Boubacar Ndiaye et ses musiciens (© José Pujol)

Bou­ba­car Ndiaye et ses musi­ciens (© José Pujol)

10 février 2015 – Voyage sans visa

Avec Bou­ba­car Ndiaye (conte, chant), Paa­math (gui­tare, chant), Baye Cheikh Mbaye (per­cus­sions, chant)


Le Bijou (Tou­louse)

On peut s’en tenir à l’enchantement. On peut s’en tenir au charme indi­cible des chants de Paa­math, à ses gui­tares qui, à elles seules, offrent l’évasion en terre afri­caine, aux rythmes, aux scan­sions des per­cus­sions qui vous donnent l’irrésistible envie de dan­ser. On peut s’en tenir à ce corps de Bou­ba­car Ndiaye, enve­lop­pé de toiles blanches qui dansent avec cha­cun de ses gestes aériens. Comme un oiseau. On peut seule­ment se lais­ser por­ter, empor­ter, par la musique des mots dans leur langue ori­gi­nelle sub­ti­le­ment mariée au français.

Ce spec­tacle est un voyage au Séné­gal, oui, et la tra­ver­sée de Saint-Louis offre des images, des sen­sa­tions que leur poète-pré­sident, l’immense Léo­pold Segar Sen­ghor, n’aurait pas reniées. Quand s’élève le chant qui célèbre la beau­té des métisses, des signares, on aurait envie de s’arrêter, là, dans ce pays, d’y poser ses valises de brumes et de chagrins.

Mais on ne peut s’en tenir vrai­ment là car Bou­ba­car est griot, fils de griot. C’est le verbe, la parole, la parole ins­pi­rée des anciens, de cette mère qui lui demande d’être patient, d’attendre de gran­dir, de cette grand-mère qui a ber­cé son enfance de ses fables, ses para­boles pleines de sagesse.

Le récit nous emmène en évo­ca­tions tou­jours sub­tiles, dans l’Afrique qui marche, qui prend la route. Cette Afrique qui n’en peut plus, crie sa révolte, et sur­tout rêve de l’Europe, de la France, de Paris. Pour ce rêve, elle s’exile au péril de sa vie sur des pirogues de for­tune, lais­sant au pays ceux qui s’installent dans une attente sans fin, qui n’ont comme seule res­source que de s’en remettre à Dieu, au des­tin… Inch Allah, superbe chant d’espoir et de patience ! Quand on arrive à des­ti­na­tion – si on y arrive – on est plus noir que jamais, on tra­vaille au noir, on est payé au noir… sur­tout, on devient un « sans papiers ». Cette réa­li­té-là, Bou­ba­car nous la dit sans vio­lence, sans haine.

Sa parole, c’est celle de cet enfant qui regarde les oiseaux dans le ciel, qui les aime dans son cœur, dans sa tête, et qui rêve de les rejoindre un jour, libre. Bou­ba­car est cet enfant qui chante « s’il vous plaît ne m’empêchez pas de rêver ! ».

Bou­ba­car col­lecte la parole des anciens. Fon­da­teur des asso­cia­tions Les puits de paroles France et Séné­gal, il est aus­si cet homme qui dit sa gra­ti­tude à la France et qui parle d’amour, d’ouverture, et de partage.

Bou­ba­car et ses deux musi­ciens sont des oiseaux qui dansent sur nos cœurs.

Article initialement publié sur le site Nos Enchanteurs :
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