Bonbon Vodou – African Discount – 2017 (©Fabien Tijou )

Bon­bon Vodou – Afri­can Dis­count – 2017 (© Fabien Tijou)

8 Décembre 2017 – Concert de Bonbon Vodou

Sortie d’album African Discount

Avec

Oriane Lacaille (Chant, per­cus­sions) JereM (chant, gui­tare, cava­quin­ho, gui­tare slide, gui­tare bidon, ukulélé)


Le Bijou (Tou­louse)

Voi­là un jeune duo qui vous ferait croire que faire de la chan­son c’est simple comme bon­jour. Que mon­ter sur scène, c’est à peine plus que se pré­pa­rer pour une soi­rée entre copains. Bon­bon Vodou a tout mis en œuvre – et ça marche ! – pour don­ner cette illu­sion du léger, du joyeux, du simple, du spon­ta­né, du sans effort. Un peu comme si nous nous lais­sions prendre par la main pour décou­vrir le charme indi­cible d’une île para­di­siaque. Celle atta­chée au cœur et au corps d’Oriane ? Peut-être. Une île, « Une île entre le ciel et l’eau »

Nous y sommes très vite, on vous l’assure. Oriane et JereM sèment ces petits détails, ces repères qui d’emblée vous aident à prendre le large. Ils entrent en scène pour enton­ner, réunis devant le même micro – leurs têtes se tou­che­raient presque – une chan­son de ce pre­mier album qui sort aujourd’hui même : Aidez-moi, je suis fiu. Sans en avoir l’air la chan­son ne badine pas et s’il est ques­tion de Pana­ma, ce n’est pas vrai­ment de l’exotisme. Lui, c’est cava­quin­ho ou uku­lé­lé, elle c’est un petit bidon sur lequel elle frotte un balai de per­cus­sion. Tous deux ont piqué une petite fleur blanche dans leurs che­veux, et Oriane porte une jupe longue légère, ornée de motifs flo­raux, comme autant de signes, de clins d’œil à la beau­té, portes ouvertes sur le rêve.

La deuxième chan­son, Mignonne, a des airs de comp­tine enfan­tine avant qu’elle ne se révèle fran­che­ment coquine : « Je te culbu­te­rai dans l’herbe tendre épaisse et pen­dant si long­temps que tes petites fesses sen­ti­ront bon le foin jusqu’à la fin des temps ». On pense alors au réper­toire d’Hen­ri Sal­va­dor… On ne tar­de­ra pas à voir confir­mée l’influence avec la reprise de Ah ! si y avait pas ton père ! Oriane s’est assise sur le cajon, a mis des gre­lots à sa che­ville droite. Elle offre tout au long du concert un aper­çu de son talent de per­cus­sion­niste, fai­sant feu de tout objet à sa por­tée. Avec elle, tout fait son et rythme : tri­angle, sac plas­tique, bidon de fer, petits fla­cons dans les­quels elle souffle, chan­tonne, … ça frappe, sa frotte… On pour­rait com­men­ter aus­si les mul­tiples facettes du talent de JereM à s’emparer des ins­tru­ments à cordes… Et nous, nous sen­tons irré­sis­ti­ble­ment mon­ter en nous l’envie d’être heureux.

Pour­tant n’allez pas croire qu’ils sont béats devant la vie, un peu attar­dés dans la naï­ve­té de l’enfance, que leur réper­toire n’est que légè­re­té. On com­prend très vite que l’insularité dont il faut s’extraire pour sur­vivre, que l’empreinte de la colo­ni­sa­tion, sont autant de maux sur les­quels ils posent leurs notes et leurs mots… Plu­sieurs chan­sons puisent dans cette réa­li­té. La chan­son titre de l’album bien sûr, Afri­can Dis­count, comme un sen­ti­ment d’être « métisse à six sous », comme une bra­de­rie de ses « pul­sa­tions afri­caines ». Mon île, la déchi­rure de l’exil, l’obligation de « se rési­gner à lais­ser le temps dépla­cer ses valises ». La vision de l’homme sur le bitume Face aux appar­te­ments, son déchi­rant appel au secours « Sauve-moi des hivers qui me feront la peau ».

Ce que l’on emporte avec soi, c’est cet habillage de sons métis­sés de tant de cultures pour dire le monde par­fois si dou­lou­reux contre lequel il faut se battre. Ce qui vous donne une incroyable envie d’en découdre, comme cet homme, atteint de la mala­die de Par­kin­son qui entre­prend son tour du monde en vélo d’appartement, qua­rante mille kilo­mètres, pour faire la nique à la mala­die ! Un grand moment du concert… et de l’album ! « Pédale, pédale, pédale ! Go, Go ! »

Oriane et JereM s’aiment – enfin, disons, c’est si bon d’y croire ! – sur­tout quand ils chantent en fin de concert en avant-scène A force deux. « C’est si bon d’être amou­reux ». Ils ont su nous faire sou­rire des épreuves avec leur Amour Ikea, méta­phore très réus­sie qui pour­rait leur valoir de faire un tube, avec Kon­se­coince, quand on est bien obli­gé de consta­ter que « s’est refer­mé sur nous le joli piège amou­reux »… Mais au fond la légè­re­té l’emporte même quand s’en viennent les ques­tions, les doutes : « Je pré­fère conti­nuer de dan­ser sans y pen­ser »…

Bon­bon Vodou, c’est la pro­messe d’une longue aven­ture enchan­tée si l’on en juge par leur créa­ti­vi­té quand ils reprennent Le nou­gat de Bri­gitte Fon­taine, ou en les mêlant, La grou­pie du pia­niste pour l’un et Just An Illu­sion pour l’autre. Si l’on en juge sur­tout par la réa­li­sa­tion de ce pre­mier album. Un ren­dez-vous de tant d’influences, de tant d’instruments. Tan­tôt jazz, swing de l’après-guerre, tan­tôt lamen­ta­tions de l’accordéon – celui de René Lacaille, Régis Giza­vo ou Chloé Lacan – tan­tôt trom­pette, tan­tôt scie musi­cale, tan­tôt violoncelle…

On vous le répète, le voyage, le métis­sage. Avant tout et jusqu’au bout.