Lecture : Il était un piano noir, Moissac (© Sylvie Ena)

Lec­ture : Il était un pia­no noir, Mois­sac  (© Syl­vie Ena)

27 avril 2017 – Lec­ture musi­cale Il était un pia­no noir

Lec­ture musi­cale d’extraits des Mémoires inter­rom­pus de BARBARA

Avec Claude Fèvre (lec­ture) et Dora Mars (accom­pa­gne­ment musi­cal et chant) et l’as­so­cia­tion Voix du Scribe


Centre cultu­rel – Taras­con-sur-Ariège (Ariège)

Lettre ouverte d’un spectateur

Sou­viens-toi de Barbara

Bien sûr, en venant, nous sommes tous et chacun‑e habité‑e par BARBARA, « notre » part de BARBARA que je porte et qui me porte dans des moments impor­tants de mon petit par­cours d’humain, des moments de fai­blesse ou d’émotions qui me dominent ou bien qui m’aident à fran­chir le pont vers un mieux-être. BARBARA est de ces rares artistes dont le rayon­ne­ment lumi­neux dépasse le registre de l’artiste, l’espace de la scène. Elle m’accompagne, je l’appelle par­fois et elle est là pour sou­li­gner quelque chose que je n’arrive pas, à ce moment-là, à expri­mer, à dépas­ser. Il y a tou­jours une phrase, un cou­plet ou bien la chan­son entière qui s’impose, non par la force de la convic­tion, mais par la puis­sance de l’évidence, de la pro­fon­deur. BARBARA, c’est bien plus de choses encore, bien sûr ; et quand je viens à ta ren­contre à Taras­con, je ne pense à rien de par­ti­cu­lier, je n’ai pas de « plan » d’écoute préa­lable. Je suis (presque) tout neuf pour me lais­ser prendre par la main. Un petit fré­mis­se­ment d’émotion quand les lumières déclinent et appellent les artistes… je me cale dans le siège pour les accueillir.

Et voi­là que tu des­cends les marches, par l’axe cen­tral, un pas à la fois presque hési­tant, mais pré­cis, une vague impres­sion de ralen­tir le moment d’occuper la scène, cet espace si dif­fi­cile où il ne faut pas se glis­ser dans l’ombre tuté­laire qui pour­rait t’y attendre. De suite, j’ai sen­ti que nous allions entrer dans le jar­din, la légère hési­ta­tion, comme une peur de pié­ti­ner mal­adroi­te­ment le lieu.

Ce n’est pas BARBARA que j’attends, ce soir, et pour­tant j’aurais été déçu de ne pas l’avoir ren­con­trée… Et puis, petit à petit, l’espace se rem­plit du regard, de la voix, des peurs de la petite fille, des élans de l’adolescente, des envols de la femme, des corps char­nels, et nous avons balayé les ter­ri­toires ger­mi­na­tifs de la Dame en noir. Fleur après fleur, avec ses épines dou­lou­reuses, voi­là les grif­fures du temps et des sen­ti­ments qui zèbrent notre peau sen­sible, nous éveillent à notre souffle inté­rieur et nous ras­surent à la fois. Il n’y a plus de dis­tance entre la scène et les spec­ta­teurs, nous sommes au bout des mots mur­mu­rés, dépliés dans le souffle de Claude FÈVRE…

Les fris­sons du pia­no se déve­loppent pro­gres­si­ve­ment, une voix en écho nous indique des lieux, montre des direc­tions, pro­gresse vers des som­mets au risque du ver­tige, une belle fusion des deux voix, des ins­tru­ments, d’une pré­sence glis­sée sur le pla­teau. Tout nous ren­voie à BARBARA, plei­ne­ment, émer­geant à la pointe du récit, à la lumière des mots et du chant. Le corps dit la pré­sence, sans insis­tance, la dis­cré­tion bro­dée d’empathie.

Une per­for­mance dans laquelle les deux comé­diennes se sont livrées « corps entier » et âme émer­gée du pro­fond de soi. BARBARA était là ! Elle doit être ras­su­rée que des artistes lui soient fidèles, que la confi­dence de ses étapes fon­da­trices dans son par­cours de vie aient été pré­ser­vées et par­ta­gées dans une soi­rée par­ti­cu­lière, « entre ami-e‑s », comme une veillée au coin d’un feu mer­veilleux, pour se sou­ve­nir, pour nour­rir nos rêves de futur. Sou­viens-toi de BARBARA, aimer brûle les corps et la vie, aimer, c’est le seul choix qui fait de nous des humains reliés.

Un grand mer­ci à CLAUDE et à DORA qui tra­ce­ront plus loin le sillon que nous avons sui­vi, un soir de prin­temps fris­son­nant, à TARAS­CON-sur-ARIÈGE… Ce pia­no noir garde de belles cou­leurs ! G.B

Lecture musicale Il était un piano noir