Sarah - Flamarens 2015 (© Claude Fèvre)

Sarah – Fla­ma­rens 2015 (© Claude Fèvre)

6 août 2015 – Les Musi­cales de Fla­ma­rens 2015

Pre­mière par­tie : Sarah – Puis­sances Endormies


Châ­teau de Fla­ma­rens (Gers)

Pas vrai­ment ce qu’il y a de plus évident que de pro­gram­mer un(e) artiste venant du Qué­bec, de s’offrir en consé­quence la réfé­rence de la fran­co­pho­nie. Et pour­tant, l’obstination, éga­le­ment par­ta­gée de part et d’autre de l’océan, a rem­por­té la par­tie puisque voi­ci ce soir, en ouver­ture de cette 5e édi­tion, Sarah débar­quée du Québec.

En toute confi­dence, on ne pour­rait le devi­ner quand on voit arri­ver cette jeune femme brune, à la longue che­ve­lure et aux yeux noirs que l’on ramè­ne­rait plu­tôt sur les rivages de la Médi­ter­ra­née. Aux pre­miers mots, avec sa voix qu’elle a claire et pro­fonde, elle séduit. Son pre­mier texte plante un décor urbain où déam­bule un per­son­nage d’éboueur. « Il ramasse les petits bouts de nous qu’on a fait tom­ber en jouant /​un grain de folie /​un cra­chat de révolte /​des miettes d’amitié /​le mégot d’un rêve ». Voi­là qui nous embarque dans un uni­vers poé­tique et non moins per­cu­tant. De quoi réveiller l’envie de décou­vrir davan­tage ce que va bien pou­voir nous dire cette femme qui chante : « Faites silence, un ange chante ».

Son décor a de quoi sus­ci­ter l’attention : au centre de la scène un per­son­nage de chif­fon, pauvre hère assis sur sa chaise, son balai qui traîne pas loin. On sau­ra plus tard qu’il man­quait aus­si une pou­belle, res­tée sur le conti­nent d’en face, trop encom­brante mais sur­tout coû­teuse à empor­ter dans ses bagages. On aurait aimé que cette marion­nette débar­quât aus­si dans l’histoire. Certes Sarah s’en approche, le titille un peu en évo­quant dans sa chan­son un gars qui vit en points de sus­pen­sion… Elle a le talent de ces images-là qui res­tent fichées dans la mémoire pour expri­mer des bles­sures, des doutes, des refus… Mais on n’en sau­ra pas davan­tage de ce com­pa­gnon de scène. C’est d’ailleurs l’impression lais­sée par l’ensemble de ce spec­tacle de trente à qua­rante minutes. C’est fina­le­ment un art par­ti­cu­lier de réus­sir une pre­mière par­tie ! Quelque chose d’inaccompli. Des portes s’ouvrent mais sont trop vite refer­mées. On n’a fait qu’entrevoir et c’est dom­mage car la diver­si­té du talent de Sarah ne fait aucun doute. Elle nous bous­cule sérieu­se­ment avec cer­tains textes qu’elle accom­pagne à la gui­tare aus­si bien qu’au pia­no, comme cette Yolan­da, ce rêve d’enfant qui res­te­ra fina­le­ment dans le ventre de [sa] gui­tare ou bien ce car­rou­sel où nous sommes tous assis et qui ne cesse de tour­ner car au fond rien ne change, ou bien encore cette inter­pel­la­tion – à l’autre ? À soi-même ? – pour dire la dou­leur de gran­dir. Comme un clin d’œil à Si tu t’imagines de Que­neau mais net­te­ment plus amer.

Le spec­tacle est hybride et ce n’est pas pour nous déran­ger. Sarah aborde le slam avec Rim­baud et son poème Les assis – conve­nez, c’est plu­tôt auda­cieux ! – les marion­nettes, avec ses mains habillées de noir et deux gros yeux plan­tés sur ses doigts, le théâtre pour inter­pel­ler mieux encore le spec­ta­teur, « com­pa­gnons des mau­vais jours ».

Sarah et ses Puis­sances endor­mies ne manquent pas de poin­ter le mal de vivre, le sien, le nôtre, et l’on est ému par la confi­dence du début de son spectacle.

Que vient donc faire la Chan­son dans son exis­tence, dans la nôtre aussi ?

« J’ai besoin d’elle pour être en vie ».

Article initialement publié sur le site Nos Enchanteurs :
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