Samuel Leroy, Bernique ! (©Emilie Leclerc)

Samuel Leroy, Ber­nique ! (© Emi­lie Leclerc)

28 avril 2016 -Samuel Leroy, album Bernique !

avec Samuel Leroy Paroles, musiques et arrangements

« Salut, je m’appelle Samy /​Je chante depuis que j’suis tout p’tit » ainsi se présente l’olibrius d’un bon quintal qui occupe la scène avec sa guitare et sa casquette. Il ajoute « En attendant l’Olympia /​Je chante pour moi. » Remarquez qu’il ne vise pas Bercy ou le Carnegie Hall : en dépit de sa carrure impressionnante, c’est un modeste, Samuel Leroy, le copain qui vient sous amuser en vous chantant des calembredaines – Mais vous n’en sortez pas intact ! Michel Trihoreau, Portrait dans  Chorus n°68, Printemps 2008

Sous l’humour et l’absurde, la tendresse 

Il est plus que temps de vous par­ler de cet album arri­vé dans la boîte aux lettres avec un petit signe d’amitié, comme on en envoie aux copains, aux fran­gins… Car il faut vous dire qu’il est comme ça, Samuel, un gars tout simple qui monte en scène pour vous racon­ter ses his­toires ban­cales, « ban­croches » dirait son ami Régis Cunin, le lor­rain qui l’invite sou­vent à Jar­ny, à l’espace Gérard Phi­lippe. Guet­tez, chan­ceux qui habi­tez dans les parages, l’un de ces rendez-vous !

Calem­bre­daines, fari­boles… Jolis mots, un soup­çon désuets, mais qui collent bien à cet uni­vers qui se joue de tout et même de ce qui fait mal, et même des décep­tions ! Ber­nique ! Dit le titre que l’on entend volon­tiers dans la voix d’un enfant moqueur, d’une moqueuse…celle dont on voit les pieds en équi­libre sur le rail de che­min de fer ! Même pas peur !

Ber­nique ! C’est bel et bien une décep­tion, celle de l’homme qui tient en main une pho­to de son enfance et qui regarde sa vie : « J’voulais une vie en or et elle est en plas­tique »… Quand il tente de s’en échap­per, qu’il part en voyage, c’est du grillage qu’il rap­porte dans sa valise. Cet homme là, c’est peut-être encore lui que l’on découvre en fin d’album, celui qui aime traî­ner sa mélan­co­lie dans les gares : « J’m’entraîne à par­tir pour le jour où tu vou­dras me revoir… » C’est peut-être celui qui chante Les mots de Coc­teau, celui dont les doigts sont des pin­ceaux, « artiste hors piste » ou bien celui qui se dit dans l’incapacité de faire des choix Entre Répu­blique et Palais Royal – car « Tout est Dieu, tout est Diable »… ; c’est à coup sûr celui qui, comme Pré­vert avant lui, a tant de com­pas­sion pour le lion du cirque qui rêve à son Afrique, sa savane (La valse de Léon), pour ce « men­teur, tri­cheur, voleur », celui qui se sur­nomme Macin­tosh Maca­dam, ou pour Petite Babou­ch­ka, l’exilée, celle qui lui a lais­sé la plus belle leçon qui soit, celle de l’espérance : « Voir plus loin, plus haut, plus tard »… 

Vous l’aurez devi­né, si vous ne le connais­sez pas encore, Samuel Leroy a tout du clown. Sous ses plai­san­te­ries se niche un grand cœur qui doute et qui pleure aus­si. D’ailleurs il sou­ligne sa paren­té avec le cirque dans les der­nières secondes de l’album, à la fin de sa chan­son Affaires de famille, une famille sans queue ni tête… un mon­tage de jeux de mots, de rimes, comme il les affec­tionne et que l’on trouve aus­si dans C’était juste pour vous dire que… Par­fois il pousse très loin la déri­sion, l’ironie. Pour dénon­cer le machisme le plus sor­dide, celui qui pour­rait ali­men­ter des envies de meurtre, il invente une chan­son écrite aux toi­lettes, chasse d’eau à l’appui (Je chi­pote). Dans ce registre, son cocu plus bête que l’ordinaire, L’amant de ma femme, res­te­ra pour long­temps sans doute, un mor­ceau de choix dans le menu de ses concerts.

Enfin, dans ce nou­vel album habillé de pop rock dyna­mique, c’est peut-être dans la chan­son Iver­gny que l’on trouve la source de ces chan­sons entre rires et larmes. Dans ce vil­lage du Pas – de-Calais, dans cette terre, cette « petite patrie » pas for­cé­ment de quoi faire de la poé­sie… mais Samuel Leroy, en fait, lui, une émou­vante chanson.

Sans rire, c’est beau !