Le Grand Maul, St-Paul-lès-Dax, 2ème édition, Lucie Llong, 2022 (©Claude Fèvre)

Le Grand Maul, St-Paul-lès-Dax, 2ème édi­tion, Lucie Llong, 2022 (©Claude Fèvre))

20 mai 2022, 2ème édi­tion du Grand Maul, Jour 1

Le rug­by est une fête

Avec

Jean-Claude Barens (direc­tion artistique) 

Espace Le Grand Maul

Librai­rie du rug­by : La librai­rie Le vent Délire et les édi­tions Pas­si­flore – revue Landes Rug­by Maga­zine – Ins­tal­la­tion sonore : Ves­tiaire, Jean-Pierre Ber­to­mère – Les Tim­brés du rug­by avec le Centre phi­la­té­lique de l’Adour – Expo­si­tion : Le rug­by, ses ter­roirs et sa mon­dia­li­sa­tion avec le Musée Natio­nal du sport 

Pho­to­gra­phies : Antoine Domi­nique, Femmes de rug­by – Pein­tures : Lucie Llong, Marie-Pas­cale Ler­da, Babeth Puech

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J 1

Inau­gu­ra­tion : Invi­té d’honneur, Richard Escot, écri­vain, jour­na­liste, rédac­teur en chef du jour­nal l’Equipe – Ren­contre avec Jean Haram­bat ani­mée par Ben­ja­min Fer­ret (Sud-Ouest), sui­vie d’une dédi­cace – Docu­men­taire, pro­jec­tion et ren­contre avec le réa­li­sa­teur Chris­tophe Duchi­ron : Le rug­by est une fête Lec­ture : On est pas là pour être ici de Serge Simon, par le comé­dien Domi­nique Commet


Espace Felix Arnau­din, St-Paul-lès-Dax (Landes)

A l’ouverture de la pre­mière édi­tion, nous écri­vions « Voi­ci donc que ce Grand Maul – figure rug­bys­tique soli­daire qui entend faire face aux adver­saires – fait un clin d’œil appuyé au Grand Meaulnes, celui d’Alain Four­nier. Juste avant que la ter­rible guerre de 14 n’eût rai­son de sa soif de vivre et de créer, il fut l’instigateur du Club spor­tif de la jeu­nesse lit­té­raire où s’illustraient – excu­sez du peu ! – Jacques Rivière (futur direc­teur de la Nou­velle Revue Fran­çaise et beau-frère de Four­nier), Gas­ton Gal­li­mard (alors gérant de la NRF), Pierre Mac Orlan ou encore Jean Girau­doux. On croit rêver ! » C’est assez, croyons-nous, pour sou­li­gner l’intention de Jean-Claude Barens, « pas­seur de cultures et acti­viste du spec­tacle vivant » ain­si qu’il aime à se nom­mer lui-même… Il mar­tèle, per­siste, s’obstine, met toute son ingé­nio­si­té – et ses forces ! – à lever les mal­en­ten­dus, à bri­ser les bar­rières : Oui, « Il existe bel et bien une tra­di­tion lit­té­raire et plus lar­ge­ment artis­tique dans le rug­by »… On ne sau­rait résis­ter bien long­temps au plai­sir de citer cette phrase extraite de l’édito ouvrant le pro­gramme : « Poètes, écri­vains et autres cise­leurs de mots, trem­pant leur plume dans ce sport épique et vis­cé­ra­le­ment d’équipe ». Vous l’aurez com­pris, l’homme a lui-même de la plume et vous devi­ne­rez, nous n’en dou­tons pas, qu’il a aus­si le rug­by dans le sang comme tous ceux que nous nous apprê­tons à croiser.

Et nous y voi­ci dans la grande salle trans­for­mée en hall d’exposition, lieu d’écoute et de par­tage. D’emblée ce sont les por­traits en stu­dio des fémi­nines du SU Agen et de l’US Nérac qui vous arrêtent. Le pho­to­graphe por­trai­tiste, Antoine Domi­nique a choi­si le noir et blanc, une tex­ture, pour­rions-nous dire, où la peau, les che­veux portent trace d’un com­bat dont il y a lieu d’être fière, sur­tout quand on nait/​est femme… Ces jeunes femmes plantent leur regard dans le vôtre et vous défient… « Tocos i se gausos…Touches‑y si tu oses… » Il y aurait tant à dire de ces regards d’amazones…

En fond de salle, c’est l’Histoire, petite et grande qui s’affiche, grâce au Muse Natio­nal du Sport, avec une suc­ces­sion de pan­neaux chro­no­lo­giques retra­çant Le rug­by, ses ter­roirs et sa mon­dia­li­sa­tion. Indis­pen­sable cette His­toire pour com­prendre com­ment ce « Foot­ball rug­by » des ori­gines a pu, un jour, sus­ci­ter la pas­sion des créa­teurs comme le jour­na­liste, paro­lier, des­si­na­teur et roman­cier Pierre Mac Orlan qui repose aujourd’hui avec un bal­lon ovale offert par l’équipe de France.

