Marjolaine Piémont– Café Plùm – 2018 (© Célia Larant)

Mar­jo­laine Pié­mont – Café Plùm, 2018 (© Célia Larant)

30 novembre 2018 – Fes­ti­val Comme ça nous chante du Café Plùm

Mar­jo­laine Piémont

Avec
Mar­jo­laine Pié­mont (gui­tare, voix) et Eric Amro­fel (gui­tares)


Le Café Plùm – Lau­trec (Tarn)

Assoif­fée de liber­té, Mar­jo­laine Pié­mont prend des trains à tra­vers la plaine d’Alsace et arrive à Paris. L’histoire com­mence roya­le­ment avec Pierre Car­din qui lui offre son pre­mier contrat chez Maxim’s. Elle arpente les scènes des caves de Saint Ger­main des Prés aux toits de Mont­martre, de bars bon­dés en salles clair­se­mées, de Kali­nin­grad à Abid­jan, et chante même en japo­nais ; le Japon, son pays d’adoption qui lui pro­pose de chan­ter lors de la tour­née Hit Songs des chan­sons françaises.

D’aventure en aven­ture, elle par­ti­cipe à des équi­pées fan­tas­tiques telles que Sol en Cirque ou Mozart l’Opéra Rock…

Des trains à tra­vers la plaine…

Mar­jo­laine, un pré­nom qui s’étale en lettres capi­tales sur son der­nier album, sur son livret. Il fleure bon notre pays de chan­sons popu­laires… Il rap­pelle, pour les plus anciens, un auteur com­po­si­teur, Fran­cis Lemarque , une chan­son ori­gi­nelle en alle­mand qui clôt Les sen­tiers de la gloire de Stan­ley Kubrick. Mais aus­si une plante odo­ri­fé­rante autre­ment nom­mée ori­gan… Par­fums d’herbes sauvages…

Est-ce assez dites-moi ? Est-ce assez pour vous mettre en appétit ?

Regar­dez-la entrer en scène, che­veux libre­ment lâchés sur les épaules, bouche rouge, four­reau noir, jambes sans fin qui s’achèvent sur des pieds chaus­sés d’escarpins… Verts ! Elle se tourne vers son gui­ta­riste, tend une main auto­ri­taire pour qu’il y dépose, obéis­sant, le médiator…

« Mar­jo­laine toi si jolie, toi que le prin­temps fleurit »…

Elle est belle, racée, trou­blante quand elle entonne sa pre­mière chan­son. « Oui, c’est merveilleux/​De ser­rer la main des mes­sieurs /​Bien plus auda­cieux /​Que de regar­der dans les yeux… » On se dit d’emblée que son gui­ta­riste, sur lequel elle pose ses regards de domi­na­trice, aura fort à faire pour repré­sen­ter l’autre sexe à ses côtés… Elle ira même jusqu’à inver­ser les rôles et lui faire le baise main…

Sachez-le, il se défend plu­tôt bien, à grands ren­forts de solos où sa gui­tare – élec­trique sur­tout – s’impose, envoûtante…

Mar­jo­laine Pié­mont a pris le par­ti de jouer de tous les codes de la fémi­ni­té, pré­ci­sé­ment ceux qui nous mènent tout droit à l’asservissement. Et der­rière cette façade de femme belle et lisse, sûre d’elle, séduc­trice et conqué­rante dont elle ne se départ jamais – dans les chan­sons comme dans les textes pour les annon­cer – elle lève peu à peu le voile sur la dimen­sion de son jeu. Pour qui veut bien lire entre les lignes bien sûr…

Car on pour­rait être ten­té d’opter pour un regard réduc­teur, celui qui s’attarde à un dis­cours par trop fémi­nin quand elle sou­ligne par exemple qu’il existe neuf muses pour dési­gner la femme ins­pi­rante, et pas un seul mot pour dési­gner l’homme dans un rôle simi­laire… Une insa­tiable dévo­reuse d’hommes en somme, pré­oc­cu­pée d’amour, de sexe ani­mal sur­tout… Celle qui s’affole de la dis­pa­ri­tion du poil « anti-stress », celle qui ne voit son mec que deux fois l’an, un peu sotte il faut l’avouer pour dire « Il me parle /​De ma beau­té inté­rieure /​Moi je le crois /​C’est mon doc­teur. » ou, – pire encore ?- pour n’être que  « la potiche qui sou­rit … jute bonne à res­ter dans l’ombre d’un homme. » …

On découvre, bien au-delà, une femme qui reven­dique sa sexua­li­té sans tabou – mais sans une once de vul­ga­ri­té ! – comme lorsqu’elle reven­dique le plai­sir fémi­nin, le bon­heur d’être à cali­four­chon, jusqu’aux sor­cières sur leur balai ! On entend la dou­leur de celle que l’on ne touche plus, ne caresse plus, « Moi qui vou­drais seule­ment une main /​Une main pour pas­ser sur mes reins ». Celle qui réclame un corps qui ne se pare pas en vain « A quoi sert mon par­fum /​Si jamais on ne s’y enivre. » Celle qui délais­sée dans son lit, « On a pris le pli /​Dans le même lit /​Toi ici et moi là –bas » reven­dique ses rêves éro­tiques « Des hommes nus, des incon­nus se ruent sur moi/​Ils ne sont pas sages, ils sont de pas­sage ».

Enfin bien sûr, on sent poin­ter une révolte sourde quand par­fois on croise un être « vil et car­nas­sier, dents de velours et main de maître ». L’attaque est clai­re­ment ciblée contre « Ce paon /​Soi-disant direc­teur artis­tique /​Se pava­nant ô vic­toire /​Vic­toire de la musique »… Un être capable de vous lais­ser « en lam­beaux ». Cette révolte nous vaut sans doute la chan­son la plus auda­cieuse, titrée La sol do mi, suf­fi­sam­ment sub­tile pour­tant pour qu’on s’y trompe un bon moment… On est loin de la Mar­jo­laine de la chan­son aimée du soldat…

Pour finir on accor­de­ra quelques lignes à la petite fille, « Une belle au bois dor­mant /​Entre papa et maman » ron­gée par la jalou­sie à l’arrivée d’une autre prin­cesse, sa sœur. Voi­là pour l’orée d’une vie. Et pour la fin elle donne sa voix à une vieille femme de quatre-vingt prin­temps « Pour tuer le temps j’ai un amant /​je l’aime à perdre la rai­son /​Alz­hei­mer c’est son pré­nom… »

C’est dire qu’avec Mar­jo­laine Pié­mont il ne faut pas se lais­ser abu­ser par l’image, celle de la cou­ver­ture de son album, de son affiche. Cette femme debout dans sa robe noire, domi­nant un très beau mâle nu, lan­gou­reu­se­ment allon­gé sur un cana­pé de velours rouge… Plus que jamais, il faut aller Au-delà du super­flu, titre épo­nyme de l’album

« Sans mes robes de prin­cesse /​Sans tout le tra­la­la pour arron­dir mes fesses /​Sans mon sou­rire dans tous les coins /​Mes poudres de perlimpinpin/​M’aimeras-tu ? Sans le super­flu ? »