Barjac m’en Chante 2017 – Gatshen’s (© Luc Allegier)

Bar­jac m’en Chante 2017 – Gatshen’s (© Luc Allegier)

2 août 2017 – Fes­ti­val Bar­jac m’en Chante 2017

4e cha­pi­teau : Mon­sieur Roux & Boule – Gatshen’s en trio

Avec Erwan Roux /​Mon­sieur RouxCédrik Boule /​Boule (gui­tares, uku­lé­lé, voix)
Gatshen’s avec Gaëlle Cotte (chant), Pyt­shens Kam­bi­lo (gui­tare, chant)
et Guillaume Hono­ré (contre­basse-per­cus­sions, chant)


Cha­pi­teau – Bar­jac (Gard)

Le cha­pi­teau de Bar­jac conti­nue de nous offrir de quoi com­bler nos soifs et nos envies de ren­contres, de murs que l’on abat, de pas­se­relles que l’on érige pour répondre aux bar­be­lés, aux mira­dors du monde… Comme si le temps d’un fes­ti­val on pou­vait enfin se croire hommes et femmes par­ta­geux, soli­daires… On vou­drait dire mer­ci à tous ceux qui mettent des formes et des cou­leurs à ce rêve. Mer­ci à ces artistes qui depuis quelques jours à Bar­jac ont lan­cé leurs balles, leurs bal­lons de toutes les cou­leurs… ça nous fait un joli ciel de vie !

Aujourd’hui on par­tage la ren­contre entre Mon­sieur Roux, l’aîné et Boule, à moins que ce ne soit avec Boule et Mon­sieur Roux… Ils s’échangent leurs chan­sons, ils s’accompagnent réci­pro­que­ment. Ils ont des uni­vers qui agitent les conven­tions, les normes, les codes. La parole de Mon­sieur Roux ne fait pas dans la den­telle, il s’en prend à tout ce qui enferme, isole… Il pour­fend l’idée de dra­peau, de nation, « Y a pas de pays pour ceux qui n’en veulent pas », il s’attaque au machisme, à l’instinct de domi­na­tion des hommes pires que des chiens, au « vote utile » gui­dé par la peur, aux stu­pides, aux sots, aux com­plo­tistes… Est-ce dif­fé­rent aujourd’hui qu’il y a dix ans, quand Mon­sieur Roux attei­gnait un large public en chan­tant le sort du « bouf­fon de la cité, le souffre dou­leur du quar­tier » ? En n’hésitant pas à semer dans ses chan­sons un voca­bu­laire de la rue, de la cour de récré… ? Ces « gros mots », c’était un peu sa marque de fabrique à l’époque et la jeu­nesse aimait ça. Nous avons pu voir ailleurs qu’elle venait encore, nom­breuse, avec sa décen­nie de plus, chan­ter les refrains de Mon­sieur Roux. Ici cette jeu­nesse-là est absente… Dom­mage vraiment !

On sent bien que cette ques­tion d’une cer­taine célé­bri­té éva­nouie, plane… Aujourd’hui, Mon­sieur Roux a peut-être moins de colère, moins le goût de la mettre en chan­sons. Il pré­sente avec une pointe de déri­sion ses « chan­sons d’amour dépres­sives ». On aime­rait lui dire qu’elles nous touchent beau­coup ces chan­sons-là, plus inti­mistes, dans ce monde où « tout bat de l’aile »… Qu’elle est tou­chante cette évo­ca­tion d’un « dance floor de paco­tille… Il pleut des cordes et à tout prendre j’en pren­drais bien une pour me pendre à ton cou »… mais voi­là « Tout fout’l’camp et même toi »…

Boule de son côté – un côté où Mon­sieur Roux vient volon­tiers le rejoindre – déam­bule dans des mondes paral­lèles. Ten­dre­ment absurdes, sur­réa­listes comme le des­sine la pre­mière chan­son « Je prends le temps d’être en retard »… ou bien la der­nière, « chan­son post­hume de son vivant », qui évoque ce moment que nous connaî­trons tous. Aurons-nous comme lui à reve­nir, à nous recy­cler dans « plein de petits rien du tout… à nous épar­piller par­tout » ? Au même moment ou presque, Mon­sieur Roux, sur son bout de lune, se prend à rêver que sur la terre il n’y aura plus de guerres, les guer­royeurs de tous poils « auront pris leur patrie et leur bon Dieu et auront fou­tu le camp ». Bon débar­ras ! Et thank you pour le rêve !

Ren­dez-vous d’amour pour la Chan­son… et plus si affi­ni­tés… C’est bien ce qui nous vient aux lèvres pour évo­quer le second concert, celui de Gatshen’s. Ce métis­sage avec la musique, la langue, la culture afri­caines comme l’annonce l’assemblage de deux syl­labes des pré­noms de Gaëlle et de Pyt­shens . Avec eux on chante tout autant le fran­çais et le lin­ga­la. On puise dans des échos ances­traux de notre huma­ni­té. Gaëlle Cotte fera chan­ter le cha­pi­teau de Bar­jac en lin­ga­la… Beau sym­bole, non ?

L’Afrique notre ber­ceau… On regarde Gaëlle faire des lignes géné­reuses de son corps, de ses mains offertes, une offrande de confiance et d’espérance. Elle sait se faire sirène aus­si… On la regarde sou­rire, se rap­pro­cher amou­reu­se­ment de ses deux musi­ciens et chan­teurs, ren­dant grâce ain­si à leur pré­sence, à leur musique voya­geuses. On aime vrai­ment cette chan­teuse-là qui s’est nour­rie de toutes les musiques, du jazz, du lyrique, du gos­pel, de la chan­son. C‘est sa voix superbe qui nous trans­porte, c’est son sou­rire qui nous récon­forte, ce sont ses mots qui consolent car il y a un monde entre cha­cune de nos vies. Comme Bar­ba­ra le chan­tait si fort aus­si : « Tu es le jour /​Je suis la nuit »… L’ombre et la lumière… Nous n’en avons jamais fini avec ça. Nous n’avons pas choi­si la terre où nous sommes nés et c’est avec ces dif­fé­rences-là, avec cette peau, ce corps, cette langue qui est nôtre que nous allons au-devant des autres. Ce n’est pas autre chose que nous chante Gantshen’s sans jamais, ô grand jamais, oublier le vibrant, l’essentiel : l’appel à la liberté.

Tout le dilemme de nos ren­contres, nos échanges.

« Laisse-moi vivre à corps et à cris ! »