Sarah Olivier - Festival Bernard Dimey 2017 (© Domi Decker)
6 mai 2017 – 17e festival Bernard Dimey
Jour 3 : concerts de Barbara Weldens et Sarah Olivier
Avec Barbara Weldens (chant), Barbara Hammadi (piano, chant), Marion Diaques (violon alto, voix) – Sarah Olivier (chant), Stephen Harrisson (basse), Joseph Doherty (guitare), Florent Savigny (batterie)
Centre culturel Robert Henry – Nogent (Haute-Marne)
La météo nous fait de ces caprices, comme si la nature elle-même perdait le nord… Voilà qu’il fait un temps de novembre en mai. Mais sur la scène ce troisième soir du festival, ce n’est pas seulement cette grisaille obstinée, c’est carrément tempête, tornade, bourrasque, déferlement, ouragan… Et peut-être même aux dires de certains en fin de soirée, cataclysme pour la chanson française !!
Il est vrai que l’association Bernard Dimey n’y est pas allée de main morte ! Programmer un même soir, sur le même plateau, Barbara Weldens et Sarah Olivier tient du défi !
Certains se sont inquiétés, autant le dire tout de suite… Certains ont même pensé que Bernard Dimey s’est retourné dans sa tombe. Hé bien, on aurait bien envie de l’imaginer ce Bernard, amoureux des femmes et surtout de la vie, aux prises avec ces deux phénomènes. On serait prête à parier qu’il aurait apprécié cette énergie folle, cette envie d’en découdre avec la scène, avec la vie, avec ce monde que l’on peut croire foutu certains matins gris. Il aurait aimé que l’on secoue l’inertie, l’apathie face à ce qu’il écrivait en ces termes : « Le pire est à la porte, on l’entend respirer /et l’on se demande en secret si c’est pour cette nuit /ou pour l’année prochaine /pour après notre mort… » (Les enfants d’Attila)
Regardons une fois encore Barbara Weldens, entre Barbara Hammadi au piano et Marion Diaques à l’alto… Regardons-la nous crier le froid, la peur quad l’amour s’absente. À la première chanson, elle lâche tout Barbara, elle supplie, elle crie, elle envoie valser ses talons hauts. Elle interroge sans fin l’amour non sans humour, autodérision…
Un rêve, une illusion ? Faut-il l’envoyer promener, carrément le refuser, s’en arracher cœur et corps en miettes pour ne jamais le voir se flétrir ? Comment s’y prendre avec cette histoire-là, plus cruelle encore aux femmes. « Il faut grandir dans l’ivresse, grandir, avancer, rester debout… Sous les dards des hommes décérébrés. » Barbara Weldens chante de tout son corps. Surtout de tout son corps… C’est à ses flancs qu’elle porte tout : la vie, les doutes et les regrets, mais surtout les rêves. « Ça fait peur mais j’lâche rien » ! Elle porte la main à son ventre, à son sexe, parfois elle jette son buste en arrière, son corps se désarticule, elle pousse des cris de loup car « La vie, c’est mal foutu des fois » ! Barbara Weldens est aux prises avec ce défi des femmes ; elle va même jusqu’à singer l’homme qui est en elle, « le macho dans [ses] tripes », une sorte de lutteur de foire, de militaire qui marche stupidement au pas. Marion la délicate, subtile violoniste, se coiffe alors d’une casserole en guise de képi et se dessine une moustache…
Finissons-en avec cette mascarade !
Fini de se « plier à s’en rompre l’échine »… Départ de la fusée pour la conquête du grand H de l’homme. Tout est là, comprendre enfin… « Homme, ami, frère »… Allez, « en ce soir d’ivresse, on se dit qu’on s‘aime… C’est la même terre qui nous berce… La vie en vaut la peine ! »
On sort de ce concert ébouriffée, chahutée, emportée, comme à chaque fois que nous voyons Barbara Weldens en scène.
Sarah Olivier, dans sa plastique de rêve, sa jupe étroite, son blouson de cuir, ses cheveux blonds ramassés en chignon haut, façon années 40, c’est la rockeuse. Celle qui joue de toutes les ficelles du genre. Du bon vieux rock and roll, du blues parfois… Ce qui est certain c’est que ce ne sont pas des chansons que l’on écoute sagement dans son fauteuil. Elle tente bien d’inciter le public à danser, descend parmi nous, mais en vain. Le festival Bernard Dimey n’est pas vraiment le lieu pour que ce concert donne sa pleine mesure de folie… Folie ? Enfin, pas la même folie, la même démesure que celle de Barbara Weldens. Une folie qui joue sur les codes usés de la séduction.
Peut-être même ces deux chanteuses sont-elles aux antipodes ? L’une nous bousculant pour que nous en venions à notre humanité une et indivisible, l’humanité qui s’écrit avec un grand H, l’autre nous ramenant à cette invitation à l’amour qui fait de nous, femmes, des objets du désir masculin.
La voix est belle – même une légère ressemblance avec Kate Bush dans les aigus – tout est parfaitement maîtrisé : la gestuelle avec le pied du micro, les mouvements lascifs des hanches, dos au public, les frémissements des épaules, les mouvements de tête. Rien à redire… du côté des musiciens non plus, basse, guitare, batterie dans les règles du genre… Sauf que la moitié des textes est en anglais et l’autre pas vraiment accessible à notre compréhension malgré nos efforts ! Impossible donc de véritablement s’emparer du sens… On devine pourtant que la chanteuse a de quoi dire. Alors, on s’en va sur son site voir les textes, ceux de l’album Pink Galina… Voici juste un exemple qui donne bien des regrets : « C’est dans la fièvre de la vie /Qu’on les murmure et qu’on les crie /Les prières des nuits froides /C’est une parade de pépites /De larmes qui grésillent /En éteignant les braises /Ce sont des nuits de givre /Qui nous font suffoquer /On attend le matin /Pour relever nos têtes /Et goûter sur nos bouches /Un rayon de soleil… »
Oui, des regrets. On parvient difficilement à s’y faire, renoncer à comprendre le texte.
Notre festival Bernard Dimey 2017 s’arrête là pour cause de Frater’Nuitée dans le Jura. Mais on sait que celle qui occupe la scène ce soir, la Québécoise, la rousse Geneviève Morissette n’est pas celle qui fera baisser la température dans la salle du centre culturel de Nogent !