Paris Combo, Quesaco ? 2022(©Jorge Fidel Alvarez)

Paris Com­bo, Que­sa­co ? 2022 (© Jorge Fidel Alvarez)

17 mai 2022 – De clip en clip # 16

Res­ter ensemble encore un peu… 

Avec,

Paris Com­bo, Scène de la vie pari­sienne (paroles et musique de Belle du Ber­ry) - 7e album Que­sa­co ?, sor­ti le 6 mai 2022, hom­mage à Belle du Ber­ry décé­dée en 2020, auteure com­po­si­trice du groupe, réa­li­sa­tion We are The Good Chil­dren /​That­dog

Mau­vais Sang, Quand dis­pa­raître, pre­mier album Des corps dans le décor, sor­ti le 10 mai 2022, réa­li­sa­tion Mathis Sau­nier

Florent Mar­chet, En famille (paroles et musique Florent Mar­chet), album Gar­den Par­ty à paraître le 10 juin 2022, réa­li­sa­tion Raphaël Neal


Et puis sur­tout, lon­ger la Seine, belle liquide qui reflète
Les temps anciens comme modernes aux immeubles de verre high-tech
Je cale mes pas sur les tiens, d’un pont à l’autre nous enjam­bons
Le bras de la seine qui nous suit quand sur sa rive nous divaguons

Belle du Berry

Scène de la vie pari­sienne, un titre à réveiller nos sou­ve­nirs lit­té­raires, à la suite de nos héros bal­za­ciens arpen­tant Paris, ses « pas­sages dis­crets », ses « impasses incon­grues », couple amou­reux diva­guant en bord de Seine, dans le froid, dans la nuit… Tout est là pour nous faire rêver…

Et pour­tant quelque chose d’infiniment triste accom­pagne ces images, un départ, d’immenses regrets et cette envie d’emprunter défi­ni­ti­ve­ment au texte… « Res­ter ensemble encore un peu »… Car ce clip est un hom­mage à son auteure, Belle du Ber­ry empor­tée par un can­cer alors qu’aux prix des efforts qu’imposait l’année 2020, l’album venait de s’achever, ordre des chan­sons, mix. Impos­sible d’oublier Belle du Ber­ry, en voyant la pre­mière image, cette femme de dos qui lui res­semble. Sur le pont, elle regarde la Seine où glisse un bateau-mouche, le ciel s’habille de rose, et les quais s’illuminent des lumières des réver­bères. Zoom avant, elle met son casque sur ses oreilles… La trom­pette de David Lewis la suit… Elle marche dans le froid, mains enfouies dans son blou­son, déter­mi­née, joyeuse dans ses bot­tines « Mar­cher dans Paris, mar­cher avec toi »… Dans les rues vides, elle esquisse des pas de danse, légers, aériens, presqu’enfantins… La camé­ra l’escorte et le swing gitan de la gui­tare de Pot­zi aus­si. On le retrouve assis, appuyé contre un réver­bère. Au près de lui, on s’attarde et les eaux de la Seine se parent de scin­tille­ments et de reflets. La camé­ra mutine déniche dans les ombres quelques couples d’amoureux qui se croient seuls au monde, un col vert qui se déhanche au bord du quai. Quand elle ren­contre un homme sur un banc, elle lui met le casque sur les oreilles et les voi­là par­tis dans une déam­bu­la­tion dan­sée. C’est aus­si simple que ça : « Tu cales tes pas sur les miens et nous repar­tons aussitôt ! » 

Le der­nier plan fait écho au pre­mier, mais le jour s’est levé sur Paris. Les lumières se sont éteintes et la voix et la musique se sont tues.

Nous voi­ci main­te­nant devant un clip du jeune quin­tet rock Mau­vais Sang. Avouons que le nom du groupe, emprun­té au film de Leos Carax - un polar domi­né par la haute sta­ture de Michel Pic­co­li - a de quoi rete­nir l’attention sur­tout quand leur pre­mier album reçoit des quan­ti­tés d’éloges… « Un bijou hal­lu­ci­na­toire » écrit Lon­gueur d’Ondes. Ici, avec le texte du der­nier titre de l’album, Quand dis­pa­raître, nous péné­trons immé­dia­te­ment dans l’obscur, le dou­lou­reux, l’indicible d’une enfance mal­trai­tée… « Quand dis­pa­raitre un peu plus de sa peau n’est qu’une enfance aban­don­née. » Com­ment tra­duire en images ce qui reste, caché « Quand quelques murs font de toi la proie » ? La gui­tare élec­trique psal­mo­die len­te­ment pen­dant que la camé­ra se pose et zoome sur un petit poste de télé­vi­sion, comme nous en avions dans nos stu­dios des années 70. Quand la voix s’élève – celle du chan­teur Léo Simond qui est aus­si l’acteur – nous sommes à la suite du per­son­nage habillé de blanc dans un décor urbain noc­turne et qua­si désert, hor­mis le pas­sage des voi­tures. Il porte dans ses bras le poste de télé­vi­sion qu’il ne lâche­ra pas. La voix, pas vrai­ment chan­tée, égrène le texte « Et que sont tes armes dans tout ça ? »

