Antoine Coesens et Eric Guilleton (© Claude Fèvre)
25 & 26 août 2018 – 1res Estivades Poétiques
Organisation : association La voix du Scribe
Avec
Antoine Coesens, parrain – Eric Guilleton, invité d’honneur – Pascale Anglès, présidente du jury du concours de poésie – salon du livre de poésie (47 auteurs présents) – animations autour des mots (atelier d’écriture – mur de poésies – tatouages éphémères – balade poétique dans la ville…) – scènes ouvertes lectures – grande soirée poésie, lecture, chanson
Halle de la vieille ville et place des consuls – Centre culturel François Mitterrand – Tarascon-sur-Ariège (Ariège)
LUNE ROUSSE (Prix Spécial du Poète Matthias Vincenot)
Dans les jardins du ciel, /Sous un regard /De lune rousse /Un pendant de rosée /A glissé /De feuille en feuille /Sur une frange de nuit /Et s’est posé /Sur ton front /Comme un ruban d’aurore. Jean-Pierre Michel
Honneur à notre ami Matthias Vincenot et à son festival DécOuvrir de Concèze car il ne fait aucun doute que c’est bien son éternel combat pour la poésie qui a donné son impulsion à l’équipe de l’association La Voix du Scribe. Même si l’on connaît la passion de Florence Cortès pour les mots, leurs caravanes sans fin, pour les rencontres humaines sans frontières, sa détermination qui se suffit à elle-même pour avancer, inventer.
On trouvait sur ces premières Estivades les fidèles de Concèze , anges protecteurs, bonnes fées, ou petits démons ? Ils choisiront… Dans la programmation en effet les incontournables, les fidèles : le chanteur Eric Guilleton et le comédien Antoine Coesens. Il faudra attendre la soirée de samedi pour qu’ils nous apparaissent dans leur talent respectif, précédés de Pascale Anglès, en poétesse superbe. Élégante, douce et non moins engagée, sa parole a donné le ton. Hommage à la vie, dans son dernier recueil, publié chez Vox Scriba (Florence Cortès encore !) dédié aux martyrs d’Alep. Et cette question lancinante du sort des femmes… Emprunté à son précédent recueil, hommage à son père, petit émigré qui jadis traversa les Pyrénées, par des temps très sombres, et qui dans la « douleur de sa chair, la morsure du froid » gagna sa vie et celle des siens dans une carrière… Cette lecture émouvante nous guida très naturellement vers les chansons d’Eric Guilleton qui jamais ne força la note, qui nous enveloppa de tendresse et de beauté avant que n’arrive Antoine Coesens et le texte qu’il avait choisi de nous offrir : La fiancée des corbeaux de René Frégni. C’est un journal parsemé d’émotions, de sensations entre la belle Isabelle et le vieux Lili qui n’a plus sa tête et que le narrateur promène… Dans un décor délicieusement provençal où les saisons marquent le temps qui s’étire, on se prend à suivre chaque notation dans la voix du comédien. « Écrire au fil de l’eau, des saisons, de presque rien. » Sans doute serons- nous nombreux à nous souvenir de la visite au cimetière, sur la tombe de la mère tant regrettée : « Maintenant que ma mère est ici, c’est l’endroit le plus rassurant de la terre, même à minuit. Mortes, nos mères veillent encore sur nous. »
Une soirée que l’on nommera « Confidences » tant chaque intervenant nous aura donné l’illusion de parler à notre oreille. Et quel délicieux moment que cette salle qui se vide doucement en chantant… Comme un sentiment de paix retrouvée.
La première journée, entre ciel gris, froid et vent qui voudrait tout emporter sur les tables, a bien tenté d’éprouver l’équipe et les participants. Et fait craindre pour le moral des poètes si nombreux sur le site dans la vieille ville de Tarascon-sur- Ariège. Dans cette vallée, dès la mi-août on peut avoir besoin de sa petite laine. Les pyrénéens le savent bien. Mais c’était sans compter avec tout ce qui avait été prévu pour que la poésie s’insinue dans chaque cœur – et même avec des petits plats finement cuisinés, ou des tatouages éphémères nourris de symboles !
Pendant deux jours, chaque poète exposant étant invité à partager la lecture d’un texte, nous avons pris littéralement un bain de poésie sous toutes ses formes, dans tous ses registres, et même chez les plus jeunes… Rien n’arrête cette parole vivante qui de tout temps, en tout lieu à travers le monde, a été la signature de notre humanité. « Comme d’Air, comme d’Eau, / L’homme se gorge de sons /D’où germa la parole » écrivit Andrée Chedid. Ici, sur cet évènement, nous en avons pris la pleine mesure. Il est bien vrai que la poésie a besoin de la voix, de l’oralité, que sans elle, elle perd de sa force… C’était tellement bon de prêter soi-même sa voix à Andrée Chedid, à Marguerite Duras avec l’accompagnement du violoncelle dans un extrait de notre spectacle Je dis Aime, devant un parterre de poètes… C’était tellement bon de lire les poèmes des lauréats, surtout lorsqu’ils étaient de très jeunes adolescentes… Lire dans leurs yeux l’émotion qui les étreignait à ce moment là… Cadeau !
Alors on comprendra que pour finir cette évocation très loin d’être exhaustive – que l’on nous en pardonne ! – on offre à lire l’un de ces poèmes…
Voici donc, en hommage à tous ceux qui ont permis que ces Estivades poétiques existent, et qui feront qu’elles perdureront, Brumeuse (Concours de poésie 2018 Catégorie Jeune Deuxième Prix)
Dans la nuit des trottoirs /Perdue entre les immeubles de béton /Les lampadaires crasseux et quelque rares pigeons /On devine une silhouette qui avance, lentement /Ses pas résonnent étrangement dans les rues silencieuses /Ses yeux sont à demi clos /Sa bouche est entrouverte /Elle a l’air de revenir d’une grande fête /Elle lève la tête à la lune /Et elle lui sourit /Un rire étouffé naît sur les lèvres ébahies /Puis s’échappe dans l’air comme la fumée d’une dernière cigarette /Elle voudrait crier, s’enflammer, s’éblouir /Que se déchaînent pour elle des éclairs exaltés /Voler sur une image pour imaginer le ciel /Il n’y a que les oiseaux qui peuvent avoir des ailes /Mais la lune immobile se tait /Enveloppée de son halo lointain et glacé /Elle lit d’un œil distrait le roman de sa vie /Dont tous les adolescents tournent les larges pages jaunies – Thalie Euphrosyne