17e festival Bernard Dimey - Clio (© Dominique Decker)

17e fes­ti­val Ber­nard Dimey – Clio (© Domi­nique Decker)

5 mai 2017 – 17e fes­ti­val Ber­nard Dimey

Jour 2 : concert de Clio

Avec Clio /​Clio Tour­neux (chant), Paul Roman (gui­tare), Étienne Cham­pol­lion (pia­no, clavier)


Centre cultu­rel Robert Hen­ry – Nogent (Haute-Marne)

Pour ce deuxième jour, en pleine après-midi, l’ombre de Bar­ba­ra s’en est venue pla­ner sur Nogent, comme à son accou­tu­mée, entre ombre et lumière, pour un public réuni dans le lieu mythique du fes­ti­val, La Cave à Ber­nard – enten­dons Ber­nard Dimey bien sûr. On ne peut rêver lieu plus appro­prié, au sous-sol de la média­thèque, pour entendre la lec­ture de ses Mémoires rédi­gées aux der­niers jours de sa vie, entre avril et novembre 1997. Une forme de tes­ta­ment en somme, entre récit de vie et ultime décla­ra­tion d’amour à son public.

On convien­dra qu’il n’est pas si facile de s’en retour­ner ensuite dans la grande salle écou­ter une chan­teuse d’aujourd’hui, encore sous le charme, la force des mots de Bar­ba­ra. Alors on se réjouit d’avoir ren­dez-vous avec Clio. Déci­dé­ment cette jeune femme nous touche au plus pro­fond et ce soir ne démen­ti­ra pas ces fris­sons que font naître sa poé­sie et ses mélo­dies. En l’entendant com­men­cer de sa voix gra­cile ces mots « Dans mon his­toire d’amour je serai Romy Schnei­der », on se prend déjà à rêver avec elle… Comme au temps de l’enfance, dans nos jeux où l’imagination ne connais­sait pas de limites, où tout com­men­çait par « Il y aurait »… Clio a ce pou­voir-là. Sans effets, ni gestes, ni dépla­ce­ments, Clio dévide ses chan­sons, debout der­rière son micro qu’elle enlace de la conque de ses deux mains, ou bien assise sur un tabou­ret haut. Ce sont autant de des­sins, par­fois juste des esquisses qu’elle agré­mente des cou­leurs tendres que viennent ajou­ter les ins­tru­ments. On ne fini­ra pas non plus de dire le talent de Paul Roman à la gui­tare et d’Étienne Cham­pol­lion, au pia­no et aux cla­viers, qui lui font par­fois tout un orchestre.

Ce soir son concert est un savant entre­lacs de nou­velles chan­sons et des anciennes, celles de son pre­mier album avec ses perles que sont Hauss­man à l’envers, Chamallow’song, Des équi­li­bristes, Plein les doigts, ou Éric Roh­mer est mort…

Alors on se réjouit de faire la décou­verte par exemple de ce duo écrit avec le suisse Jéré­mie Kis­ling même si, ce soir, il lui fau­dra trois ten­ta­tives pour en venir à bout avec son gui­ta­riste. Qu’elle se ras­sure, cette fra­gi­li­té-là c’est aus­si le charme et l’authenticité du spec­tacle vivant… Quelle jolie scène de ciné­ma que cette ren­contre Sous l’averse, que ces deux êtres qui se frôlent de leur échange mal­adroit… Un bien joli cadeau que ces mots à la fin : « Il fait moins froid dans mon blou­son. C’était bien tous les deux dehors… » Car Clio conti­nue d’écrire ces ins­tants fra­giles qui font et défont nos his­toires d’amour. Elle chante comme per­sonne les attentes et les doutes, ces petits riens du tout qui font la saveur et la dou­leur d’aimer… de vivre. « Made­moi­selle a per­du prise /​Made­moi­selle fait sa tour de Pise. »

Sou­vent avec Clio, le ciel et ses caprices accom­pagnent les sen­ti­ments, en font la toile de fond, le décor. « Il pleut… Sale temps pour les cas­cades »… Et pour­tant les rêves cara­colent « Nous ferons des enfants /​pour­quoi pas des enfants »… Et l’amour fait son œuvre, pousse à l’espoir, au désir de vivre inten­sé­ment : « Je veux des pas de danse, des car­na­vals /​je veux des longs dimanches »… Et bien enten­du, quand il faut se résoudre à voir « les der­niers restes d’un amour enfui de bon matin… C’est « silence au vil­lage »… Seule­ment « des pas dans la neige. »

Oui, nous aimons cette écri­ture-là. Cette déli­ca­tesse pic­tu­rale, cette infi­nie pudeur aus­si, sans pour­tant que soit occul­té le désir d’en finir avec le quo­ti­dien terne et maus­sade : J’voudrais chan­ger d’histoire /​J’voudrais aller autr’part… Mais on n’en a pas la force. On reste là englué dans son ennui.

On com­pren­dra peut-être aus­si que nous pré­fé­re­rons en res­ter là aujourd’hui, à ce charme indi­cible de Clio. Nous n’irons pas plus loin. Nous pré­fé­re­rons gar­der le silence sur l’artiste qui vint ensuite.

C’est là aus­si toute la dif­fi­cul­té des fes­ti­vals qui font par­fois se suc­cé­der des concerts dissonants.

Nous pré­fé­rons nous attar­der au rêve de Clio : « Dans mon his­toire d’amour je serai Romy Schnei­der »…