Très vite nous par­ta­geons l’angoisse du per­son­nage qui se retourne, regard inquiet. Il fran­chit un pont, se retrouve dans une rame de métro, puis siro­tant à la paille une bois­son dans un bar… Enfin le jour… Un train, le pay­sage hiver­nal qui défile avant de se retrou­ver dans la nature sans âme qui vive, avec tou­jours ce même regard inquiet. Tout à coup, un bruit métal­lique sus­pect… Le pas alors s’accélère et l’inquiétude gran­dit. Le per­son­nage entre dans une forêt. Des arbres dénu­dés, des plaques de neige… Il se met à cou­rir, c’est la chute inévi­table. On devine alors à peine une pré­sence, juste à l’angle de l’écran… une ombre, une sil­houette, une menace. Le per­son­nage peine à se rele­ver, à reprendre une marche de plus en plus dif­fi­cile, n’abandonnant tou­jours pas son poste de télé­vi­sion… « Quand dis­pa­raître un peu plus de sa peau n’est qu’une enfance aban­don­née… » Sur l’écran appa­raissent en effet des images de l’enfance que le per­son­nage regarde, visage froid, fer­mé… Des chœurs s’élèvent… Mais on ne vous révé­le­ra pas le dénoue­ment de ce clip construit comme un thril­ler et propre à sus­ci­ter l’intérêt pour une jeune for­ma­tion dont L’Astrolabe d’Orléans qui l’a accueillie en rési­dence a dit : « C’est une musique de roche, de bois, de cre­vasses et de séracs ».

Dans un peu moins d’un mois sor­ti­ra un nou­vel album de Florent Mar­chet. On attend beau­coup de cette Gar­den Par­ty… Et voi­ci qu’il nous met l’eau à la bouche avec un clip titré En famille… Allons, bon ! Un titre propre à faire un étrange écho au clip pré­cé­dent. Dans des teintes « vin­tage » la pre­mière image est celle d’un pla­teau de scrabble où une main dépose les lettres du titre. D’emblée, le plan sui­vant, très rapide, nous aligne, à la façon de La Cène de Léo­nard de Vin­ci, des per­son­nages à table, avec en son centre un ado­les­cent habillé de jaune mou­tarde qui a l’air de pas­sa­ble­ment s’ennuyer… Vient ensuite l’image du chan­teur à son cla­vier… « Jour de fête Mon­tar­gis, quelques heures un same­di… » Nous voi­ci donc en famille, à table, comme cha­cun d’entre nous a pu le vivre. Se suc­cèdent alors, en alter­nance avec le chan­teur – sou­vent au télé­phone, à fil et orange, bien sûr – essayant d’orchestrer tout ça, des plans des membres de la famille… « On avance à pas lourds sur un ter­rain miné… » Très vite, ça s’agace… et les mots que l’on n’ose pas dire s’inscrivent au feutre sur des feuilles blanches. « On s’accuse, on s’empoigne, au mieux on fait sem­blant » Cha­cun de nous connaît bien ça ! La solu­tion à la qua­ran­taine ? Des heures de divan peut-être ? Bref, on vous laisse décou­vrir cette suc­ces­sion de scènes bur­lesques, par­fois même tarte à la crème… Si, si ! « Par­fois déso­béir, j’ai quelque chose à vous dire »… On s’en sou­vient aus­si de ce vœu secret « Ne pas deve­nir l’oncle qu’on détes­tait »Les géné­ra­tions se suc­cèdent, inexo­ra­ble­ment, et les juge­ments fusent « Comme ils se tiennent à table… » avant qu’un jour un appel télé­pho­nique, une urgence, un départ défi­ni­tif ne changent la donne « Oh mer­ci d’être là »… Là encore, on vous laisse décou­vrir le dénoue­ment qui pour­rait bien venir de l’ado en jaune mou­tarde que nous fûmes un jour devant notre gâteau d’anniversaire.

Pour­ra-t-on chan­ter alors en conclu­sion, avec Paris Com­bo « Res­ter ensemble encore un peu… » ?