On s’arrêtera lon­gue­ment aux côtés de l’artiste peintre Lucie Llong qui, comme Babeth Puech et Marie-Pas­cale Her­da, toutes ins­pi­rées par le rug­by, couche sur la toile les corps qui se cherchent, s’évitent, se défient dans des mou­ve­ments pro­pre­ment cho­ré­gra­phiques… Son par­cours a de quoi s’écrire : diplôme d’infirmière en poche, elle quitte la France pour un tour du monde et c’est l’Australie qui ins­pi­re­ra défi­ni­ti­ve­ment son enga­ge­ment artis­tique sans fron­tière : elle joue du pia­no, sculpte, chante, fait de la pho­to, de la vidéo… Enfin, elle est de ceux et celles qui vou­draient tout embras­ser dès qu’il s’agit de créer, de s’engager dans cette part sublime de notre huma­ni­té, comme un défi à nos parts d’ombre. Celui que l’on enten­dra en ouver­ture ne nous démen­ti­ra pas.

Il s’agit du mon­tois, Jean Haram­bat, auteur de BD, scé­na­riste, des­si­na­teur dont l’ouvrage En même temps que la jeu­nesse (Actes Sud, 2011) vient d’être réédi­té. L’écouter, inter­viewé par le jour­na­liste, Ben­ja­min Fer­ret (Sud-Ouest) est un ins­tant jubi­la­toire qui vous récon­ci­lie – si besoin est- avec l’humanité. Ce qua­ran­te­naire, issu d’une famille d’agriculteurs, a long­temps cher­ché sa voie, d’abord enga­gé dans des études lit­té­raires, phi­lo­so­phiques… De ce tâton­ne­ment il a fait une richesse en par­tant à tra­vers le monde, en s’engageant à chaque halte dans le rug­by ama­teur mais aus­si dans l’humanitaire (Argen­tine, Afrique, Aus­tra­lie…) sans jamais perdre une miette de ses expé­riences, de ses ren­contres qu’il consigne dans des car­nets. De toute cette matière il fera le roman gra­phique d’un petit rug­by­man, qui de com­bi­nai­son de jeu en com­bi­nai­son de jeu – tou­jours ce goût du geste /​de la geste col­lec­tive ! – par­court le monde… Quand on l’interroge sur les valeurs du rug­by, il s’en va pui­ser tout natu­rel­le­ment dans sa culture phi­lo­so­phique et vous parle d’un che­min de vie où il faut accep­ter l’accident, l’imprévu, la dou­leur ain­si que l’enseigne le « kai­ros » d’Aristote, ce dieu qu’il faut attra­per par les che­veux, alors qu’il a la moi­tié du crâne rasé. Mais ce qu’il aime aus­si c’est cette paci­fi­ca­tion, une fois le coup de sif­flet final donné.

Ce sont d’ailleurs ces mêmes valeurs dont on entend par­ler dans le docu­men­taire qui suit, Le rug­by est une fête du réa­li­sa­teur Chris­tophe Duchi­ron. Il s’agit de se remé­mo­rer le match de finale Mont-de –Mar­san – Dax, ce der­by lan­dais de 1963 qui vit la vic­toire des mon­tois, au terme d’un match dan­tesque où le ciel même fut de la par­tie, se déchaî­nant à la trente neu­vième minute. Au-delà de l’émotion de revoir des dis­pa­rus – des décès bru­taux qui endeuillent tout un dépar­te­ment – de réen­tendre l’inénarrable com­men­ta­teur Roger Cou­derc, d’écouter réunis le mon­tois André Boni­face et le dacois Pierre Alba­la­dé­jo, de s’attarder sur un « rug­by de vil­lages », sur l’exaltation de la vic­toire et le déses­poir, la « tra­gé­die » – au sens dra­ma­tur­gique ! – de la défaite, c’est tout un pan du rug­by qui est mis en exergue. Le réa­li­sa­teur, au micro de Richard Escot, rédac­teur en chef du jour­nal l’Equipe sou­ligne que le maître mot serait la fra­ter­ni­té et ce petit quelque chose qui relève de l’enfance, de la joie du jeu avant de conclure « Ce sont des sen­ti­ments très nobles qui tra­versent cette finale ».

Enfin, de toute cette fra­ter­ni­té, de ces rituels avant, pen­dant et après les ren­contres, de toutes ces figures qui ins­pirent peintres et pho­to­graphes, on peut aus­si vou­loir s’amuser sur­tout si l’on en est soi-même un acteur. C’est ce que fit Serge Simon, méde­cin géné­ra­liste, ani­ma­teur radio, « pilier » et diri­geant, vice-pré­sident de la Fédé­ra­tion fran­çaise de rug­by… Bref, pour résu­mer, il sait de quoi il parle et son Dic­tion­naire absurde du rug­by, On n’est pas là pour être ici (édi­tions Pro­lon­ga­tions, 2006) a de quoi nous amu­ser vrai­ment. C’est tel­le­ment réjouis­sant ce bon­heur des mots, de tout un jar­gon qui vous ini­tie aux rites, tra­di­tions, et usages sans jamais se prendre au sérieux… Notons que le comé­dien en charge de la lec­ture nous a, en quelque sorte, aus­si pro­po­sé son « absur­die » avec le son étrange et déchi­rant de sa gui­tare, son inter­pré­ta­tion… sans par­ler de sa mise en scène… Mais chut, reve­nons vite aux mots. Répé­tez avec moi : « coquille, cla­quage, des­cente, Dol­pic, éponge magique, four­chette, gra­ve­lote… man­chette, mar­ron… » Vous appren­drez notam­ment beau­coup sur la mêlée, celle que l’on ferme, que l’on relève… bref, l’un des rites les plus éton­nants du rug­by et dont l’auteur, a pu tes­ter toutes les figures !