Rosie Marie, Piano voix (©Pauline Penicaud)
21 octobre 2016 – Concert de clôture de Chantons sous les toits, saison 2016
avec Rosie Marie (Piano- voix)
Le Domaine Articole – Cadalen (Tarn)
On ne dira jamais assez qu’évoquer un concert c’est rendre compte d’un instant éphémère… Un lieu, un jour, une heure. Que l’on ne saurait avoir prétention à une quelconque vérité sur un univers artistique. Que tout passe au filtre de ce que nous sommes nous –même à cet instant. C’est sans doute là aussi ce qui fait le charme profond de cet exercice d’écriture : vous offrir à partager un moment qui ne se reproduira plus jamais. Alors laissez-vous faire. Suivez-moi dans un lieu insolite qui s’apprête à accueillir une chanteuse plutôt « parisienne »…
Vous êtes au Domaine Articole de Frédéric Blanchard et Virginie Mouchel. Un lieu de création, diffusion, un lieu où l’on danse, où l’on chante, où l’on se retrouve au printemps pour trois jours de Chanson à cueillir… Les mots mêmes font rêver ! Vous avez quitté l’autoroute Toulouse-Albi pour serpenter jusqu’au village de Cadalen. On vous reçoit dès 19h dans ce qui fut jadis une étable, sous des poutres tutélaires… On y a dressé une table garnie de douceurs confectionnées par les spectateurs. Salées avant concert, sucrées après… Le tout arrosé bien entendu… Rappelons que nous sommes sur les terres du « Gaillac ». Voilà pour l’accueil. Mais ce n’est pas tout car à 20h30 quand vient l’heure du concert vous quittez cet espace pour rejoindre ce qui fut peut-être autrefois le grenier à foin et qui abrite la scène équipée son et lumières où trône un superbe piano noir…un piano à queue, s’il vous plaît, qui ferait rêver plus d’une salle toulousaine !
D’ailleurs les arpèges et les trémolos de Rosie Marie, pianiste avertie, sauront honorer ce privilège. Ce soir c’est elle qui clôt la saison 2016 des concerts à domicile de l’association L’Oiseau Lyre, organisatrice des Chantons sous les toits. Frédéric Blanchard l’accueille en évoquant le prochain rendez-vous du 19 novembre à la médiathèque d’Albi, audition publique où se rencontreront artistes préalablement sélectionnés sur écoute et accueillants. Nous en reparlerons bientôt.
Rosie Marie est une chanteuse à la voix forte qui ondule, qui vibre, qui pourrait aisément s’en aller sur les rives du jazz et du gospel. On n’est pas surpris de sa reprise de Véronique Sanson, ni du titre choisi Chanson sur ma drôle de vie. Elle nous offre aussi une émouvante chanson a capella, debout devant le piano qui nous donnerait envie d’en entendre ainsi davantage. D’ailleurs le public ne s’y est pas trompé. C’est ce qu’il lui demande en rappel à la fin.
Elle offre son élégance, une recherche raffinée du vêtement, de la coiffure, savamment nouée pour dégager son profil au piano… Elle reste enjouée, Rosie Marie, pour partager avec le public ce qui reste avant tout des états d’âme, au bord du cœur – elle dit « aux bords de la vie » – qui interrogent, qui peignent des paysages intérieurs impressionnistes, rarement vraiment tristes. C’est un univers aux couleurs de l’automne qui s’harmonisent avec la saison, avec le lieu aussi… Ce ne sont pas vraiment les sanglots longs de Verlaine, mais c’est langoureux souvent… On avouera regretter que ce soit dans ce registre que les jeunes créateurs d’aujourd’hui nous enferment souvent comme s’il leur était trop difficile de s’échapper de leur coquille, trop douloureux de happer l’air du temps… On se laisse porter par leurs mots, certes, mais sans vraiment retenir ni air, ni parole. Ici pas de portrait, pas de récit… Seulement les méandres de la pensée qui cherche, se cherche. La nature humaine, dit le titre de la tournée de Rosie Marie.
Cette intimité trouve sûrement un tout autre écho chez le spectateur dans la deuxième version de ses chansons. En trio pop électro cette fois avec Meivelyan Jacquot à la Batterie et Martial Bort à la guitare. Rosie Marie présente là un autre visage… Mêmes textes, mêmes mélodies mais d’autres arrangements propres à séduire un autre public, un autre domaine des musiques actuelles. On sait par avance qu’il ne lui sera pas aisé de communiquer auprès des diffuseurs sur ces deux facettes de son projet, comme si le public était, lui, incapable de voyager, de découvrir, de s’émouvoir sur des musiques différentes. Rosie Marie dit avoir des modèles qui l’inspirent. Elle cite Jeanne Cherhal, Elton John mais aussi Céline Dion… On la comprend peut-être mieux alors quand elle dit qu’elle reste attachée à ses chansons dans les deux versions.