pour l’amour ?

Hélas – mais nous la savions déjà – ce n’est pas ce soir que nous aurons la solu­tion de l’énigme. C’est sur un retour à la mons­truo­si­té que s’achève cette heure, déci­dé­ment trop courte, avec un amour qui « a ache­té un appa­reil à cou­per les gon­zesses ».

K ! mérite son point d’exclamation.

C’est une chan­teuse, une vraie, avec une voix qui mur­mure autant qu’elle hurle ou berce. Son ima­gi­na­tion n’a pas de fron­tières. Sa parole est farou­che­ment authen­tique sur­tout s’il s’agit de bra­ver ses propres démons que sont ses sen­sa­tions, ses émo­tions de femme. Comé­dienne assu­ré­ment, elle prend à bras le corps la scène, comme elle empoigne l’amour pour le tordre, le dis­tordre, lui faire rendre l’âme.

On attend déjà l’occasion de la revoir.